Sylvie Courvoisier Mark Feldman Quartet

20/12/2010

Sunset - Paris

Par Fanny Layani

Photos:

Marjorie Coulin

Site du groupe : http://www.sylviecourvoisier.com

Pour qui vient de l’univers des musiques progressives, les noms de Sylvie Courvoisier (piano) et Mark Feldman (violon) sont irrémédiablement associés à l’univers de John Zorn et à la scène d’avant-garde new-yorkaise gravitant autour du stakhanoviste à lunettes. Pourtant, cette nouvelle formation qui réunit à leurs côtés le batteur Gerry Hemingway et le contrebassiste Thomas Morgan permet aux deux complices de longue date de prouver – en ont-ils encore besoin ? – leur capacité à proposer un univers musical fascinant et personnel.

Ce nouveau quartet frappe avant tout par la qualité de jeu des deux musiciens et l’entente incroyable qui les lie, au service d’un spectre musical considérablement élargi dans le style comme dans les timbres par rapport à leurs travaux précédents, comme l’excellent Malphas, troisième volume de la série des Book of Angels de Zorn. La technique de Mark Feldman est impressionnante, mais son propos, reconnaissable entre mille, la dépasse largement, et le violoniste n’hésite jamais à se mettre en danger lorsque cela peut servir la musique.

En contrepoint, Sylvie Courvoisier alterne un jeu très mélodique sur lequel planent les ombres bienveillantes de Claude Debussy ou d’Olivier Messiaen (auquel elle rend d’ailleurs hommage dans une composition opportunément baptisée « Messiaenesque »), et une approche plus viscérale, n’hésitant pas à remuer les entrailles de son instrument, en spécialiste du piano préparé qu’elle est également, notamment sur le projet Mephista qu’elle partage avec Ikue Mori et Susie Ibarra.

Tous deux viennent se poser sur le tapis ondoyant et subtil que tissent leurs deux comparses. Gerry Hemingway, tout en impressionnisme, balais, mailloches, mains et archet, semble soigneusement éviter de marquer un temps, et plus encore une carrure, et assure un véritable rôle mélodique, jouant notamment sur l’élasticité des peaux, tandis que Thomas Morgan surprend. Derrière son apparence juvénile et souvent gauche, son toucher faussement hésitant et fragile tombe juste et vient porter doucement une musique à peine amplifiée, respectant l’équilibre naturel des instruments et laissant – enfin – toute leur place aux nuances, dans un ensemble d’une grande finesse.

Car c’est bien ce qui frappe en premier lieu dans cette musique : tout y est doux, subtil et intimiste. Bien souvent les quatre musiciens ne font plus qu’un tant leurs sons se mêlent, tant le piano de Sylvie Courvoisier semble tous les envelopper de sa présence chaleureuse et rassurante. Le violon et le piano, dans un échange permanent, ne cessent de se chercher, de virevolter l’un autour de l’autre, sans hésiter à se pousser mutuellement jusque dans leurs retranchements, avant de concéder un recul en forme de nouvelle ouverture. Ainsi, la musique avance, mouvante, et l’auditeur voyage, ému.