Panzerballett & Morglbl Trio

06/07/2011

Le Triton - Les Lilas

Par Martial Briclot

Photos: Mathieu Teissier

Site du groupe : www.panzerballett.de / www.myspace.com/morglbl

Setlist :

Panzerballett : The Simpsons / Mustafari / Some Skunk Funk / The Time of my life / Tier Funk / Vulgar display of Sauerkraut / Friede, Freude, Fussball

Morglbl Trio : Mörglbl Circus / The Monster within me / Brutal Romance / Fidel Gastro / Untold Stories / Gnocchies on the block / Golden Ribs / 22 Oz / Le Normand / My spacebook

Deux formations alliant fun et puissance se partageaient cette seconde soirée des Tritonales, rendez-vous annuel des musiques progressives. De toute évidence, carte blanche était donnée aux trublions de la fusion aux accents métalliques afin de secouer les rideaux du Triton, scène d’un confort et d’une sonorité exceptionnelle. Cette salle autorise un concert de metal à être précis et dynamique tout en conservant un volume raisonnable. Certains regretteront que le lieu privilégie les places assises, mais il n’est pas honteux de préférer de temps à autres éviter les slams pour déguster conjointement verre de vin et soli inspirés.

La formation allemande Panzerballet a répondu « présent » à l’invitation de Christophe Godin, et lorsqu’on connaît sa réputation mais également la rareté de sa présence hors de son pays d’origine, notre curiosité n’en est que décuplée. Une formule très simple peut définir à elle seule le style du groupe : Meshuggah meets Jazz. Ici, point de volonté de glisser quelques légers reflets jazzy au sein d’un mur du son heavy et syncopé, la fusion des genres est parfaitement équilibrée notamment grâce à l’apport d’un saxophoniste permanent. Panzerballet pratique l’art de la reprise déjantée, qui ne conserve que rarement plus de quelque notes de filiation à l’original. Ils s’attaquent aussi bien à « Some Skunk Funk » (Brecker Brothers) qu’aux Simpsons en passant par « the Time of my life », issue de la B.O. de Dirty Dancing. Amusant d’ailleurs que la seule erreur perceptible du concert soit issue de la simplissime intro de ce morceau. Le « coupable » nous aura gratifiés d’une belle grimace à cet égard. Mais ne suscitons pas le doute, ce groupe massif est d’une propreté exemplaire, et le responsable en est clairement leur batteur, monstrueux de précision tout au long des compos aux couloirs sinueux.

On pourra éventuellement regretter l’attitude très concentrée de la formation, pas forcément aussi fun qu’elle aimerait le faire croire. On la sent malgré tout plus à l’aise à mesure que les morceaux se succèdent, jusqu’à atteindre une certaine apothéose lors de « Friede, Freude, Fussball » pendant lequel le public sera vivement sollicité et ne se privera pas de headbanguer sur les quelques blast beats ravageurs. Panzerballett en live est une expérience inédite, physiquement éprouvante mais gratifiante, tant la concentration est de mise pour survivre à cette salve sonore et complexe. Les retardataires ayant raté l’évènement pourront les découvrir au festival Crescendo, face à la mer, le vingt août prochain.

Après une courte pause, c’est le Mörglbl Trio (prononcez Morgeulbeul) qui prend d’assaut nos tympans. Si le Triton est un peu la résidence secondaire de Christophe Godin, sa scène s’apparenterait plutôt à un bac à sable, théâtre au fil des ans de ses projets les plus allumés et de ses blagues les plus lamentables. Et le public en redemande, puisque les premiers rangs sont occupés en grande partie par des aficionados légèrement imbibés qui contribueront largement à l’ambiance bon enfant régnant tout au long de la soirée.

Les trois gaillards nous présentent quelques extraits de leur prochain album Brutal Romance, tel le morceau éponyme, « Fidel Gastro » ou « Gnocchies on the Block », dont la poésie n’a d’égal que le taux d’alcoolémie moyen de la salle. Et si de changement stylistique radical il n’est ici pas question, on appréciera le grand écart facial pratiqué. En effet, le contraste entre petites mélodies inoffensives et énormes riffs tout droit sortis d’une sept cordes guillerette est ici largement exploité pour notre plus grand bonheur.

Un show de Mörglbl laissant une bonne place à l’humour, chaque pause est prétexte aux calembours, bouffonneries et autres galéjades. Mais en ce trois juin 2011, Christophe Godin a atteint ce qui restera probablement comme le paroxysme de sa carrière, puisqu’en fédérant la salle entière et ses musiciens, il réveilla violemment un pauvre hère, doucement endormi à sa table. Diablement efficace car la « victime » est dès lors restée parfaitement attentive… Sur le terrain musical, rares sont les reproches possibles. La fusion réjouissante jazz-metal-funk aux douces effluves de Satriani s’avère toujours maîtrisée, et la présence de structures plus « simples » (tout est relatif) que celles de Panzerballet, amène une véritable bouffée d’air frais pour un show plus accessible et plus rock’n’roll. La formation possède un réel savoir-faire en terme de riffs efficaces et de mélodies, tranchant parfois avec quelques soli improvisés moins accrocheurs et plus lassants que l’ensemble. Le shred passe cependant toujours mieux lorsqu’on y injecte du second degré et l’impression globale reste franchement positive, le plaisir du jeu étant pleinement communicatif. Cette double affiche mêlant jazz metal et fun touche à sa fin, le temps pour le leader du groupe allemand de rejoindre Mörglbl sur scène en une reprise déjantée de « Smoke on the Water », seul et unique morceau chanté de la soirée.

Pour peu que l’on adhère à ce style musical alambiqué et azimuté, on ne peut qu’apprécier l’initiative louable d’avoir réuni ces formations sur une même affiche. Malgré la réussite de l’ensemble et les qualités du Triton, une pointe de regret persiste, celle de ne pas les avoir vus sur une scène plus large, aux lumières plus travaillées, pour décupler leur force de frappe et permettre au public comme aux artistes de s’exprimer pleinement.