Karnivool – Boys boys boys !

Bombe à retardement, le quintette australien a explosé au visage avec près d’un an de retard par rapport au reste du globe. Sorti début 2010 en Europe et aux États-Unis, leur second album Sound Awake n’a pourtant été publié que le 22 novembre dernier en France, suivi par une tournée mondiale lors de laquelle l’Hexagone a fait office de première escale.

Progressia : Une petite présentation pour celles et ceux qui n’auraient malheureusement pas suivi vos dernières tribulations ?
Andrew « Drew » Goddard : Nous venons de Perth en Australie. Nous jouons un mélange de rock alternatif et de heavy metal. Notre musique pourrait être qualifiée de progressive.

Acceptez-vous ce qualificatif ?
Drew : Disons qu’on ne fait pas de la musique pour avoir une étiquette particulière…
Ian Kenny : Si vous entendez progressif au sens « ouvert à différentes expériences », c’est en effet ce que nous essayons de faire.
Drew : Toute production musicale se voit rangée dans une catégorie par le public. Le mieux reste de se faire sa propre idée. Après si cela correspond à l’étiquette en question, tant mieux.
Ian : Elle ne sert d’ailleurs qu’à nous classer en magasin. (Mimant un vendeur ) « Bons disques… albums de merde… Celui-ci ira dans les bons ! » .

Sound Awake est sorti en 2009 en Australie, début février 2010 aux États-Unis et en Europe. Pourquoi un tel retard en France ?
Drew : D’après nos informations, le retard provient de la distribution qui s’est mal organisée ici. Nous avons eu quelques problèmes à entrer chez vous et nous le déplorons. En revanche, maintenant que nous sommes là, nous comptons bien y rester. Allez la France, accrochez-vous à nous et suivez le rythme !

Vous allez jouer votre tout premier concert français. Vous sentez-vous prêts à affronter le public ?
Drew : Plus que jamais ! C’est non seulement notre premier concert dans l’Hexagone, mais aussi le démarrage de la tournée. Cela fait maintenant deux semaines que nous sommes tous les cinq obnubilés par ce projet. Nous avons très envie de jouer et d’épater les Français.

Parlons un peu de vos albums. Themata a beaucoup été comparé aux compositions de Tool. Trouvez-vous cette analogie légitime ? Vous sentez-vous plus détachés de vos influences avec Sound Awake ?
Drew : Tool a clairement été l’une de nos inspirations pendant nos premières années. Les gens continuent de nous comparer à eux alors que nous avons le sentiment de produire quelque chose de radicalement différent.
Ian : Ce sont des géants de la scène alternative. Leur musique a donné un créneau d’expression à beaucoup de petites formations dont nous faisons évidemment partie même si nous possédons d’autres sources d’inspiration très différentes. Le mélange de tout ça a donné un son qui nous est propre, une identité.

Justement, Sound Awake se révèle être un album plus mature et plus personnel. Pensez-vous poursuivre sur cette lancée ?
Drew : Ce que nous avons atteint ici nous plaît beaucoup. Nous pensons rester sur cette lancée pour la suite.
Ian : Ce qui ne veut pas dire que l’on compte se répéter. Nous avons une base musicale que les gens reconnaîtront comme notre signature. En revanche, tout le reste sera fortement sujet à changements. Ne vous en faites pas, le prochain album sonnera encore de façon inédite !

Avez-vous commencé à y réfléchir ? Avez-vous déjà des idées ou des morceaux prêts à l’enregistrement ?
Drew : Quelques idées écrites par-ci par-là, des paroles et des riffs.
Ian : Nous ne pouvons pas nous prononcer davantage à l’heure qu’il est, mais soyez certains que 2011 sera une année de concentration et de composition.  Et cette fois-ci, la France ne sera plus en retard pour la sortie de l’album !
Drew : Non, je pense sincèrement que c’est un des pays les mieux renseignés sur la niche « progressive ». Maintenant que nous avons fait un pas chez vous, tout sera plus simple.

Andrew, tu composes la majorité des titres. As-tu une recette magique ? Comment procèdes-tu ?
Drew : Aucune méthode particulière ! Je suis l’intervenant principal, mais de là à dire que je compose tout, il y a un pas à ne pas franchir. Côté inspiration, un morceau peut débuter avec l’idée d’un riff de guitare, d’une ligne de chant ou de basse, peu importe.
Ian : Lorsque nous avons fondé le groupe, nous faisions alors pas mal de sessions d’improvisation. Avec le temps malheureusement, cela s’est avéré moins productif que ce que nous aurions espéré car nos titres ne se sont plus révélés aussi originaux. Nous mélangeons à présent nos idées pour construire les morceaux.
Drew : Nous avons compris avec le temps qu’il ne faut pas se forcer à composer mais plutôt attendre que l’inspiration nous vienne.

Quels sont les artistes qui pourraient vous inspirer en ce moment ou  vous donner l’envie d’écrire ?
Drew : J’écoute beaucoup un groupe américain qui s’appelle The Books, qui fait de la musique électronique à base d’échantillons acoustiques comme des voix ou des instruments.
Ian : Je reste un grand fan d’Air.
Drew : Tu dis ça pour faire plaisir au public français ! (rires)
Ian : Non, je les écoute vraiment beaucoup en ce moment. Je trouve que les ambiances qu’ils dégagent dans leurs albums sont tout bonnement fascinantes.
Drew : Nous aimons aussi énormément toute la scène dub et ragga de Nouvelle-Zélande…
Ian : … avec une préférence pour Fat Freddy’s Drop ! (Ils se lancent dans une imitation vocale de dub, Ian mimant la basse, Andrew la batterie et la guitare).

Forester Savell, votre ingénieur du son sur Sound Awake, est une personne réputée en Australie. Il a produit un grand nombre d’autres groupes, comme par exemple Five Star Prison Cell. Avez-vous tissé des liens avec vos compatriotes ? Envisagez-vous des collaborations ?
Drew : Pas vraiment. Nous connaissons bien évidemment ces formations et notre travail regorge déjà de collaborations, mais généralement nous aimons travailler avec des groupes issus d’univers très différents. Sur Themata, nous avions embauché des sections de cuivres sur certains de nos morceaux par exemple.
Ian : Oui, ce n’est pas très stimulant de travailler avec des groupes qui font la même musique que nous. Ce que nous cherchons avant tout, c’est cette alchimie. En mélangeant des domaines sans rapports, le résultat peut parfois s’avérer catastrophique et affreux, d’autres fois, il va être tout aussi catastrophique, mais peut être beau, et on en retirera quelque chose. C’est ce brassage là que nous recherchons.

Alors avec qui aimeriez-vous collaborer éventuellement hors Australie ?
Ian : Air ! (rires). Je suis vraiment curieux de savoir ce qu’apporterait notre musique à leurs ambiances.

Que représente la pochette de Sound Awake ?
Ian : Il s’agit d’un mélange d’œil et de haut-parleur. L’image correspond symboliquement au titre de l’album : l’éveil et le son, tout simplement. L’idée est de suggérer que le son a une action physique sur le monde. Il ne s’agit pas seulement d’une perception mais bien de quelque chose qui s’applique matériellement sur tout ce qui nous entoure.
Drew : Nous sommes fans d’une science qui s’appelle la cymatique. Il s’agit d’une discipline qui étudie comment une onde sonore peut déformer la matière jusqu’à produire des formes régulières dans des liquides par exemple. C’est passionnant !
Ian : Le son n’est pas simplement capté par nos oreilles. Avant ça, il est réfléchi sur des surfaces et des objets. Ce son est déformé lorsqu’il nous parvient. Mais on oublie trop souvent qu’il a aussi influé sur les objets qu’il a touchés. La musique a une dimension beaucoup plus grande du coup. Elle peut interagir avec l’univers qui nous entoure et potentiellement le modifier.

Un dernier mot pour vos fans français ?
Drew : Au lectorat français amateur de notre musique, continuez de dénicher, de découvrir et de partager la musique que vous aimez. C’est grâce à vous que des groupes comme Karnivool existent, et ce que vous faites est très important ! Merci !