Dream Theater

24/02/2012

Zénith - Paris

Par Martial Briclot

Photos:

Marjorie Coulin

Site du groupe : www.dreamtheater.net

Setlist :

Dream Is Collapsing (Intro) / Bridges in The Sky / 6:00 / Build Me Up, Break Me Down / Surrounded / The Root of All Evil / Solo Mike Mangini / A Fortune in Lies / Outcry / The Silent Man / Beneath The Surface / On The Backs of Angels / War Inside My Head / The Test That Stumped Them All / The Spirit Carries On / Breaking All Illusions // Rappel : Pull Me Under

Sensation étrange que d’assister à cette tournée de Dream Theater. Après un album de transition n’ayant pas obtenu l’unanimité et un bouleversement interne encore bien frais dans les esprits, le groupe en ressortira-t-il transfiguré ou défiguré ? Les performances estivales des Américains ayant plutôt eu tendance à nous rassurer, il ne leur restait plus qu’à transformer l’essai en balayant nos derniers doutes d’un coup de médiator bien ajusté.

Periphery, l’étendard du mouvement djent, s’empare au préalable de la scène, et un léger flottement parcourt l’assistance. Il faut reconnaître que les spectateurs les plus conservateurs ont probablement du mal à accrocher aux riffs syncopés à outrance, saupoudrés d’un chant alternant entre le mélodique et le hardcore. L’expérience s’avère cependant fidèle au disque grâce à un mix satisfaisant, mais les jeunes musiciens resteront scotchés à leur position tout du long de leur courte apparition, peinant à chauffer une salle quelque peu récalcitrante. Si on les imagine aisément être plus à l’aise en configuration club qu’au milieu d’une arène, ils font ici leurs armes sans déshonneur, leur marge de progression restant appréciable.

Quelques minutes plus tard, Dream Theater fait son entrée sur le thème d’Inception dans un Zénith plein à craquer. Une fréquentation inhabituellement élevée pour leur date parisienne, que l’on pourra pondérer par le fait qu’elle est l’unique apparition française de cette tournée. Dès la première note, le volume gagne malheureusement en décibels ce qu’il perd en précision : la batterie légèrement surmixée gonfle basses et aigues, grignotant les fréquences de la sept cordes de John Petrucci et reléguant John Myung aux oubliettes. C’est « Bridges in the Sky » qui inaugure un set fortement axé sur le dernier album. Un choix artistique évidemment prévisible, qui permet de démontrer (si besoin est) qu’ils s’assument à deux cents pour cent et ne prennent pas la direction d’un groupe pour nostalgiques, se réfugiant uniquement derrière leurs classiques. Cette décision implique une prise de risque évidente, obligeant l’auditeur à adhérer au disque pour pleinement profiter du show s’il ne veut pas avoir à se tourner les pouces pendant les six morceaux de Dramatic Turn of Events interprétés ce soir là. En dehors de cette spécificité, les différentes périodes sont soigneusement retracées, les New Yorkais piochant majoritairement parmi leurs pièces à tendance « metal lourd » : « 6 O’Clock » et « War Inside My head » font indéniablement partie des bonnes surprises, à l’inverse du dispensable « Root of All Evil ».

Sur scène, celui qui marque les esprits et semble sorti plus fort de cette phase pleine d’incertitudes se nomme James LaBrie. Vocalement en forme, il nous offre un retour en grâce des plus satisfaisants pour peu qu’on lui pardonne quelques aiguës nasillards parfois gênants. Sans être toutefois particulièrement bavard ou énergique, il est bel et bien présent, souriant et communiquant, signant ainsi la fin des années noires, des fuites intempestives en coulisses et des défaillances techniques. Le reste de la bande assurera sans surprise au millimètre près : l’attitude globale est chaleureuse, appliquée, mais sans folie, à la limite du minimum syndical. Jordan Rudess est étonnamment discret, ne sollicitant que bien peu le public et John Petrucci n’approche la foule qu’en de trop rares occasions. Tout juste Myung vient-il le rejoindre une ou deux fois pour partager quelques notes. De son côté, le très attendu Mangini fait le job de belle manière, prouvant lors du traditionnel solo qu’il n’a techniquement rien à envier à Mike Portnoy. Ce dernier aura tout de même laissé derrière lui un vide scénique considérable, car si Dream Theater n’a jamais été la définition de l’attitude rock, on aura connu le groupe plus charismatique, plus « rentre dedans ».

Le fait marquant de ce concert restera véritablement l’interprétation de « Breaking All Illusions », unique morceau du dernier album à recueillir une incontestable unanimité. Unanimité traduite en live par une communion qui ne s’était montrée jusqu’ici que timidement lors de « The Spirit Carries On ». L’impression que le show démarre réellement se fait prégnante, tout en laissant un arrière-goût amer de frustration puisque, ironie du sort, l’on arrive à « Pull Me Under », seul et unique rappel de la soirée. La foule est certes conquise, s’époumone (enfin !!) sur le refrain, et l’on se demande s’il ne serait pas temps pour Dream Theater de remettre ce morceau en tête de liste et boucler sur une ou deux pièce épiques, comme ce fût le cas au High Voltage avec l’incroyable doublé « Count of Tuscany/Learning to live ».

Un concert malgré tout bien plus qu’honnête, dont on regrettera simplement qu’il ne réserve aucune surprise. La setlist (à d’infimes variations près) reste figée soir après soir, la machine est parfaitement huilée, ne laissant plus de place à l’impro, et encore moins au fun. Une tournée de transition, après un album lui-même transitionnel ? Probablement, mais l’excuse ne fonctionnera pas éternellement…