Neal Morse - Morsefest 2015 - ? and Sola Scriptura Live

Sorti le: 17/04/2017

Par Jean-Philippe Haas

Label: Radiant Records

Site: http://www.nealmorse.com/

Il est grand le mystère de la foi… Neal Morse n’est-il pas une vivante incarnation de la ferveur qu’elle peut susciter dans la musique ? Grand pourvoyeur de christian progressive rock, l’ex Spock’s Beard a depuis 2003 assuré le service après-vente de Dieu à coup d’albums conceptuels et de triples voire quadruples live. Il a même monté un festival qui lui est tout entier dédié à Nashville , humblement et sobrement appelé Morsefest. Alors que sur l’édition 2014 il jouait dans son intégralité Testimony et son successeur One, voilà que, avec la même fine équipe, c’est au tour de ? (Question Mark, pour les intimes) et de Sola Scriptura de connaître l’honneur d’être interprétés de leur première à leur dernière note. Et pour plaire à tout le monde, notre bouillonnant dévot multi-instrumentiste n’a pas hésité à placer çà et là une fois encore une poignée de titres de son répertoire parallèle, à savoir des compositions de son ancien groupe et de Transatlantic. Si avec un tel menu, il n’arrive pas à écouler quelques brouettes du Morsefest 2015, c’est à n’y plus rien comprendre, Bon Dieu !

Le VRP patenté du barbu céleste n’a pas choisi ses musiciens au hasard pour assurer deux soirs de suite un concert de plus de deux heures à base de titres frisant souvent le quart d’heure voire la demi-heure. Il y a bien sûr son ami et ex Dream Theater, le frappeur en chef Mike Portnoy. Parmi les grisonnants et/ou dégarnis, on compte Bill Hubauer qui, en plus d’assurer une partie des claviers et des chœurs, pousse occasionnellement la chansonnette de manière fort convaincante (« MacArthur Park »). Dans cette même catégorie, il y a également Randy George. Expressif comme un missel planqué sous le banc d’une église, il assure un groove dont on ne croirait pas capable un bassiste aussi impassible et reprend sans plus sourciller les parties de Pete Trewavas (Transatlantic) et de Dave Meros (Spock’s Beard). Le jeune et talentueux guitariste Eric Gillette (qui, malgré son nom porte une barbe de quelques jours) fait considérablement baisser la moyenne d’âge. Lui aussi prête sa voix de temps à autres, avec le même talent. Entre les titres, Morse et Portnoy assurent le spectacle jusqu’à donner dans la déconnade, histoire que tout cela ne devienne pas trop sérieux. Car durant ces concerts, on a inévitablement beaucoup d’emphase, de postures affectées, de « Oh Lord » et autres « Jesus ». Mais on ne pourra pas dire qu’on ne savait pas à quoi s’attendre avec Neal « Glorious » Morse. Y compris la présence d’une section de cuivres, d’une chorale, de danseuses, de ses enfants… et même d’un prêcheur à l’américaine pendant « Solid as The Sun »… On passera sous un silence poli quelques séquences frisant le ridicule comme le final façon « communions dans l’allégresse » de Question Mark, dont « Inside His Presence » et ses paroles défilant sur grand écran…

Ce serait toutefois un mensonge (pieux, évidemment) de nier le plaisir certain qu’on a d’entendre les volumineux « Go The Way You Go » et « At The End of The Day » (avec Nick D’Virgilio à la batterie, s’il vous plaît), deux morceaux issus de la « grande » période Spock’s Beard. « A Whole Nother Trip », tiré du premier album solo pré-transfiguration de Neal Morse est une autre agréable surprise. Mais ne jouons pas les nostalgiques d’une époque (pas si) lointaine et sachons apprécier les qualités intrinsèques des compositions plus récentes (et saturées de bondieuseries, il faut le préciser). A défaut de remporter un prix d’originalité, elles ont le mérite de faire vibrer, par moments du moins, notre corde d’incorrigibles adeptes de titres démesurément longs, où les solos furieux croisent des espaces de recueillement, des cantiques ampoulés et autres oratorios épiques, le tout en version prog rock. Caricatural parfois mais jubilatoire aussi dans ses excès.

Le documentaire (en VO non sous-titrée) qui présente les coulisses du Morsefest remplit son rôle pour qui a une heure à perdre : Neal remercie Mike et Dieu, les musiciens disent tout le bien qu’ils pensent de ces deux jours de concerts, Neal remercie son public et Dieu, les musiciens parlent de leurs difficultés à jouer toutes ces compositions compliquées, Neal remercie les artistes qui l’ont inspiré et Dieu, les musiciens font un bœuf, et les fans encensent la musique de Neal, qui remercie Dieu.

Ces deux soirées de prosélytisme musical sont disponibles sous la forme d’un coffret 2 DVD / 4 CD ou d’un double Blu-Ray. Si on est capable de faire abstraction du côté « grand-messe » au sens propre du terme, alors on percevra ce joli coffret comme une bonne grosse réserve de bonne musique aux multiples reliefs , ancrée à la fois dans un passé glorieux pour le fond et dans la modernité pour la forme, certes un peu pompeuse, mais jouée par de grands musiciens, avec sincérité.