Philippe Thieyre est un éminent spécialiste de la scène rock, notamment vue sous l’angle psychédélique. Mettant à profit sa vaste collection de disques, il organise des expositions, participe à des émissions radiophoniques (Alternatives sur France Inter), sans parler de son implication chez notre confrère de Rock & Folk. Il n’est donc pas étonnant de le retrouver aujourd’hui avec cette impressionnante anthologie de mille trois cent cinquante pochettes d’albums vinyles de la période 1965-1973.  

La somme de travail est colossale et c’est à souligner. Chaque pochette est présentée avec la mention du titre, de l’artiste, du label, de l’année de parution et évidemment le nom du graphiste ou du dessinateur. Plus intéressant encore, l’ouvrage est parsemé d’explications documentées et détaillées sur le mouvement psychédélique, de sa naissance à son accointance avec le LSD, initialement diffusé grâce aux tests effectués par l’armée américaine au début des années soixante.

Des personnages comme Ken Keasey, Timothy Leary, la Beat Generation incarnée par Jack Kerouac et Allen Ginsberg, ainsi que l’étrange Augustus Owsley Stanley III, petit-fils du gouverneur du Kentucky mais surtout grand pourvoyeur de LSD de toute la côte Ouest des États-Unis, forment le noyau « idéologique » sur lequel repose tout le mouvement musical psychédélique.

Chaque région des États-Unis, voire chaque état, est passé au peigne fin d’une l’analyse au scalpel. On y découvre ou redécouvre tous les groupes phares de la période, de Jefferson Airplane à Grateful Dead, sans parler d’une flopée d’inconnus (Ultimate Spinach ?). Philippe Thieyre fait remonter les débuts musicaux du psychédélisme à 1965 avec l’électrification de Bob Dylan, la publication du single « Like a Rolling Stone » et l’excellent album du Paul Butterfield Blues Band, Est<->West. L’ouverture de salles de concert désormais mythiques à San Francisco, le Fillmore et l’Avalon Ballroom, permet au mouvement de se développer sans entrave.

Intéressant de bout en bout, malgré l’aspect légèrement redondant de ces centaines d’images, cet intéressant pavé souffre néanmoins d’une étrangeté surprenante : le cas du Royaume-Uni. Relégué au huitième chapitre seulement, le pays au développement musical le plus foisonnant des sixties apparaît presque comme un État supplémentaire de l’union américaine, point de vue très franco-français s’il en est.

Car le mouvement psychédélique anglais fut peut-être aussi important, si ce n’est plus, que son voisin d’outre-Atlantique. L’invasion anglaise de 1967 au Monterey Pop Festival et par la suite au Fillmore (The Who, Cream, Traffic, Pink Floyd, Soft Machine, le Jimi Hendrix Experience) a eu un impact musical certain sur la scène américaine alors que le contraire semble moins évident, le cas Bob Dylan excepté. Le développement du rock progressif, issu du psychédélisme, sur le sol britannique ajoute un argument non négligeable à ce point du vue.

Cela écrit, le livre de Philippe Thieyre se présente davantage comme une encyclopédie quasi complète du psychédélisme, participant de la période créative la plus intense de l’histoire du rock. Pierre essentielle, ce mouvement n’en est pas moins mort et enterré, quand bien même de nombreux groupes y font encore directement ou indirectement appel, quel que soit le genre musical dans lequel ils sévissent. Un bien bel objet en définitive !

Philippe Thieyre, Psychedlic Vinyls, Editions Stéphane Bachès (2010), 458 p.