Médéric Collignon & Jus de Bocse

18/04/2016

Le Duc des Lombards - Paris

Par Thierry de Haro

Photos: Thierry de Haro

Site du groupe :

Setlist :

Set­list : Robbery Suspect – Money Montage – Up Again The Wall – Brubaker Adagio’s And Coda – Money Runner – The Pelham’s-moving-again-blues – Magnum Force Crédits photo : Thierry de Haro

Médéric Collignon et le Jus de Bocse avaient convié, en ce début mars, tous les amateurs de jazz imprégnés des ambiances groove des musiques de films américains des quatre dernières décennies. Deux soirées et deux sets par soirée, pour découvrir les différentes facettes – sans la boule – d’une musique aussi riche que colorée du nouvel album, MoOvies, sorti quelques semaines plus tôt. Pour cet évènement, nous avions choisi la dernière représentation – terme particulièrement bien adapté, tant la présence de Médéric – dit ‘Médo’ – sur scène dépasse le cadre de la simple restitution musicale, entre humour, réflexions de société et culture cinématographique … Let’s Go to the Show !!!

Une assistance plutôt bien garnie en un lieu, le Duc des Lombards, qu’on ne présente plus tant ses murs ont vibré de l’émotion suscitée par la présence des plus grands. Il était donc logique que Médéric Collignon et ses acolytes y lancent officiellement l’arrivée du nouvel album … même si, comme à son habitude, les titres avaient été ‘rodés’ durant l’année précédente, avant d’être immortalisés dans leur version studio. Paradoxalement, cette notion d’éternité n’est jamais définitive, les morceaux trouvant dans chacune de leur interprétation en public un renouvellement perpétuel. C’est aussi une des raisons pour laquelle ses concerts comblent les amateurs de musique, par exemple ce soir avec une transposition live de «  Money Montage », trois fois plus longue (plus de quatorze minutes) que sa version CD ! Il en sera de même par la suite avec un répertoire haut en sueur («  Money Runner  », «  The Pelham’s moving again blues » pour ne citer que deux autres titres ayant doublé – voire triplé de volume en l’espace d’une soirée).

Deux sets, c’est au total une randonnée musicale de plus de deux heures trente, pendant laquelle le groupe nous entraîne sur des chemins extatiques, où chaque titre du nouvel album est propulsé au rang d’honneur – chacun d’eux marchant sur les traces de ces trois compositeurs de génie que sont Quincy Jones, David Shire et Lalo Schifrin (Médo fera d’ailleurs remarquer durant le show que tous trois sont toujours en vie). Le premier de ces deux sets (*) vient à peine de combler de joie un auditoire qui se réjouit encore (pour ceux qui sont restés) d’une prestation remarquée, que les quatre musiciens reviennent pour parcourir la suite du voyage au pays du soul-eye levant. Cette odyssée dans les fonds suaves et moites de la black music américaine commence par la réinterprétation de «  Robbery Suspect » que Lalo Schifrin avait composé pour le Retour de l’Inspecteur Harry de Clint Eastwood. Le ton est donné et l’immersion dans l’univers du polar américain est totale quand Médéric la complète d’anecdotes qu’il livre entre deux morceaux. Titre après titre, nous assistons à une relecture passionnée, incandescente – pour preuve le long solo d’Yvan Robillard sur son Fender Rhodes sur «  Money Montage » – ponctuée par les divagations sonores d’un Medo en verve sur son mini clavier ou vocalisant et rajoutant à un contenu déjà riche, l’impétuosité d’un instrument supplémentaire.

Enchainement avec « Up Again The Wall », musique de Quincy Jones pour The Lost Man, film sorti en 1969 pour lequel Médéric mettra en lumière les conditions difficiles du peuple noir dans le contexte de l’époque – citant notamment le travail éblouissant de Sidney Poitier, acteur ‘militant’ principal. La musique reflète l’énergie issue de ce combat, démarrant sur une ligne de basse d’Emmanuel Harang sur laquelle le cornet de Médéric vient s’enrouler : rythmes funk s’entrecroisent avec des ambiances plus étranges avant de laisser place à un scat survitaminé, percussions vocales que viennent relayer le Fender d’Yvan. Les images fusent dans nos têtes, s’engouffrant dans un psychédélisme sonore durant les dix minutes de ce petit bijou musical.

Le temps de souffler un peu (ou justement de moins souffler concernant Médo), retour sur un tempo beaucoup plus calme, le magnifique «  Brubaker Adagio’s And Coda », film de Stuart Rosenberg avec Robert Redford (provoquant quelques échanges hilarants entre le cornettiste et son batteur). Les premières notes font place à une atmosphère nostalgique et apaisée, ce titre est un diamant posé sur l’écrin de nos émotions – frissons de plaisir garantis ! Un repos bienvenu avant les ambiances torrides et survoltées de «  Money Montage », groovy à souhait et invitation à danser jusqu’au bout de la nuit … ou à défaut sur plus d’une dizaine de minutes, chaque instrument sortant de sa boîte pour converser avec l’omniprésence d’une basse funk et hypnotique. Puis le temps de ‘recharger sa batterie’ (petit souci de micro), et nous voici embarqués par Philippe Gleizes dans une introduction syncopée de «  The Pelham’s moving again blues », un blues épais que les musiciens vont bonifier sur plus d’une vingtaine de minutes : bouquet final éblouissant, ponctué par un rappel dans le ton de l’époque («  Magnum Force » ) … mais hors-album, même si Médéric l’annonce en piste cachée n°44 (vérification faite … c’était de l’humour !). A l’image du set précédent, les visages sont radieux quand les lumières se rallument : il ne reste plus qu’à attendre un prochain passage de Médéric Collignon et son Jus de Bocse pour respirer à nouveau intensément cet air divin des seventies !

(*) Les titres joués pour le premier set de cette seconde soirée étaient : «  Snow Creatures », «  The Taking of Pelham », «  Dirty Harry’s Creed », «  Scorpio’s Theme », «  End Titles » et «  The Way to San Mateo ».