Dream Theater – Une page est tournée

Origine : Etats-Unis
Style : Metal Progressif
Formé en : 1985
Composition : James LaBrie (chant), John Petrucci (guitare), John Myung (basse), Jordan Rudess (claviers), Mike Mangini (batterie)
Dernier album : A Dramatic Turn of Events (2011)

Il y a un an presque jour pour jour, Dream Theater et Mike Portnoy se séparaient. Cette annonce faite avec perte et fracas laissait pantoise toute la communauté progressive. Depuis ce communiqué, l’improbable divorce entre les deux parties semble être consommé : Mike Mangini a été choisi pour succéder à Mike Portnoy qui, de son côté, a monté Adrenaline Mob. Les New Yorkais orphelins de leur ex-batteur emblématique ont donc redémarré les machines et rechargé les accus. Le résultat s’appelle A Dramatic Turn Of Events, titre (et a priori contenu lyrique) évocateur, sur lequel James LaBrie fait toute la lumière.

Chromatique : Dream Theater a vécu une année pour le moins agitée. Bien évidemment, vous ne vous attendiez pas à de tels événements. Mais aujourd’hui, vous êtes à nouveau au complet en tant que groupe…
James LaBrie :
Nous n’avons rien vu venir. S’il y a un an, tu m’avais posé la question de savoir où nous allions aller avec Dream Theater, je t’aurais naturellement répondu que nous allions faire une pause avant de nous retrouver en studio et de plancher sur notre prochain album. Mais jamais je n’aurais eu l’idée que Mike Portnoy nous quitterait et que nous serions amenés à auditionner sept batteurs venant du monde entier. De même, il m’était difficilement concevable de penser que nous filmerions un documentaire nommé The Spirit Carries On, que nous devrions accueillir un nouveau batteur et enregistrer un disque comme A Dramatic Turn Of Events. Néanmoins, il y a un côté positif à cette situation, et je rejoins là ton idée de soulagement : se retrouver au complet après un tel épisode a eu pour effet de nous souder davantage aussi bien en tant qu’individualités qu’en tant que groupe. Il faut bien comprendre que nous nous sommes retrouvés face à une situation énorme que nous n’avons pas vu venir ne serait-ce que l’espace d’une seconde. Mais les faits sont là : nous sommes de nouveau cinq et avons composé un disque dont nous sommes extrêmement fiers. Je pense que la cohésion s’entend sur cet album mais elle s’est ressentie également sur scène lors de cette tournée d’été.

Tu viens de mentionner la nouvelle cohésion du groupe sur scène. Nous avons pu voir Dream Theater lors du High Voltage Festival et nous nous sommes fait la réflexion que vous ne nous avez pas paru aussi soudés sur scène depuis un long moment…
Ce que tu dis là nous a été souvent rapporté tout au long de cette tournée d’été, presque tous les soirs. Les fans venaient nous voir après les concerts pour nous le dire et nous avons pu le lire sur les forums en ligne. Ceux qui nous suivent ont senti le vent du changement, ils ont vu un groupe de nouveau soudé et uni. C’est la meilleure chose que nous pouvions attendre d’eux. Peut-être que dans le passé, avec le temps, cette cohésion a laissé la place à une routine de travail et a fait en sorte d’amenuiser petit à petit la flamme. Aujourd’hui, nous revenons à l’essentiel : nous sommes un groupe de hard rock progressif, c’est ce que nous faisons de mieux. Par ailleurs, je pense qu’un type comme Mike Mangini y contribue grandement. Je me dois d’ajouter aussi le fait que le plaisir est vraiment revenu. Non pas qu’il avait complètement disparu, mais la notion n’est pas la même qu’avant.

On a dû te poser la question maintes fois : tout-le-monde a vu le documentaire The Spirit Carries On et beaucoup de fans ont réagi en pensant que le choix de Mike Mangini était déjà fait, à la fin même de son audition. De ce fait, les dés étaient pipés et les autres candidats partaient avec une sorte de handicap…
Cela mérite un éclaircissement : Mike Mangini fut le premier des sept batteurs auditionnés. Il faut le dire, il nous a franchement scotchés ! Sa réputation le devance. Il a également joué sur trois de mes albums solo. Il est arrivé extrêmement bien préparé, à tel point que nous nous sommes demandé s’il n’avait pas une idée bien précise de ce que nous allions jouer exactement. Tout ceci nous a montré une chose : il n’est pas venu auditionner pour le simple fait d’auditionner. Cette place, il la voulait et sa motivation a, au final, pesé dans la balance. Cela étant, nous avons gardé à l’esprit le fait que chaque postulant devait partir sur le même pied d’égalité et que chacun pouvait avancer ses arguments. Nous ne nous sommes pas enflammés, c’était la pire erreur à commettre, même si, comme je le disais, il a placé d’emblée la barre très haute. Nous avons attendu le dernier coup de baguette du dernier des candidats (tous vraiment exceptionnels, soit dit en passant) pour arrêter notre choix.

Parlons maintenant d’A Dramatic Turn Of Events. Il semblerait que la spontanéité soit de retour contrairement à ce qui se passait sur vos derniers albums qui allaient dans une direction musicale définie au préalable. Peut-on parler d’une routine qui a, peu à peu gagné le groupe et qui avait besoin d’être brisée ?
Quand nous avons commencé à travailler sur ce disque, nous savions tout d’abord qu’il serait réellement différent dans le sens où le contexte de travail était amené à changer du tout au tout. Tout a débuté de façon simple. Réunis autour d’une table, nous avons clairement défini la direction dans laquelle nous souhaitions aller : revenir à nos racines musicales, à ce qui a fait notre renommée à savoir un groupe de progressif incluant des éléments metal. Nous avons fait en sorte que ces deux facettes, qui nous représentent le mieux, soient de nouveau complémentaires. Je n’ai cependant eu aucun doute, en studio, sur le fait que de nombreux fans et journalistes fassent preuve de scepticisme à ce sujet. Il y a une certaine polémique autour de nous qui existe depuis des années. Dans la majorité des cas, elle est nourrie bien avant même que les gens entendent une seule note de notre nouvel album. Quoi qu’il en soit, je ne pense pas que cette approche aurait pu exister si Mike Portnoy était resté dans le groupe. Les idées ont vraiment fusé. Mike Mangini n’a pas pris part à l’écriture de ces morceaux. Le fait que nous soyons tous les quatre assis ensemble à faire le tri dans ce que nous avons jeté sur la table nous a permis d’établir, à la fois l’ambiance et l’équilibre de cet album. L’approche est sans doute différente de ce que nous avons fait auparavant mais ce qui en résulte reste de la musique écrite par Dream Theater et c’est bien là l’essentiel.

Nous sommes agréablement surpris de voir John Myung reprendre la plume sur A Dramatic Turn of Events. Sur les albums précédents, les paroliers principaux dont tu fais partie ont chacun choisi des sujets d’expression différents : Mike Portnoy sa vie personnelle, John Petrucci des thèmes de science-fiction et pour ta part, la politique. Qu’en est-il cette fois-ci ? Les textes écrits sont-ils liés aux événements vécus l’an dernier ?
Aucun des textes écrits n’est lié à Mike Portnoy, ni à ce qu’il s’est passé l’an dernier. Je dois dire que même sans avoir évoqué le sujet, il était clair que le remettre sur le tapis n’aurait pas été très intelligent de notre part, bien plus, cela aurait été minable. L’idée d’évoquer ces épisodes a très vite disparu de nos esprits. Le titre A Dramatic Turn Of Events parle de changements à l’échelle planétaire, qu’ils soient politiques, culturels ou sociaux. Ces thèmes sont présents dans tous les esprits. Le monde est sujet à de grands chamboulements en ce moment et c’est en partie de ça, dont il est question.

Comme à son habitude, John Petrucci a signé la majorité des textes, mais il a également produit l’album. Son approche de l’exercice a-t-elle changé, sachant qu’il opérait jusqu’ici en binôme avec Mike Portnoy ? Mike Mangini a-t-il eu certaines requêtes concernant le son de batterie ?
Mike Mangini est arrivé très préparé en studio, il savait exactement ce qu’il allait jouer. A la suite de ça, nous avons écouté ses suggestions et demandes en matière de son. Sur la production du disque, je dois avouer que John a été bien plus réceptif et ouvert à toutes les suggestions que John Myung, Jordan et moi-même avons pu émettre, tant sur l’interprétation que sur le son [très révélateur, ndlr]. Il a mis tout le monde sur un même pied d’égalité. Il a pris la tâche très au sérieux et il faut le saluer, car il a su faire la part des choses entre son rôle de producteur et sa position de guitariste.

Comment s’est établi le contact avec Andy Wallace en charge du mix ?
Inutile de dire que son travail parle pour lui. Collaborer avec lui était très excitant ! Andy est musicien et il s’est placé dans la position à la fois de l’ingénieur du son et du fan. Il faut comprendre par là qu’il a ciblé chaque instrument séparément et, en amont a eu la réflexion suivante : En tant que fan, comment voudrais-je que ce disque sonne ? Je pense que ce qu’il a fait sur A Dramatic Turn Of Events a dépassé nos attentes. Chaque détail est perceptible sur chaque instrument, c’est une valeur ajoutée importante et nous lui tirons notre chapeau sur ce coup-là.

Vous êtes actuellement en tournée avec Trivium aux Etats-Unis. Qu’en est-il de votre retour en Europe ?
Nous devrions revenir aux alentours de janvier prochain. Je crois que nous serons à Paris en février mais cela reste à confirmer.

Après de tels remous au sein de Dream Theater, tu as sans doute un message fort à adresser à nos lecteurs.
La fidélité constante dont nous sommes l’objet doit être saluée. Je vous remercie tous de votre confiance en nous, encore plus aujourd’hui, compte tenu des évènements passés. Le lien que nous avons établi pendant toutes ces années mérite d’être pérennisé. Nous vous sommes très reconnaissants de la confiance que vous nous portez. J’espère vous voir nombreux lors de notre prochain passage à Paris dans un esprit de communion totale entre Dream Theater et vous tous.