Bireli Lagrene - Antonio Faraò - Gary Willis - Lenny White Quartet

11/06/2016

New Morning - Paris

Par Thierry de Haro

Photos: Thierry de Haro

Site du groupe : www.bireli-lagrene.fr

Setlist :

Softly – The Opener – What is This Thing – Dedication - Wolfbane - Impressions – One Take – Right On – Four For 4 – Black Inside – Cantaloupe Island

Les passages de Bireli Lagrene dans la capitale ne sont pas aussi fréquents que l’on pourrait le croire. On comprend mieux alors pourquoi chacun de ses concerts devient un évènement, a fortiori quand il partage l’affiche avec des noms aussi prestigieux que Lenny White (Return To Forever), Gary Willis (Tribal Tech) ou Antonio Farao (Joe Lovano, André Ceccarelli). Le New Morning affiche donc complet pour la circonstance – plus aucun billet à vendre … ou à revendre, chaque possesseur du précieux sésame souhaitant participer à l’une des premières dates de la tournée de cette superproduction de jazz. Même si au final, on ne sait pas vraiment à quoi s’attendre …

Alors que la file d’attente s’étire sur plusieurs dizaines de mètres, la nouvelle se propage comme une traînée de poudre dans les rangs des spectateurs : Prince est mort ! Le New Morning avait donc décidé de diffuser sa musique en ‘avant concert’ en guise d’hommage à celui qui, en Juillet 2010, avait embrasé les lieux, débarquant à 2 heures 30 du matin pour faire un show jusqu’à 6 heures en présence de quelques cinq cents privilégiés.

La vie continue … et Antonio Farao, suivi de ses trois compères d’aventure musicale, arrivent sur scène sous un tonnerre d’applaudissements. On entre directement dans le vif du sujet avec «  Softly  », un titre vaguement bluesy et carrément jazz avec les premières envolées de Bireli à la guitare. Antonio Farao y répond de manière magistrale, s’embarquant dans un solo aussi long que jouissif et s’appuyant sur une rythmique Willis-White de feu ! Le ton est donné et l’intensité ne va pas baisser, durant les deux heures et quart que vont nous offrir les quatre protagonistes. Le swing est omniprésent (avec un clin d’œil au ‘Swinging London’ sur «  The Opener »), Farao est déchaîné, s’engageant dans une course poursuite avec Lenny White et rejoint par la virtuosité d’un Bireli Lagrene, au sommet de son art (constatation récurrente depuis quelques dizaines d’années déjà !). Gary Willis montre qu’il n’est pas en reste et vient plaquer ses soli de Fender basse, qui nous rappellent évidemment le répertoire endiablé qu’il interprétait avec Scott Henderson au sein de Tribal Tech. Le quartet effectuera néanmoins ‘une pause’ en milieu de première partie, après un premier solo de batterie incroyablement … percutant («  What is This Thing  ») de Lenny White , quand Antonio Farao laissera le micro à ce dernier. Un Lenny visiblement ému, indiquant que nous avions perdu aujourd’hui un géant de la musique et qu’il voulait dédier le morceau suivant, sobrement intitulé «  Dedication  », à Prince Roger Nelson. Une pièce lente et magnifique où les notes se détachent sous les doigts de Bireli, Gary et Antonio, caressées par les balais de Lenny dans une ambiance recueillie et un public … qui n’applaudit pas comme au cirque à la fin de chaque solo ! Une heure est passée et la première partie se termine sur «  Wolfbane  », titre enlevé dans la pûre lignée d’un John Scofield se terminant de manière fracassante sous les coups de boutoirs d’un Lenny White décidément très en verve ce soir.

Après une quinzaine de minutes, le quartet revient avec une composition jazz des plus classiques «  Impressions  », puis nous entraîne avec «  One Take » vers des rythmes mâtinés de funk sur lesquels le jeu aérien de Bireli Lagrène vient s’entrelacer. Le ton est léger et comme à son habitude, Bireli vient enrichir ses soli de quelques digressions en forme de clin d’œil, «  Que reste t-il de nos amours  » à cette occasion. Le tempo ne faiblit pas sur «  Right On  » : du jazz comme on l’aime, basse en avant sur laquelle Antonio Farao développe ses longues phrases : ça swingue, ça tape du pied, les têtes dodelinent puis on enchaîne sur des démonstrations rythmiques de haute volée et là … ‘Monsieur’ Lenny White nous rappelle l’immense batteur qu’il fut – participant au légendaire Bitches Brew de Miles Davis, l’immense batteur qu’il est encore avec Return To Forever, fleuron du jazz-rock des seventies et ressuscité depuis quelques années pour notre plus grand plaisir … et l’immense batteur qu’il restera à travers le temps. Durant une heure et quart cette deuxième partie tient en haleine un public conquis – mais comment pouvait-il en être autrement ? – et se termine en apothéose sur un nouveau solo de batterie absolument ahurissant de technique et de feeling. Un seul rappel … mais quel rappel ! Le «  Cantaloupe Island  » d’Herbie Hancock est exécuté de main de maître par l’un de ses plus fervents disciples, Antonio Farao, sous les applaudissements nourris d’une salle chauffée à blanc. Le rideau peut alors se refermer sur une soirée que l’on n’est pas près d’oublier … et que l’on aimerait graver à jamais dans nos mémoires sous la forme d’un enregistrement. Qui sait ?