Prog In Alsace

05/12/2011

Le Molodoï - Strasbourg

Par Jean-Philippe Haas

Photos: touch-arts.com

Site du groupe : www.myspace.com/camembert67 / www.gensdelalune.fr/

Setlist :

Camembert : Bernard L'ermite / Gros Bouquin / Schnörgl Attahk / Untung Untungan / Clacos 1 / El Ruotuav Ed Sram / Skwitch (l'éléphant cybernétique bourré)

Gens De La Lune : Satanas / Alors joue ! / Lunar Bank / Medley Ange (Aujourd'hui c’est la fête chez l’apprenti sorcier, Sur la trace des fées, Je travaille sans filet) / Piano Forte / Je te laisse / Hypocrite et comédien / Gens de la Lune / Neg’blanc / Quel désastre / No Comment / Le meilleur pour la fin / Jour après jour (Ange) / C’no peran

Le collectif Camembert est obstiné. Après le semi-échec du Cheese Prog Event #3, les Alsaciens remettent le couvert sous une forme légèrement différente, en partenariat cette fois-ci avec l’association Crescendo. Prog In Alsace est ainsi un acte engagé, un appel aux forces vives du progressif de l’Est, une énième tentative pour fédérer le public qui gravite autour de cette niche musicale. C’est aux Francs-Comtois de Gens De La Lune de venir prêter main forte au quintette fromager pour une soirée placée sous le signe d’un joyeux militantisme.

Camembert évolue dans une configuration essentiellement acoustique, puisque la basse ronflante de Pierre Wawrzyniak est le seul instrument électrique depuis la disparition de la guitare. C’est peut-être pour cette raison que le groupe dispose cette fois encore d’un son clair et limpide, qui laisse sa place à chaque instrument. Avec un humour désormais bien rôdé, le concert démarre par le presque déjà classique « Bernard l’Ermite » qui annonce un concert où la complexité et la rigueur millimétrée des titres disparaît complètement sous leur accessibilité et l’envoûtement que provoque cette formation atypique. Car, faut-il le rappeler, il n’est pas monnaie courante, même dans le prog’ qu’une harpe côtoie basse, cuivres et percussions ! Camembert présente un bel échantillon de sa musique et interprète même quelques titres inédits sur album, qui passent fort bien le cap de la scène. De quoi mettre l’eau à la bouche pour le successeur de Schnörgl Attahk qui vient pourtant à peine de sortir. Les cinq gus sont heureux de jouer ensemble, et ça se voit. Ces jeunes gens se permettront même un échange d’instruments sur un titre, preuve qu’ils savent vraiment tout faire ! Après cette belle prestation, le public, chauffé par la douceur des cuivres et le groove ambiant est fin prêt pour accueillir un groupe pas moins chaleureux.

Quelques problèmes de micro en début de concert n’auront pas eu raison des Gens de la Lune. D’emblée, avec un « Satanas » aux accents dramatiques, les velléités symphoniques du groupe explosent sous les claviers enveloppants de Francis Décamps et l’interprétation affectée de Jean-Philippe Suzan. C’est ensuite à Alors joue ! de subir l’épreuve des planches. Fil rouge de cette soirée, le nouvel album sera d’ailleurs joué en intégralité. Décamps se permet aussi quelques incursions bienvenues dans l’univers qu’il a contribué à créer, celui d’Ange, pour le plus grand plaisir d’un public connaisseur et conquis d’avance. Entre deux morceaux de bravoure du dernier album (l’acide « Lunar Bank » et le très lyrique « Piano Forte » ), le medley « Aujourd’hui c’est la fête chez l’apprenti sorcier/ Sur la trace des fées/ Je travaille sans filet » fait mouche. Dans un rôle de savant fou loquace et malicieux qui lui sied à merveille, l’ex Ange vole parfois la vedette à Suzan qui de son côté ne ménage pas ses efforts pour motiver le public. Celui-ci rend bien aux Sélénites les efforts qu’ils déploient pour lui. Rarement on aura vu un rapport acclamations/spectateurs aussi élevé ! Point culminant d’un concert où l’énergie déborde des deux côtés, le final « C’No Peran », qui sera l’occasion pour le public d’ânonner avec bonne humeur un peu de patois franc-comtois et de se manifester sans doute aussi bruyamment que la foule qui s’extasiait probablement devant Julien Doré dans la salle d’à côté.

Ce dernier n’aura certes pas eu à souffrir de la concurrence du Prog In Alsace, mais on peut affirmer avec certitude que l’ after n’a pas été aussi chaleureux du côté de La Laiterie. En effet, longtemps après que la dernière note ait résonné au Molodoï, spectateurs et musiciens ont échangé dans la bonne humeur, sur fond de concert improvisé par quelques électrons libres de Camembert.

On souhaite au Prog In Alsace de connaître beaucoup d’autres éditions. La cohabitation joyeuse entre la fusion jazz funky et le rock théâtral prouve l’ouverture d’esprit d’un public acquis à la cause de toutes les musiques progressives. A ceux qui ont boudé cette soirée par désœuvrement ou excès de procrastination, il faut adresser un message : « levez votre fondement du canapé ou du fauteuil, libérez-vous de l’emprise du virtuel et venez soutenir dans la vraie vie ces beaux groupes, pleins de talent et d’énergie, qui méritent peut-être plus que n’importe quels autres artistes plus reconnus d’être encouragés ! »