Nick Gardel - Musical Box

Sorti le: 30/11/2014

Par Jean-Philippe Haas

Label: Friends Only

Site: http://nickgardel.e-monsite.com/

Une fois n’est pas coutume, Chromatique s’improvise critique littéraire. Il faut dire que Musical Box a tout pour attirer l’attention de votre webzine favori : un titre hautement symbolique, quelques trente-trois tours éloquents négligemment posés dans un coin de la première de couv’ et une intrigue dont le fil rouge n’est rien d’autre que le rock progressif. De quoi faire un bon polar ?

Nick Gardel aime le classic prog’, cela ne fait pas l’ombre d’un doute. En tête de chaque chapitre, il cite Genesis, Yes, King Crimson ou Ange mais aussi RPWL et Eloy, ce qui laisse supposer une culture non négligeable en matière pomp rock. Les personnages sont à la hauteur de ses goûts musicaux : typés, excessifs, plus improbables les uns que les autres. Et dotés chacun d’un sens de la répartie impitoyable, qui plus est. Gardel a écrit pour Le Poulpe, et ça se sent. Du coup, l’intrigue passe au second plan, après les dialogues, mais peu importe la crédibilité des protagonistes, finalement, car ces (anti-) héros sont sympathiques, attachants, souvent drôles. Des paumés, des losers, des artistes, des petites frappes, des inadaptés, qui gravitent sur une orbite plus ou moins proche autour d’un groupe, Valaquenta, et d’une histoire de passage à tabac qui va virer au double meurtre. L’histoire débute à Paris pour se délocaliser ensuite en Picardie, dans les parages d’un festival de musique en plein air, les « Prés du Rock 2014 ».

Le style de Gardel s’inspire des grands dialoguistes à la Audiard, c’est évident comme le nez au milieu de la figure. L’Alsacien utilise un niveau de langage aussi bien familier que soutenu et manie la métaphore comme il se servirait d’un fusil automatique, par rafales. Il ne lésine pas non plus sur les jeux de mots, certains soigneusement expliqués, d’autres laissés à la seule perspicacité du lecteur, comme ce mémorable « à cette-heure-là, Roger dîne ». Ses références au prog s’insinuent partout, y compris dans les noms des personnages (Anthony Hogweed, Robert Rhodes, Laurence Sandrose…) et il pousse le souci du détail jusqu’à créer de toutes pièces les pochettes de disques et la setlist de Valaquenta. Une biographie du groupe est d’ailleurs disponible sur son site personnel. Gardel place aussi des allusions à ses précédents romans où l’on retrouve certains des protagonistes. Etant donné l’arrière-plan musical assez particulier, quelques passages risquent de paraître ésotériques pour le non-initié, mais l’absence de temps morts et la fluidité du style de l’auteur compensent les références sibyllines qui parsèment les pages.

Musical Box se lit vite et ne prétend pas être autre chose qu’un agréable divertissement. Mission qu’il remplit à merveille, qu’on fasse ou non partie de « ceux qui savent ». Si votre famille et vos amis désespèrent depuis longtemps de pouvoir faire plaisir au grand incompris que vous êtes, ce sympathique petit bouquin fera une pertinente suggestion de cadeau de Noël.