Pierrick Pedron

24/11/2011

Le Sunrise - Paris

Par David Ree

Photos: D.R. (nous contacter)

Site du groupe : www.myspace.com/pierrickpedron

Setlist :

Esox-Lucius / The Cloud / Miss Falk’s Dog / The Mists of Time / Nonagon’s Dance / 2010 White Boots / The Cheerleaders’ NDE / Toshiko

Ce n’est pas dans un vulgaire pub irlandais mais bien au mythique Sunset que jouait le Pierrick Pedron Quintet, pour la troisième soirée consécutive. Quatre jeunes Américains ne semblaient pas en avoir pris acte, au vu du self-service bavard qu’ils se seront permis tout le long de la soirée, malgré les regards désobligeants que leur lançait le reste d’un public, plutôt âgé et proche du lecteur-type de Télérama venu en couple vivre un événement culturel, il est vrai, assez ultime a posteriori. « Oh my God! (…) They are late! » Certes, une demi-heure de retard pour une heure de concert, cela justifie bien que quelques têtes se tournent, inquiètes, guettant la moindre silhouette de musicien. Mais ils finiront bien par « monter » sur scène, sans rideau ni annonce fracassante. Que le spectacle commence.

Le concept de la soirée, c’est l’intégralité de Cheerleaders, sans cheerleaders. Et nos deux Américaines, blondes platine et plutôt du genre extraverties – « Wow! » –, ne joueront pas les majorettes, faute de cerner le sens de cet OVNI que le passage du disque au direct ne rend que plus extra-terrestre. Du jazz, oui, par la forme : thème, chorus, improvisation malgré une écriture très présente ; par l’instrumentation : saxophone alto, batterie jouée en prise traditionnelle, Fender Rhodes. Mais les choix harmoniques et rythmiques déroutent. Les effets sonores et le recours massif aux bandes et aux boucles aussi, dans une moindre mesure. La musique du quintet a clairement une longueur d’avance, que l’oreille admire mais peine à faire sienne.

Au fur et à mesure que l’album progresse, dans l’ordre exact des pistes suivant lequel il nous a été donné de l’entendre, l’influence de Magma apparaît nettement : artisan principal de l’élasticité de la matière musicale, Fabrice Moreau devient Christian Vander le temps de quelques roulements et autres pêches, jusqu’à en imiter la gestuelle reconnaissable entre mille. L’utilisation des octaves chez Vincent Artaud rappelle un certain art bassistique, bien que l’homme reste en retrait, occupé à sculpter le paysage derrière un mur d’effets – délai long en tête. Le clavier de Laurent Coq, auteur des pires dissonances et de délires modaux à donner le vertige, remplit un rôle typiquement rythmique. Cette base ainsi constituée offre un espace d’expression haut de gamme à Chris de Paw, qui signe au passage un petit solo à la guitare acoustique mêlant slap furieux et tapping à quatorze doigts (quel monstre !), mais surtout au brave Pierrick, dompteur d’une fanfare qui eût été hautement instable et condamnée à l’implosion sans la voix cuivrée, tantôt atmosphérique tantôt volcanique, mais toujours fédératrice, du meneur de jeu.

La soirée aura donc été l’occasion de prendre pleinement conscience de toute la richesse de son dernier album, dont les moindres détails d’arrangement sautent plus aisément aux yeux qu’ils ne parviennent à l’oreille seule. À noter, de la part du public, quelques vaines tentatives de marquer le temps d’applaudissements enthousiastes : l’heure n’était pas tellement à la gloire du fessier. N’allez pas croire que le quintet a manqué de groove pour autant !