Sylvain Rifflet - Alphabet

Sorti le: 12/07/2012

Par Mathieu Carré

Label: Autoproduction

Site: www.sylvainrifflet.com

Sylvain Rifflet joue de la clarinette ou du saxophone avec un lyrisme rare et sait lier toutes les musiques par ce qu’elles ont de plus actuel et de plus addictif. Aux côtés d’Airelle Besson et de la bande de potes de Rockingchair, il avait donné au jazz français une grande bouffée d’air frais, pleine de rock et d’improvisation, où son talent ne faisait déjà aucun doute. Étrangement, il aurait presque fallu s’attendre alors à la qualité de ce nouveau disque, rythmé d’énumérations qui naviguent entre mille influences sans jamais s’amarrer à l’une d’elle, mais l’évidence et la beauté surprennent toujours quand elles apparaissent enfin.

Et c’est en tant que compositeur, leader et orchestrateur que Sylvain Rifflet s’impose avec Alphabet. Il transforme une formation originale mais un peu bancale (saxophones, flûte, guitare, percussions) en une flamboyante machine qui recycle et multiplie mélodies et rythmes. Ces répétitions hypnotiques s’articulent souvent autour de la guitare de Phil Gordiani qui rappelle évidemment les transes électriques de Robert Fripp, et jouent de motifs impairs pour construire peu à peu un échafaudage fragile et superbe. Et à l’opposé de ces élucubrations électriques et volontairement rigides, les sons venteux de Sylvain Rifflet (saxophones et clarinette) et Joce Mienniel (flûtes) prennent leurs aises. Entrelacs parfaitement étudiés, envolées magiques, il y a dans ce duo un peu des conversations bucoliques de«;  Conference of the Bird » de Dave Holland où Sam Rivers et Anthony Braxton jouaient aussi de la même ingéniosité (« A l’Heure »). Moderne, structurée, parfois agressive d’un côté (« Electronic Fire Gun », « Vowels, Kids and Balloons ») mais libre, douce et inspirée de l’autre, la musique d’Alphabet s’avère aussi singulière que cohérente. Alors, au fil des écoutes, on se prend à trouver mille allusions et clins d’yeux : la musique orientale, le rock (progressif ou non) voire la musique électronique et ses boucles folles. Tout cela en seul disque, de plus disponible gratuitement sur le site de l’artiste en haute qualité, histoire de confirmer l’unanimité qui se fait autour de lui (et de donner ensuite une dizaine d’euros en toute confiance) : Sylvain Rifflet fait vraiment les choses bien jusqu’au bout.