– Mike reforme ses « Mechanics »

Mike and The Mechanics est le projet solo de Mike Rutherford, guitariste/bassiste de Genesis depuis les débuts du groupe. Après une carrière solo, à la fin des années soixante-dix, assez peu remarquable tant du point de vue artistique que commercial, il s’adjoignit les services de Paul Carrack (ex Ace, groupe de l’éphémère succès « How Long ») et de Paul Young (ex Sad Cafe et non pas celui de « Every Time You Go Away » !). Ce trio fut à l’origine d’énormes succès dans les années quatre-vingt et ce, dès le premier album éponyme en 1985 (« Silent Running », « All I Need Is a Miracle »…) en Europe mais surtout aux Etats-Unis où ces chansons bénéficièrent d’un airplay massif. Fait relativement rare, le deuxième album, The Living Years, sorti en 1988, remporta un succès encore plus important, notamment en Angleterre, grâce entre autres au single du même nom, hommage au père disparu de Mike Rutherford. La planète Genesis était florissante dans ces années-là puisque chacun des membres (Phil Collins et Peter Gabriel en tête) avait autant de succès en solo qu’en groupe, abstraction faite de Tony Banks, étonnamment d’ailleurs.

Si le troisième album Word of Mouth (1991) marqua un peu le pas à la fois en terme de qualité et de retentissement, le quatrième, Beggar On a Beach of Gold (1995) fut un retour remarqué (l’immense succès du single « Over My Shoulder ») et remarquable, grâce à des chansons parfois progressives (« The Ghost of Sex and You ») souvent inspirées (« A House of Many Rooms »…) et une reprise réussie (« I Believe When I Fall in Love It Will Be Forever », de Stevie Wonder…). La suite fut beaucoup moins glorieuse puisque M6 (1999), plus quelconque artistiquement, pâtit de surcroît d’une sortie assez confidentielle. Le décès de Paul Young en 2000 eut raison de la première mouture du groupe et c’est sous le nom Mike and The Mechanics + Paul Carrack que sortit Rewired en 2004. Cet album de musique électronique complètement assumée et pourtant jubilatoire dérouta les fans et passa complètement inaperçu auprès du grand public.

En 2009, Mike Rutherford annonça à la surprise de son auditoire qu’il avait pourtant l’intention de faire renaître les mécaniciens de leurs cendres. Mais sous quelle forme, Paul Carrack ayant quitté le navire depuis ? Arrivèrent alors, en 2010, deux nouveaux acolytes : Andrew Roachford (auteur de quelques tubes en Angleterre dans les années quatre-vingt-dix) et Tim Howar (illustre inconnu). Ce retour inespéré était donc attendu avec curiosité sinon impatience. Que vaut ce Mike and The (new !) Mechanics ?

Le premier extrait, « Reach Out (Touch the Sun) » fut disponible à l’écoute dès la fin du mois de février. Malgré ses accents très « Tears for Fears » (la voix de Roachford évoquant celle d’Orzabal !), on ne peut pas dire qu’il déclencha un enthousiasme démesuré auprès des fans – et ne parlons même plus de grand public en 2011 pour The Mechanics – mais on se surprit à l’avoir dans la tête malgré tout après quelques écoutes. Il y a des précédents de mauvais choix de singles, il aurait donc été prématuré d’anticiper quoi que ce soit sur l’album à venir. Puis une première chronique de The Road fut publiée sur le site officiel de Genesis dans laquelle on pouvait lire, entre les lignes, que le disque ne tenait pas vraiment ses promesses. Après une écoute attentive, on s’aperçoit en effet que le premier single est un bon choix puisque c’est un des très rares titres les plus forts (ou les moins faibles) du CD. Roachford a beau être très en forme vocalement, il ne fait pas de miracles pour autant et force est de constater qu’il y a un très fort sentiment d’inachevé tout le long de « La Route » (NDRL : The Road). Ce qui frappe le plus peut-être, c’est l’indigence des mélodies et des refrains, surtout pour un groupe dont ce fut l’apanage et le fond de commerce pendant des années. On navigue, au mieux, dans des atmosphères progressives très atténuées aux accents génésiens (« Background Noise », « You Can Be the Rock »), au pire dans de la bluette popisante assez fade (« Try To Save Me »…) ou même à la limite du supportable (« Hunt You Down »). Le point commun de ces onze titres est, hélas, la monotonie puisqu’aucun d’entre eux ne réussit à décoller vraiment. Il y a certes, çà et là, quelques petites lueurs d’inspiration : « Walking On Water » et « Oh No » en tête et l’on trouvera aussi des échos de « The Living Years » et ses chœurs d’enfants sur « Heaven Doesn’t Care » (de loin le meilleur titre de l’album) mais l’ensemble reste, malheureusement, bien terne…

Si l’on ajoute à cela le fait qu’un certain Arno Carstens, sans doute le premier chanteur pressenti, est au micro sur trois titres sans pour autant être crédité comme membre du groupe (pourquoi ne pas avoir fait chanter Howar à la place ?), on a un peu l’impression d’écouter un disque sorti à la va-vite, sinon une collection de maquettes pas complètement achevées. C’est d’autant plus dommage que la production est assez exemplaire et la liste de musiciens (dont Gary Wallis qui officia dans Pink Floyd et Anthony Drennan dans les Corrs, Clannad et…Genesis !) assez impressionnante. C’est plutôt encourageant si c’est la même formation sur scène pour la grande tournée – hélas exclusivement britannique – qui s’annonce.

Pour conclure, c’est un retour en demi-teinte pour Mike Rutherford mais un retour quand-même et les fans ne pourront que s’en réjouir sachant que Phil Collins vient de jeter l’éponge récemment et que Tony Banks est aux abonnés absents depuis 2004. Il y a fort à parier que ce line-up ne survive pas à The Road mais si tel n’était pas le cas, on espérera bien d’autres choses de ces trois musiciens qui sont clairement capables de plus convaincant que ce recueil de chansons tout juste passable.


Album : The Road
Note : 5/10
Label : Sony / Arista
Produit par Mike Rutherford et Christopher Neil