Caligula’s Horse – A la poursuite du voleur

Le premier album de Caligula’s Horse, Moments From Ephemeral City laissait entrevoir un fort potentiel avec des éléments à perfectionner, certes. Leur nouveau disque, The Tide, The Thief & River’s End montre le talent du groupe de Brisbane dont le chanteur, Jim Grey, était de passage à Paris. Evidemment, la Chromateam ne s’est pas fait prier pour le rencontrer autour d’un sympathique dîner dans le non moins sympathique quartier de Saint-Germain-Des-Prés. Un nouveau concept à décliner ? Pourquoi pas…

Chromatique : Jim, peux-tu nous relater les débuts de Caligula’s Horse ?
Jim Grey
: Il y a deux ans et demi de cela, Sam (Vallen, guitare) m’avait contacté pour un album solo qu’il venait de mettre en place. Initialement, je ne devais que chanter un titre de Moments From Ephemeral City, à savoir « Alone In The World ». Séduits par le résultat nous avons décidé de faire un nouveau titre et in fine j’ai fini sur tout l’album (Rires) ! Par la suite, Sam m’a dit qu’il souhaitait rajouter un autre morceau, qui est en vérité le premier sur lequel nous ayons réellement collaboré, en l’occurrence « The City Has No Empathy ».

Vous êtes tous deux issus de deux formations progressives différentes : tu chantes dans Arcane et Sam officie dans Quandary. Parvenez-vous à jongler avec vos groupes respectifs ? C’est à croire que la vie à Brisbane est terriblement excitante pour en arriver à monter un projet parallèle (Rires) ! Plus sérieusement, cela peut-il expliquer la recrudescence de formations originaires de cette ville ?
La question ne se pose pas pour Sam puisque Quandary n’existe plus. C’est pour ça qu’il a lancé ce projet. Si chacun de nous a au moins deux groupes, c’est que la vie est en effet vraiment monotone à Brisbane ! Cela dit, ça nous convient parfaitement : Mike & Matt d’Arcane et Geoff notre batteur jouent également dans Echotide. Imagine : Caligula’s Horse, Arcane et Echotide sur la même affiche : il y aurait peu de changements à faire sur les différents sets (Rires). Cela a-t-il pour autant un impact sur la quantité de groupes locaux ? Je ne sais pas. Au cours des dix dernières années, il y a eu une certaine explosion liée à la fréquentation de la communauté en ligne ozprog.com. A l’époque, avec Arcane, nous essayions de trouver notre voie et de peaufiner notre style, alors que ses membres n’avaient que dix-huit ans en moyenne. Grâce à cette communauté, nous avons pu nous mettre en contact avec d’autres et établir des liens assez forts. Ozprog n’existe plus aujourd’hui, mais d’autres personnes ont repris le flambeau, je pense notamment à Michael Solo de Bird’s Robe Records. Ce que vous dites me surprend. Vu de l’intérieur du pays, en tant qu’Australien, je peux t’assurer que la scène progressive n’est pas aussi importante qu’elle en a l’air. Elle est forte, mais pas aussi grosse qu’elle le paraît. Des groupes comme Dead Letter Circus ou The Butterfly Effect ont une approche différente de la musique progressive dans le sens où ils ont des influences classiques et ne sont pas vraiment du sérail. De la même manière, je qualifierais Caligula’s Horse de groupe de Prog’ Alternatif.

Donc, si je te dis que Caligula’s Horse est un groupe de Prog’ Metal tu réfutes l’idée ?
Absolument pas. Je peux comprendre que tu nous considères comme un groupe de Prog’ Metal. Il y a peut-être dans notre musique un côté un peu tranchant qui t’amène à conclure que nous sommes plus rentre dedans que les autres. L’autre chose qui nous fait « vivrenbsp;» est le fait que nous soyons constamment dans l’idée de jouer juste et que rien ne doit desservir notre musique ; pour donner un exemple tout simple : un solo de guitare qui se perdrait dans la complexité, du genre, en veux-tu, en voilà ! Je pense que nous avons réussi à maintenir un certain équilibre avec The Tide, The Thief & River’s End. Nous avons fait en sorte de ne pas surcharger les morceaux, pour éviter de prendre le risque de perdre l’auditeur en chemin.

Quel accueil a reçu Moments From Ephemeral City, lors de sa sortie ?
Ce disque a suscité un certain engouement, ce qui est surprenant : il ne s’agissait que d’un one shot. Le projet devait d’ailleurs être à l’image de l’album : éphémère. Des sites comme ProgArchives et Facebook ont joué un rôle de relais que nous n’attendions pas. C’est ce qui nous a donné l’envie de continuer.

Ton chant nous rappelle un peu Serj Tankian (System Of A Down). Est-ce une influence que tu revendiques ?
Effectivement, ce n’est pas anodin. J’avais treize-quatorze ans quand Toxicity est sorti et m’a retourné la tête. Ça fait partie de mes restes d’adolescents (sourire)

Aujourd’hui, on parle donc d’un véritable groupe, alors qu’auparavant, seuls Sam et toi vous occupiez du matériel. Du coup, envisagez-vous d’ouvrir la porte aux autres membres pour la composition ?
Bien sûr, c’est même déjà le cas. Zack Greensill a mis la main à la pâte sur « Dark Hair Down ». C’est peut-être pour cela que ce titre a une saveur particulière. L’avantage que nous avons, c’est nos acolytes se connaissent depuis un moment déjà.

Peux-tu nous parler du concept sous-tendu dans The TIde, The Thief & River’s End ?
J’ai commencé à imaginer cette trame d’histoire avec plusieurs personnages. C’est un concept plus que particulier car la plupart des album-concepts ont une ligne directrice initialement très vague. Ici, j’ai cherché à aller droit au but. Je n’en dirai pas plus car l’idée est que vos lecteurs se fassent leur propre idée. Pour faire simple, il s’agit de deux villes, avec des points communs et des points de divergence. Notre personnage quitte la sienne pour rejoindre l’autre… voilà. (Sourire). C’est différent de Moments From Ephemeral City qui contient des thèmes plus ou moins indépendants les uns des autres. Ici, on a une trame qui court du début à la fin.

Entre ces deux albums, on note un grand bond en avant pour Caligula’s Horse en termes de production…
J’espère bien (Rires) ! En fait, nous avons accès à du matériel d’enregistrement assez pointu car Sam étudie à la Gold Coast University. En temps normal il nous aurait fallu un budget de dingue pour pouvoir utiliser tout cet équipement.

Vous avez mis en ligne la vidéo de « Dark Hair Down ». Les réactions ont, semble-t-il, été plus qu’enthousiastes… sachant que vous l’aviez posté en guise d’avant-goût pour vos fans…
C’est clair que nous avons été surpris. Pour un groupe de modeste stature comme le nôtre, avoir deux mille vues sur Youtube en vingt-quatre heures, c’est du bonheur ! Nous avons en projet de sortir un deuxième titre en single. Pour être franc, cette vidéo était un coup d’essai, car la sortie de l’album était plus tardive. Nous n’avions qu’une envie, c’était de partager au moins un titre pour faire patienter les plus nerveux.

Parle-nous un peu de votre participation au Progfest 2013…
Oh, si tu savais ! C’était fantastique. Le Progfest Melbourne est le plus gros des Progfests organisés en Australie. Ils arrivent à dresser trois-quatre scènes avec près de trente groupes à l’affiche. Cette année et c’est la première fois que ça arrive, elle n’était pas composée que de groupes de metal. Il y avait des formations de progressif, de post-rock. De quinze heures à trois heures du matin du matin, c’était une frénésie totale. J’ai pu apprécier notamment Citrus Jam & Trollhaugen qui m’ont vraiment bluffé. Un de mes plus grands regrets est d’avoir manqué ToeHider. On ne pouvait rien y faire, sachant qu’on était programmé sur le même créneau horaire, il était impossible pour nous d’assister à leur concert. J’aurais adoré voir Mike Mills sur scène parce qu’il reproduit ce qu’il fait en studio. Déjà sur CD, ça envoie, alors imagine en concert ! Il faut saluer Tim Charles qui est derrière toute l’organisation du Progfest. C’est un mec super qui abat un travail monumental pour faire avancer les musiques progressives en Australie. De plus, il connaît un succès croissant avec NeObliviscaris. Ils viennent de boucler une tournée asiatique qui a affiché salle comble à chaque date. Il a du mérite.

Quels sont les projets à venir de Caligula’s Horse ?
Nous sommes à la recherche de distributeurs. Nous avons signé avec Welkin Records pour l’Australie et la Nouvelle-Zélande, mais nous cherchons des contacts à l’étranger dans le but de pouvoir tourner. Hormis cela, Sam et moi avons discuté de ce qui allait advenir par la suite. Il a déjà des idées, mais nous attendons d’avoir les retombées de l’album. On essaiera forcément de faire quelque chose de différent, voir jusqu’où nous pouvons aller musicalement. Sam est très doué pour ça. Il a un champ d’influences très vaste et est capable d’intensifier sa musique et de l’adapter au contexte sans sur-jouer.

Etes-vous en contact avec des groupes comme Dead Letter Circus ou The Butterfly Effect ?
Arcane a déjà partagé la scène avec DLC à leurs débuts, mais ça s’est arrêté là. En théorie, nous devrions partager la même affiche lors d’un festival à venir. Nous sommes très proches de Twelve Foot Ninja, ToeHider. Ce qui est appréciable, c’est le fait que ces connexions ne s’arrêtent pas à un aspect purement professionnel. Ces types sont extra. Tourner avec eux sera un plaisir puisqu’à mon retour en Australie nous aurons quelques dates ensemble de prévues.

Une question devenue désormais rituelle pour toutes les formations australiennes interviewées dans nos colonnes : comment expliquer cette qualité proposée par tous les groupes progressifs ? Luke Williams a émis l’idée que la géographie de l’Australie, sa superficie et le fait que les fans soient amenés à parcourir de nombreux kilomètres sont à l’origine d’un travail de longue haleine pour que ça en vaille la peine…
Je partage ce point de vue. Il y a un respect certain du groupe, de manière générale envers son public. Il se déplace, paie ses billets et par conséquent tu te dois de lui offrir une production de qualité. Certains s’en fichent comme de l’an quarante. Nous, nous allons dans le sens inverse et faisons en sorte que le spectateur se dise que le déplacement et le prix en valaient le coup. Aussi, le fait d’avoir une certaine connexion et interactivité au sein d’une formation est un facteur important car, avec le temps, on risque de perdre en lucidité. Cette fluidité est également appréciée.

Quels sont les groupes à surveiller Down Under ?
(Réfléchissant). J’aurais bien du mal à t’en citer un. Je sais que vous suivez ToeHider depuis un long moment, je ne m’attarderai donc pas sur eux, si ce n’est qu’ils sont injustement sous-estimés. Pour moi, ils méritent de tourner dans le monde entier. Mike est présent sur le nouvel album d’Ayreon et j’espère qu’il aura le retour qu’il mérite. J’attends avec impatience d’écouter le disque. C’est une grosse opportunité pour lui.

Cet entretien touche à sa fin. As-tu un dernier message pour nos lecteurs ?
Tout d’abord, vous rencontrer est un vrai plaisir. Certes le contexte est un peu particulier, mais je tenais à vous remercier car je sais que vous nous suivez depuis Moments From Ephemeral City. Vous soutenez les musiques originales, celles qui ne passent pas forcément à la radio mais dont la qualité vous parle et pour ça, je ne pourrais jamais être assez reconnaissant. Alors, encore une fois, merci.

(entretien réalisé en collaboration avec Dan Tordjman)