Serj Tankian

09/12/2012

Zénith - Paris

Par Martial Briclot

Photos:

Marjorie Coulin

Site du groupe : www.serjtankian.com

Setlist :

Figure It Out / Cornucopia / Feed Us / Sky Is Over / Baby / Butterfly / Harakiri / Elect the Dead / Occupied Tears / The Unthinking Majority / Honking Antelope / Ching Chime / Lie Lie Lie / Praise the Lord and Pass the Ammunition / Saving Us / Beethoven's Cunt / Empty Walls // Rappels : Gate 21 / Uneducated Democracy / Aerials

Après le succès indéniable du retour de System of a Down, tout du moins sur scène, Serj Tankian se paye le luxe d’un Zénith en solo. Il défend ici sa facette musicale la moins avant-gardiste, mais également la plus à même de combler les espérances d’un large public. C’est donc sous le signe de la célébration festive que les amateurs de l’artiste hyperactif sont ce soir réunis.

Hollywood Arson Project, groupe composé de membres du F.C.C (backing band de Serj Tankian) et de Viza (seconde première partie de la soirée) s’offrent un tour de chauffe d’une vingtaine de minutes, pour un rock aux relents psychés qui ne restera pas dans les mémoires.
Viza, autre formation gravitant autour de la planète Tankian, s’impose ensuite comme un spectaculaire préambule et développe une énergie phénoménale de la première à la dernière minute. La responsabilité en incombe principalement à son percussionniste complètement survolté, bondissant d’instrument en instrument, haranguant la foule aux quatre coins de la scène tout en assurant certains choeurs. Autant dire qu’au quotidien ce jeune homme doit être fatiguant mais qu’en live le spectacle est assuré à chaque instant. Ses collègues ne sont pas en reste : entre le chanteur grandiloquent en queue de pie, le guitariste à tendance shred, le batteur version Animal des muppets et le punk joueur de oud, il est visuellement impossible de s’ennuyer. Si l’on apprécie l’apparition en guest de Serj Tankian, on regrette après une demi-heure une certaine linéarité de l’ensemble, ce débordement d’énergie et de rengaines metal-folk entêtantes pouvant parfois lasser.

Dans un Zénith chauffé à blanc, Serj Tankian reprend les rênes de la soirée, créant d’emblée un fossé visuel avec son excentrique première partie. C’est en toute simplicité, jean et t-shirt, que la bande fait son entrée, en opposition totale avec l’attitude qu’un tel statut de rock star pourrait impliquer. « Figure it out » issu de son dernier album, Harakiri, inaugure une set-list majoritairement pensée pour l’efficacité et la puissance. Le petit dernier des usines créatrices Tankian s’adapte tout naturellement à la configuration live, le dépouillement scénique faisant écho à une musique sans fioriture, pensée pour la scène. Les quelques milliers (environ quatre pour être plus précis) de personnes rassemblées ce soir adhèrent complètement au concept, reprenant en choeur les morceaux d’un disque encore bien frais dans les esprits. On sent la foule impliquée, passionnée dès les premières notes (la fosse s’agite petit à petit), mais l’attitude du groupe peut étonner. Il n’est pas toujours évident de retrouver la folie de l’univers construit sur album, surtout quand la présence des musiciens se résume la plupart du temps à tenir sagement leur position et que le leader reste également sur la réserve. Fort heureusement, Serj Tankian se détendra au fur et à mesure de la prestation pour se sentir complètement chez lui après cinq-six morceaux et nous offrir moults pas de danses bien à lui. Dommage également que la sonorisation du Zénith (coutumière du fait) ne soit franchement pas à la hauteur, surmixant allègrement les basses et rendant les guitares baveuses, au détriment d’une précision qui aurait rendue honneur aux compos, proposées ici brutes de décoffrage. Fort heureusement, le timbre unique du chanteur survole ces quelques tracas pour distribuer les pépites que sont « Feed us », « Sky is over » ou l’éponyme et énergique « Harakiri ». Ne reproduisant pas l’erreur des sympathiques Viza avec un set trop étouffant, Tankian maîtrise la science du rythme et ménage quelques respirations, nous proposant par exemple un Elect the dead à fleur de peau, salutaire pour un public fermement décidé à donner de sa personne jusqu’à la dernière note de la soirée. Futur incontournable en live, « Ching chime » permet d’accueillir en guest le joueur de oud de Viza, bien mieux gâté par la sono chez Serj que lors du set de son propre groupe, un comble qui ne nous empêchera pas d’en profiter pleinement.

Quelques discours engagés plutôt formatés parsèment la soirée, brassant des sujets variés, de l’écologie à la politique américaine. Rien qui ne puisse gâcher la performance, mais ces passages ressemblant plus à des citations apprises par cœur qu’à de véritables pamphlets révolutionnaires et spontanés, on ne peut s’empêcher de les trouver dispensables. Au bout d’une heure trente de jeu, les festivités prennent fin sur l’indispensable « Empty Walls », tube issu de son premier effort de 2007, Elect the dead. Le retour s’effectuera sur le seul extrait d’Imperfect Harmonies joué ce soir, « Gate 21 », repris seul, au piano. Une offrande plus intimiste que le public saura apprécier de façon démonstrative. Présenté avec un léger sourire en coin, le dernier morceau, une soit disant nouvelle compo écrite la veille, s’avèrera n’être rien d’autre qu’« Aerials » de System of a Down. La réaction de la salle est massive, beaucoup quitteront à ce moment là les gradins pour rejoindre la fosse en un ultime baroud d’honneur.

Serj Tankian n’a plus grand chose à prouver et il aura ce soir largement fait la démonstration de son talent. S’il est parvenu à rendre la scène du Zénith presque aussi chaleureuse que celle d’un Bataclan, c’est dans ce type de salle favorisant la proximité que nous avons hâte de découvrir l’étendue de ses multiples personnalités.