Niton - Tiresias

Sorti le: 23/09/2015

Par Jean-Philippe Haas

Label: Pulver und Asche Records

Site: https://www.facebook.com/nitonband

Artistiquement parlant, l’ambiant est souvent à cheval entre le foutage de gueule décomplexé et un travail acharné, obsessionnel. Le trio italo-suisse Niton fait partie de la seconde catégorie, ce que l’on peut déduire de la minutie et du souci du détail avec lesquels il développe ses climats sur Tiresias. Sur ce deuxième album, la pulsation s’invite plus volontiers et sous différentes formes, bien que les errances atmosphériques soient toujours une caractéristique importante de la musique du groupe. Si Niton emprunte à un genre largement déblayé, notamment par Klaus Schultze il y a quarante ans déjà, il apporte aussi des éléments inédits. Ainsi, au milieu d’une pléthore de synthés Korg et Roland, on trouve un Theremin, un Memorymoog, un violoncelle électrique et même un banjo, quelque part du côté de « Kalle ». Le bidouillage aléatoire et le tournage de bouton au hasard n’est donc guère de mise ici. Soundscapes qui évoluent lentement, sans but apparent (« Pâto », « Had Is The Weakest Point ») et boucles rythmiques envoûtantes, inconfortables voire oppressantes (« Uploud », « Moto Ignoto », « Joule ») poursuivent un dessein commun : la traduction sonique de l’histoire de Tirésias, le devin aveugle de la mythologie grecque. Selon Ovide, il fut transformé en femme pendant sept ans puis, redevenu homme, il affirma à Héra que l’acte sexuel procurait à une femme plus de plaisir qu’à un homme, prenant ainsi le parti de Zeus contre son épouse. Celle-ci, offensée, le condamna à la cécité, en échange de quoi Zeus lui conféra le don de divination. Tirésias vécut donc les opposés, ce qui en fait un personnage à la sensibilité et à la sagesse supérieures à celles du commun des mortels. Il va sans dire qu’il vaut mieux s’imprégner très copieusement de cette légende avant de presser play, et de disposer d’une faculté d’immersion particulièrement développée, tant la musique de Niton sollicite les émotions brutes et ancestrales de celui qui s’y engage. Hyperactifs et adeptes du radio-friendly s’abstenir.