We insist! + Poil

11/06/2014

FGO Barbara - Paris

Par Florent Simon

Photos: Florent Simon

Site du groupe : www.weinsist.com

C’est dans la modeste mais accueillante salle du FGO Barbara que se sont concentrés les fans de deux des formations progressives françaises les plus intéressantes de ces dernières années : We insist! et Poil. Ces deux noms suffisant à assurer la promotion de ce combo dingo, la soirée laissait présager un festival de notes et d’émotions jointes : Chromatique est allé s’assurer pour vous que cet évènement fut bien à la hauteur de ses attentes.

Paris, quartier de la Goutte d’or, un jeudi soir juste avant le crépuscule. C’est dans cette ambiance décontractée et légèrement estivale que se remplit tardivement cette belle salle, d’une assistance pourtant encore éparse peu avant que le premier set ne commence. C’est à We insist!, formation comptant déjà presque vingt ans au compteur, qu’en incombe la tâche afin de nous présenter son sixième album éponyme. Réduit au power trio depuis quelques années, Etienne Gaillochet (batterie/chant), Eric Martin (guitare) et Julien Allanic (basse/guitare) ont redynamisé le groupe qui dévoile ici sa face la plus rock et efficace, mettant en avant des sonorités énergiques comme rarement ils en avaient délivrées jusqu’alors.

Résolument tournés vers le math-rock et les riffs éventrés, les musiciens délaissent quelque peu leurs racines atmosphériques et post-rock pour mettre à l’honneur des morceaux plus concis mais au contenu toujours exigeant. Peu de répit est donc laissé au public grâce à cette musique sans concession (mais non dépourvue de mélodies pour autant), mis à part certains passages planants ou encore ce morceau chanté sans batterie. Malgré toutes ces qualités intrinsèques, les titres finissent par s’enchaîner avec mécanique, et il faudra alors surtout attendre la deuxième partie du set pour se rendre compte de l’énergie dévorante de ces généreux divertisseurs qui rappelle celle de Fugazi ou Primus. Nous retiendrons surtout une belle performance à la hauteur de la qualité du groupe et de sa riche musique surpuissante !

En deuxième partie, c’est un bien drôle de trio qui prend place sur scène après une courte pause. Poil, comme son nom l’indique, va tout simplement déshabiller tous les styles et décoiffer l’auditoire en bien peu de temps ! Les trois fanfarons arrivent tous habillés d’une curieuse manière, à savoir de magnifiques tuniques rouges et saillantes d’un goût douteux. Complètement délirant visuellement, Poil l’est aussi dans sa musique humoristique autant que technique et c’est bien un cirque qui prend place et conquiert toute l’attention du public. Antoine Arnera (claviers/chant), Boris Cassone (basse/guitare/chant) et Guilhem Meier (batterie/chant) occupent en effet toute la scène par leur présence charismatique. Et du côté du public, l’ambiance monte d’un cran instantanément, et ce, dès les premières notes.

Les terres explorées sont celles du R.I.O. et du rock progressif en passant par la zeuhl ou le math-rock, augmentées d’irruptions disco ou rock’n’roll. Bref, un poil bordélique ! Leur musique est effectivement indéfinissable, lacérée par des rythmes rapides et des mélodies complexes qui requièrent toute notre attention, ornée des riffs hypnotiques et agrémentée ça et là d’onomatopées, cris ou encore de chants tribaux (louant des sujets très… profonds). Cependant à deux moments, on peut les entendre vocaliser des harmoniques très mélodieuses et à contre-emploi : surprenant et émouvant à la fois. Mais ce qui fait la qualité du groupe peut également faire son défaut. En effet, tant de richesse sonore impose une concentration trop importante pour les non-mélomanes. L’humour de Poil ne peut que les priver d’une partie trop conservatrice du public, et surtout leur maestria ne peut que vous blaser par tant de perfection !

Cette deuxième partie a ainsi fait monter d’un cran supplémentaire le niveau technique et l’ambiance de la salle. Ca vous a plu, vous en voulez encore? Alors voilà, Poil a un bon clavier, il est doué et son prénom c’est Antoine… Ou plutôt Gwyn Wurst, pseudonyme avec lequel il squatte à lui seul toute la scène pour cloturer cette soirée… au poil. Celui qui est décrit comme un ovni technoïde a profité d’un public surchauffé pour délivrer une prestation dépassant tout entendement ! S’il fallait réussir le pari d’être encore plus déjanté que Poil, Antoine gagne manifestement, en substituant l’impeccable rythmique du trio par des boîtes à rythmes gonflées au triphasé et au radium !

Ce virtuose se distingue par un style unique, hors normes, hypnotique et improvisé, se rapprochant d’une transe noisy qui a balayé toute la salle conquise. C’est donc un véritable feu volcanique qui jaillit de ses machines, et qui opère telle une drogue sur le public, comme un catalyseur mental et physique. Malheureusement, ce feu ne fut que trop peu longtemps allumé pour cause de fermeture de la salle.. Néanmoins ces quelques vingt minutes auront été sans nul doute les plus calorivores !

Cette soirée aura donc bel et bien frisé le génie autant que la folie, ces deux caractéristiques se fondant plutôt bien l’une dans l’autre. Si les néophytes auront éventuellement pris une surdose de musique maximaliste qui leur aura fait décoller les oreilles comme jamais, la majorité des spectateurs, concentrés dans la chaleur et de la salle, et de l’ambiance, en ressortiront épuisés mais heureux.