Thank You Scientist – Science de l’éclectisme

Petit coup de cœur de certains membres de la rédaction en cette fin d’année 2012, Thank You Scientist surprend autant qu’il réjouit. Alliant savamment complexité et immédiateté, le groupe originaire du New Jersey a su attiser notre curiosité. Tom Monda, guitariste et leader de la troupe, a accepté de répondre à quelques unes de nos questions par e-mail.

Chromatique : Peux-tu nous en dire un peu plus sur l’histoire du groupe ? A t-il toujours existé sous cette forme ?
Tom Monda : Une version précédente était composée de moi-même au chant et à la guitare, accompagné d’une section rythmique différente et d’un claviériste. Ce line-up s’est dissout lorsque j’ai décidé de prendre une pause pour me consacrer au jazz. Je pensais qu’il fallait donner une autre chance au groupe et j’ai eu l’idée d’un ensemble plus large de musiciens. Ce concept m’avait été inspiré par des années d’étude et d’écoute d’ensembles jazz divers et variés, ainsi que des formations de musique de chambre et beaucoup de musique pop assez ancienne. Je voulais avoir toutes ces possibilités, toutes ces couleurs à ma disposition, et par chance je suis tombé sur six autres mecs fatigués par les enseignements classiques, et volontaires pour essayer quelque chose de différent.

Avez-vous démarré avec une idée très précise de ce que vous vouliez créer ?
Oui et non. Je savais ce que je voulais du point de vue instrumental, et j’avais une vague idée de la façon dont ça sonnerait, mais au final, le son de Thank You Scientist reste la somme de ses membres et la conjugaison de leurs expériences musicales. Parfois je ne sais absolument pas à quoi ressemblera une idée de chanson une fois que je l’aurai présentée aux autres. Cela fait partie du jeu.

Pourquoi voulez-vous tant remercier les scientifiques ? Et plus sérieusement, d’où vient ce nom, Thank You Scientist ?
Notre batteur, Odin, a eu une histoire d’amour un peu louche avec John Travolta. Oh pardon, c’est un scientologue, ça n’a rien à voir, efface ça, j’ai rien dit. J’aimerais avoir une histoire excitante de ce genre à te raconter, mais c’est juste une phrase qui sonne bien avec ce que l’on crée.

Ron Thal (Guns’n’Roses, Bumblefoot…) semble proche du groupe, peux-tu nous expliquer en quoi il vous a influencés, ou aidés ?
J’ai pris des leçons de guitare avec Ron lorsque j’étais plus jeune, et nous sommes potes depuis cette époque. Il s’est occupé du master de notre premier EP. Ron a beaucoup influencé mon jeu et ma façon de penser la musique. Son jeu et son écriture sont instantanément reconnaissables, il est impossible de le confondre avec un autre, ce qui est la marque des plus grands. Mon univers musical serait bien différent sans lui.

Qui est le plus impliqué dans le processus créatif, et comment gérez-vous cette étape en étant si nombreux ?
A nouveau, je suis vraiment chanceux d’être dans un groupe avec ces six autres mecs. La combinaison de nos personnalités est vraiment parfaite. On pourrait croire que les sessions d’écriture s’apparentent à l’enfer sur terre, mais au final il n’y a eu que très peu de débats houleux.

Y a t-il des choses de que vous n’avez pu faire sur cet album, des regrets ?
L’expérience fut globalement stressante, du fait de nombreuses contraintes en terme de timing. Nous avions une tonne de choses à gérer. On aurait simplement aimé avoir un peu plus de temps pour le mixage. Mais j’en suis fier et j’ai hâte de me mettre au prochain !

Les mélodies pop sont une partie importante de votre musique, surtout en ce qui concerne le chant. Quels sont les groupes de pop qui vous ont influencés ? Et de manière générale, de quels groupes vous sentez-vous les plus proches ?
Une des choses dont nous étions certains avec notre musique, c’est que malgré ses arrangements barrés, il fallait derrière une mélodie forte et un sens du développement. On adore la vieille pop. Mes compositeurs favoris sont Harry Nilsson, les Beatles, Todd Rundgren, Burt Bacharach, Mark Radice et Jon Brion, ainsi que le grand répertoire américain de la chanson (Gershwin, Van Heusen, Cole Porter etc.). Quant aux groupes dont nous nous sentons proches, je ne sais pas trop. Je pense qu’on se sent plutôt à l’aise au sein de la scène prog, mais ça me dérange un peu de nous classer dans un genre en particulier. Il n’y a pas longtemps, on a qualifié notre style de « post-genre ». Je pense que ça fonctionne. C’est totalement vague, sans se prendre au sérieux. Et on tente de rester légers (ceux qui ont pu assister à notre concert d’Halloween, déguisés en profs d’aerobic des années quatre-vingts pourront en témoigner).

On a l’impression que le groupe pourrait toucher à n’importe quel genre. Le prochain album ira-t-il dans une direction complètement différente ou pensez-vous avoir trouvé la formule « Thank you scientist »?
Nous sommes en pleine période d’écriture pour le prochain album. Jusqu’à maintenant c’est une sorte d’extension sonore de ce que l’on trouve sur « Maps ». Impossible de te dire à quoi il ressemblera, mais je suis vraiment satisfait de ce que l’on a pu produire. Et je peux t’assurer qu’il comptera son lot de surprises ! On joue déjà de nouveaux morceaux en live, donc la meilleure façon pour avoir un aperçu de la suite reste de se pointer à nos concerts !

Tu sembles apprécier particulièrement les instruments originaux. Tu joues du shamisen sur cet album, ainsi que des guitares fretless. D’où te vient cette passion ? Les apporteras-tu sur scène, et quels autres instruments aimerais-tu essayer dans le futur ?
Le shamisen vient de mon intérêt pour la musique folk japonaise, j’adore son timbre. L’aspect puissant et percussif combiné à une nature très expressive le rendent génial. Et c’est Bumblefoot qui m’a fait découvrir les guitares fretless. C’est Vigier qui a fabriqué cet instrument équipé d’un manche métallique. Elle fait vraiment partie des guitares sur lesquelles je préfère jouer, on dirait qu’elle vient d’une autre planète. Le guitariste principal du groupe est un expert en Vigier, et c’est une fine lame, avec un son incroyable ! Notre amour pour les instruments un peu originaux est simplement la conséquence de nos obsessions musicales, celles que nous essayons d’incorporer dans notre son. J’ai acquis récemment un Misa Kitara (Ndlr : guitare digitale, proche du synthé) grâce à mon ami Chris Buono (un guitariste monstrueux que je vous conseille fortement), et je pense l’amener sur scène très bientôt. J’ai également une autoharpe qui est impatiente d’en découdre en live, ainsi qu’un Kalimba électrique qui me fait les yeux doux. Russ possède un dulcimer et un arsenal d’instruments étranges sur lesquels il travaille pour le prochain album. Andrew malmène en ce moment une trompette à coulisse, je suis impatient de voir ce que cela va donner !

Les fans vous ont aidés à financer en partie l’enregistrement de « Maps of non existent places », via Kickstarter. Utiliserez-vous à nouveau ce type d’outil collaboratif dans le futur ?
Seulement si c’est réellement nécessaire. Je ne veux pas que les fans pensent qu’on les « utilise ». « Maps » n’aurait probablement pas existé sans leur aide, et JAMAIS nous n’oublierons cela. Kickstarter est certainement une excellente manière pour les artistes indépendants de faire aboutir leurs projets. Bon ok, ne nous sortez pas le cas Amanda Palmer [Ndlr : l’artiste est parvenue à réunir plus d’1 million de dollars pour son projet via Kickstarter, mais a par la suite fait scandale en demandant à des musiciens de jouer pour elle en live, gratuitement, tout en ayant des difficultés à justifier certaines utilisations de la somme récoltée] !

Avec Kickstarter et Bandcamp, vous explorez les nouvelles façons de produire et distribuer la musique. Est-ce naturel pour vous, pensez-vous approfondir cela ?
Les temps changent, on tente de s’adapter. On essaye simplement de diffuser notre musique de toutes les manières possibles. C’est vraiment du « Do it yourself », pas de manager, pas de publicitaire, rien. Je prépare les commandes reçues par internet, je les apporte à la Poste… On essaye d’être les plus autonomes possibles. Et ce que j’apprécie là dedans, c’est que lorsque quelqu’un nous envoie un e-mail, il reçoit une réponse de notre part, lorsqu’on nous écrit sur Facebook, nous répondons directement… Je suis entré en contact avec tellement de gens de par le monde, qui apprécient notre musique, c’est une sensation incroyable !

Avez-vous des plans pour venir jouer en Europe dans un futur proche? A quoi peut-on s’attendre sur scène ? A la reproduction exacte de l’album ?
On prendra la route en 2013, je suis impatient. Un passage en Europe est évidemment envisagée, on y ressent un intérêt certain pour ce que l’on fait. Ce que tu entends sur album est proche de ce que l’on fait en live, on y ajoute simplement une touche d’impro et une grosse dose de gesticulations bizarres. Et de temps en temps une reprise barrée.

Pour conclure sur une note positive, la fin du monde approche, c’est un fait. Qu’espères-tu pouvoir faire avant cette date [Ndlr : Interview réalisée avant le 21/12, il semblerait que l’on se soit planté]?
Nous allons jouer un concert pour la fin du monde, le 21/12, au Bowery Electric de New York. C’est très révélateur de notre petit côté nerd. Peut-être n’aurez-vous pas ce nouvel album en fin de compte…