Katatonia

28/11/2016

Dynamo - Zürich

Par Florent Canepa

Photos: Caroline Traitler

Site du groupe : http://www.katatonia.com

Setlist :

Last Song Before the Fade – Deliberation – Serein - Dead Letters - Day and Then the Shade – Serac – Teargas – Criminals - Saw You Drown – Evidence - Soil‘s Song - Old Heart Falls - For My Demons – Leaders - In the White – Forsaker - My Twin – Lethean - July

Amis corbeaux, bonsoir. Alors que le froid commence à engourdir subrepticement la ville de Zürich, il était opportun, au détour d’un samedi soir, de découvrir en chair et en cordes les nordiques et enjoués Katatonia pour une séance de mélancolie auditive. Direction le Dynamo, salle helvète mythique pour la musique qui se consomme en décibels (ils ont reçu Kreator il n’y a pas si longtemps, pour donner une idée). Sorte de maison des jeunes paradoxalement propre et bien rangée (nous sommes en Suisse, même la bière ne colle pas au sol), elle offre à l’auditeur un son plus que correct malgré sa disposition en étage. Seules les lumières seront ce soir-là un peu en deçà des espérances.

C’est une affiche gourmande qui nous est proposée puisque pas moins de deux groupes se partagent l’ouverture avant l’arrivée des Suédois. Deux groupes dont un espoir qui se confirme et une valeur montante qui devient valeur sûre. On commence avec Vola, révélation via Inmazes, très bon disque aujourd’hui porté sur scène. Syncopes fantastiques, apports électroniques judicieux et la voix mélodique et maîtrisée de Asger Mygind : tout participe à faire de cette entrée en matière une réussite au goût exquis, malgré un show minimal. On pense étonnamment à Pain of Salvation ou Biffy Clyro tant les chœurs et arrêts synchronisés sont parfaitement exécutés. C’est lourd mais pop, franc mais complexe et on se plaît à penser que les Danois ne joueront pas si longtemps les chauffeurs de salle. Seul bémol sans doute : un jeu de batterie un peu en dessous du reste de l’équipe qui pourrait, le temps venu, évoluer vers plus de finesse.

Allons encore un peu plus haut sur la planète, à touche-touche avec la calotte glaciaire, avec les Islandais de Agent Fresco. Très attendus par un public aussi manifestement là pour eux, le groupe sait répondre aux attentes et démarre fiévreusement. Plus incisifs, bénéficiant d’un son plus rond et plus intense, le quatuor propose une musique qui se balade tranquillement entre pop, metal, math et symphonique par moments. L’esprit est celui d’un Muse sous amphétamines (et Muse n’est pas vraiment sous lithium non plus…). Le timbre – parfois violemment saturé – et la présence vers le public de Arnór Dan Arnarson ajoutent aussi une facette à un groupe dynamique sur scène et généreux dans son propos. Les constructions sont ambitieuses et originales et même si le style est complètement différent, nous sommes dans les mêmes terres organiques que la compatriote Bjork. Ce n’est pas pour rien que la dernière offrande discographique se nomme Destrier, tant on se plaît à écouter cette chevauchée sonore. Pas si froid Agent Fresco, et finalement même, par instants, vraiment chaleureux.

Viennent enfin ceux que l’on attendait tous et qui ce soir-là remportaient le droit d’aînesse. Cela fait en effet vingt-cinq ans que Katatonia s’offre à nos yeux et surtout nos oreilles, au gré d’un cheminement parfois laborieux mais à l’empreinte stylistique enfin révélée. A l’image d’Anathema, le groupe a savamment mis de l’eau dans son vin ou de la pop dans son doom pour finalement devenir aujourd’hui une formation très accessible. Sans doute un peu plus daté, le son tranche avec le groupe précédent. Sans dire qu’un malaise s’installe, il faut bien avouer que la maturité a ses avantages, tout autant que ses revers. Ce sentiment se dissipe fort heureusement grâce à une set-list bien pensée, même si sans surprise. Les morceaux du dernier né The Fall of hearts ont la part belle et s’intègrent bien dans l’ensemble. Ils font parfois penser à Paradise Lost, période Host (« Serein »). On sent que le groupe joue au déjà vu lorsqu’il cuisine un mid-tempo, quasi ballade (« Old Heart Falls »). La rétrospective scénique laisse à penser en effet que la bande de Jonas Renkse (dont on a décidément du mal à distinguer le visage, toujours couvert de longs cheveux noirs) a eu un vrai momentum. On peut le situer au milieu des années 2000 lorsque le groupe a sorti coup sur coup trois albums qui ont déterminé son style véritable abordable d’aujourd’hui. En particulier, un chef d’œuvre : The Great Cold Distance. Difficile en effet de surpasser la puissance mélodique de « Soil‘s Song », la construction impeccable de « Leaders » ou le génial « My Twin », qui pointe sa dualité dans les rappels. Malgré tout, le groupe offre une constance et invite même à quelques détours vers un temps ancien quasi gothique comme ce « Saw You Drown », revisité avec un son plus énergique. Un regret personnel peut-être, celui de ne voir apparaître que deux extraits seulement du majestueux Dead End Kings, mais il fallait faire des choix, naturellement. On avait commencé le concert dubitatif, on ressort tout de même acquis. Il y a dans le cœur de Katatonia des bijoux. Ils sont certes plus évidents à contempler sur album car le groupe n’est pas d’une vigueur mordante sous les feux de la rampe.