Leprous & Amorphis

12/12/2011

Le Divan du Monde - Paris

Par Florent Canepa

Photos: Marjorie Coulin

Site du groupe : www.leprous.net / www.amorphis.net

Setlist :

Leprous : Thorn / Restless / Passing / MB. Indifferentia / Waste of Air / Dare You / Forced Entry

Amorphis : Song of the Sage / My Enemy / The Smoke / Against Widows / Alone / You I Need / Sampo / Vulgar Necrolatry / Crack in a Stone / Sky Is Mine /Black Winter Day // Rappel : Silver Bride / My Kantele / House Of Sleep

Devant le Divan du Monde, une longue file attend dans le froid, ambiance finlandaise oblige, et l’apéritif réchauffe à l’heure pile avec un quintette espagnol du nom de Nahemah. Officiant depuis 1999, il propose de redécouvrir son dernier album de 2009, A new constellation. Musicalement, sa présence est cohérente au sein de la programmation. Héritier d’une tradition metal atmosphérique dans la lignée de Tiamat ou d’Amorphis, celui-ci possède un atout : Pablo Egido, son grand chanteur charismatique et sympathique qui alterne avec aisance voix claires et saturées. Cinq morceaux plus tard et malgré une conclusion à la rythmique pataude mais à l’effet vocoder bienvenu (on pense à Anathema sur « Closer »), Nahemah a définitivement conquis la sympathie d’un public lui proposant des remerciements chaleureux.

Passons donc au cœur du sujet. Car c’est bien la « révélation » Leprous – elle a en tous cas remporté de nombreux suffrages chez Chromatique – qui focalisait toute notre attention. L’idée était de savoir si la production léchée et la réussite peu contestable de Bilateral allaient faire mouche sur scène. C’est une difficulté : un groupe très produit et si riche réserve parfois des impressions ambivalentes dans ce contexte. Autant le dire tout de suite : Leprous n’échappe pas à la règle. La première image a été de voir débarquer sur scène ces petites têtes post-adolescentes norvégiennes, ambiance school rock. Mais, dès l’ouverture et l’intro de « Thorn » on pressent que le son est gros et que nos oreilles vont être à la fête. Des visages juvéniles peut-être, mais un professionnalisme indéniable, une maîtrise absolue des ambiances (« Waste of Air » possédé, « MB. Indifferentia » lyrique) tout cela couplé avec des jeux de scène démontrant le travail et la cohésion du groupe. A cet égard, on retiendra le moment où tous ses membres épousent un riff oppressant d’un même mouvement de haut en bas ou le headbanging « progressif », qui se réalise naturellement à deux, pour les mesures composées ! Alors qu’est-ce qui pêche fondamentalement ? La mise à l’épreuve la plus flagrante est sans doute la voix d’Einar Solberg (en charge des claviers également) : chanteur d’exception et attachant, il est inégal et peu soutenu par son comparse Tor. Ses voix claires et growl passent plutôt bien (le génial « Passing »), sa voix saturée medium sait être irritante car un peu trop en force (sur « Restless »). Même sur une pièce majeure comme « Forced Entry » qui clôture le concert, Einar éprouve quelques difficultés sans doute liées à la fatigue d’une tournée. Ce n’est pas la faute d’un quelconque défaut technique : le fait qu’il utilise tous les micros, y compris ceux qui ne sont pas destinés à la voix principale, apporte plus de dynamisme au concert qu’il ne détériore la qualité du spectacle. Mais à l’image de Daniel Gildenlöw lors des premières venues de Pain of Salvation en France, l’expérience n’est pas encore totalement là. On attend l’alter ego un peu moins fou de Devin Townsend qui n’arrivera jamais vraiment. Pourtant, musicalement, tout est net et puissant (bien plus en un sens que les deux autres groupes présents ce soir là). C’est un peu chaotique de temps en temps mais sur le mode de The Mars Volta, pas vraiment la cacophonie du groupe étudiant du coin. On finit le concert assez heureux d’avoir découvert cette jolie formation en live, tout en ayant le sentiment certain que la prochaine fois sera meilleure.

Après un long moment d’installation, le public est soulagé de voir l’arrivée sur scène de la bande d’Helsinki. Amorphis s’étant frotté à plus ou moins tout un registre (death, doom, metal progressif puis folk métal), nous étions en droit de nous demander ce qu’allait donner ce maelström sur scène. C’est certainement le chanteur Tomi Joutsen, armé de son pied de micro cyberpunk et remplaçant de l’historique Pasi Koskinen, qui donne une dimension attachante au groupe. Si les ritournelles folkloriques au Nordlead avaient eu le don d’irriter certains fans sur leur dernier essai The Beginning of Times, il semble bien que la scène ne soit finalement pas le pire endroit pour les goûter. Ce qui peut paraître désuet prend une dimension entraînante et euphorisante. Ne l’oublions pas : d’une manière générale, les musiciens finlandais ont ce talent de composition indéniable où tout est très judicieux (sucré ?) mais audacieux. Et quand le groupe propose des morceaux plus directs et death en milieu de set (« Against Widows », « My Kantele »), un mosh pit bon enfant se constitue de lui même au Divan… Certes, ce ne sont pas les pâturages de Clisson mais l’énergie est là. En fait, on ressent chez eux une authentique bonhomie, une envie de faire partager tous les chapitres d’une formation qui a traversé deux décennies sans révélation mais en évitant toujours le surplace. Des petites facéties (la guitare jouée en mandoline par Esa Holopainen sur « Towards and Against », les dreadbangings fougueux) viennent agrémenter un concert où tout est parfaitement exécuté, maîtrisé, avec ce qu’il faut de cœur. Et un chant sans faille, ce qui fait penser qu’après quelques moments comme ce soir, nul doute que Leprous arrivera à se tailler la part du lion.