Steve Hackett

18/10/2011

La Cigale - Paris

Par Martial Briclot

Photos:

Marjorie Coulin

Site du groupe : www.hackettsongs.com

Setlist :

Everyday / Valley of the kings / Emerald And Ash / Golden Age Of Steam / Watcher Of The Skies / The Carpet Crawlers / Fire On The Moon / Ace Of Wands / Shadow Of The Hierophant / Sierra Quemada / Horizons / Blood On The Rooftops / Spectral Mornings / Fly On A Windshield / Sleepers / Nick Beggs Solo / Still Waters / Prairie Angel / Los Endos // Rappels : Firth Of Fifth / Clocks

Après avoir effectué son retour sur nos terres il y a déjà deux ans, Steve Hackett nous fait à nouveau l’honneur de sa présence et investit la Cigale. Offrant des conditions proches de l’Olympia, la salle est presque pleine. La frange la plus nostalgique de la communauté progressive s’est en effet mobilisée, désireuse de se délecter religieusement des quelques chefs d’œuvre que le maître daignera lui accorder.

Steve Hackett le sait pertinemment, il a le logo de Genesis tatoué sur le front et le poids d’albums mythiques sur les épaules, mais il semble le vivre sereinement. Du haut de sa prolifique carrière solo il a pu étancher sa soif de créativité dans de nombreux registres tout en conservant un niveau qualitatif élevé que ses deux derniers disques (Beyond the Shrouded horizon et Out of the Tunnel’s Mouth) n’ont fait que confirmer. S’il n’a aujourd’hui plus grand chose à prouver, il défend ce soir largement son répertoire personnel.

C’est le traditionnel « Everyday » issu de Spectral Mornings qui sert d’introduction, imposant d’emblée un constat partagé à l’unanimité : le son est tout simplement exceptionnel et le volume raisonnable, même aux premiers rangs. La basse délicieuse de Nick Beggs, ronde et précise, offre une texture moderne à l’ensemble, pas très éloignée d’un Spock’s Beard sur album. Seule la guitare d’Amanda Lehmann est en retrait, ce dont à notre connaissance personne ne s’est réellement plaint, la six cordes attirant toute l’attention n’étant pas sienne. Second fait marquant, la mise en place des choeurs est particulièrement soignée, l’équipe au complet (à l’exception du claviériste Roger King) s’adonnant à cet exercice avec un talent remarquable. Pour qui est friand de ce type d’arrangement, le bonheur s’avère total.
Durant près de deux heures trente, Steve Hackett est indéniablement soucieux de donner un aperçu fidèle des différentes facettes de sa carrière. Il couvre ainsi toutes les époques, extirpant « Shadow of the hierophant » de son premier effort, Voyage of the Acolyte sur lequel Amanda Lehmann peut s’exprimer vocalement. Bien que le dernier album soit disponible depuis quelques semaines, la setlist de ce soir n’est qu’une sensible évolution de celle de la tournée précédente. Le seul extrait de Beyond the Shrouded Horizons offert fut « Prairie Angels », et ce choix doit sans aucun doute être imputé au départ de Nick Beggs pour la troupe de Steven Wilson deux semaines plus tard. Il aurait probablement été peu rentable de lui faire intégrer de nouveaux morceaux pour une simple paire de dates…

Généreux et soucieux de son public, Steve Hackett n’oublie en aucun cas le répertoire auquel il doit ce statut d’artiste-culte. L’auditoire majoritairement cinquantenaire perd subitement une dizaine de rides et s’exprime vivement dès l’entame du premier morceau de Genesis, « Watcher of the Skies ». Petit dérapage cependant sur « Carpet Crawlers » puisqu’on assiste à un recadrage rythmique, le maître de cérémonie étant obligé de battre la mesure pendant quelques secondes pour remettre le navire à flot, une scène étonnante d’égarement qui contraste fort heureusement avec la rigueur générale de l’interprétation. La configuration assise n’est pas spécialement adaptée au déchaînement des foules, mais il suffit d’observer ses voisins serrer leurs poings de bonheur, mimer fiévreusement un riff de batterie ou réciter chaque parole au mot près pour ne pas douter de l’authentique émotion qui parcourt les rangs. Une légende bel et bien vivante se produit face à nous, il serait indécent de le nier.

Seul bémol, Steve Hackett, malgré le talent indéniable dont il est doté, souffre d’un certain manque d’expressivité que l’on pourrait qualifier, selon l’humeur, de flegme britannique, d’humilité ou de timidité maladive. Le bougre est souriant, s’exprime peu, mais adopte une attitude d’anti guitar-hero qui par moment peut s’avérer frustrante. Le champ scénique est donc parfaitement dégagé pour ses partenaires qui s’en donnent alors à cœur joie. Difficile de louper l’excentrique Nick Beggs, tout en charisme et en tresses blondes, qui nous gratifiera d’un solo de stick chapman aérien, ou le batteur Gary O’Toole, assurant le chant de Collins et Gabriel sur des rythmiques parfois barrées. Plus controversé, le dandy multi- instrumentiste Rob Townsend procure une couleur cuivrée et charnelle à l’ensemble. Sax ténor ou soprane, flûte traversière ou irlandaise, il est le garant de l’univers musical sans frontière de Hackett, tout en permettant une utilisation minime de samples. D’aucuns regretteront cependant l’adaptation de certaines parties des morceaux de la Genèse, quelques soli de guitare pouvant parfois être joués au saxophone.

Le final n’épargnera personne et nous obligera à grimper de nouveau sur le siège d’une Delorean à 88 miles à l’heure : « Firth of fifth » et « Clocks » clôturent magistralement une soirée déjà exceptionnelle en tous points. Cette icône du progressif tient une forme prodigieuse et l’on espère secrètement qu’il tiendra le rythme en nous offrant un concert de cette qualité tous les deux ans, ad vitam aeternam !!