Kinski Elevator - They were […] in love

Sorti le: 21/06/2012

Par Jean-Philippe Haas

Label: Music Unit

Site: kinskielevatorband.bandcamp.com

Le label indépendant Music Unit regroupe plusieurs sociétés et tente de promouvoir des artistes hors des circuits et du modèle économique habituels. Parmi les artistes de cette structure détenue par les artistes eux-mêmes, on trouve quelques grands noms (Le Sacre du Tympan de Fred Pallem), des musiciens qui ont déjà fait leurs preuves (Wildmimi) et des jeunes premiers, dont Kinski Elevator fait partie.

Derrière la batterie de ce trio atypique, ce n’est autre que Pierre Luzy, l’un des fondateurs de Music Unit (qu’on retrouve à la production de Rêves et fantasmes d’une chaussure ordinaire), tandis que le Fender Rhodes est tenu par Bruno Ruder (ex-Magma). La guitare et les cordes vocales appartiennent quant à elles à Serge Rogalski. Quatre des titres de They were […] in love figuraient dans des versions plus succinctes sur le coup d’essai du trio, l’EP Inner Crab Dogs, sorti plus tôt au cours de l’année 2011.

La musique de Kinski Elevator est difficile à décrire avec précision, quand bien même quelques constantes peuvent être dégagées : le recours ponctuel à certains codes du jazz, l’utilisation de mélodies que ne renierait pas la pop, l’absence propre au rock progressif de contraintes et de formatage… Des références viennent occasionnellement à l’esprit, par petites touches discrètes, comme les inévitables King Crimson, The Mars Volta ou encore Radiohead. On a connu pire influences, même si celles-ci peinent à circonscrire l’œuvre de façon satisfaisante. Les titres contiennent leur lot de ruptures, de digressions inattendues et se concluent souvent par une montée en puissance, un crescendo ou une frénésie sans nom. On y parle d’amour, de sexe, de rapports humains, ainsi que l’indique plutôt explicitement le visuel du disque. Et tout cela coule de source, sans à-coups, grâce à de mémorables arrangements et des prouesses de composition qui remettraient plus d’un auteur-compositeur-interprète-mégalomane à sa place.

Mais l’attraction qu’exerce They were […] in love ne s’explique qu’en partie par les éléments très factuels énumérés ci-dessus. Qu’est-ce qui lui donne dès lors cet indéniable supplément d’âme ? S’agit-il de l’atmosphère étrange, à la fois surannée et terriblement moderne qu’il dégage ? De la surprenante digestion de genres qu’il accomplit ? Du chant vaguement décalé, multiforme, qui parcourt les six pistes ? Peu importe, finalement, puisqu’on se trouve face à un album de rock bigrement original, qui fait sauter le couvercle de tous ces bocaux poussiéreux soigneusement rangés et étiquetés.