Kruger

08/03/2010

Amalgame - Yverdon-les-Bains (Suisse)

Par Jean-Daniel Kleisl

Photos: Julien Mudry

Site du groupe : http://www.kruger.ch

Setlist :

The Ox Dukes of Nothing Anthem of Pretended Glory Hummers VS Pedestrians Villains Return of the Huns Turpitudes
Le metal romand est en verve et cette froide soirée hivernale va le démontrer une fois de plus. La preuve, toute la neige a fondu dans un rayon de deux cent mètres autour de l’Amalgame, la salle de concerts rock devenue pourrait-on dire le lien entre les métallurgistes hurleurs des montagnes jurassiennes et les forgerons, de joyeux gosiers eux aussi, de la côte lémanique.

C’est un jeune groupe local dénommé Trace of Existence qui ouvre les feux avec un mélange de grindcore technique et hargneux à souhait. Les conditions sonores doivent être parfaites sous peine de subir un brouhaha inaudible avec un tel genre musical proposé ; et c’est malheureusement le cas. L’auditoire n’entend pour ainsi dire que la batterie et le growl du vocaliste alors que les complexités instrumentales de la guitare se perdent dans ce maelström indigeste. Dommage tant on est resté loin de la qualité d’exécution (le mot est juste) d’un Yog, par exemple.

Place ensuite à une autre formation du cru mais d’un tout autre calibre, Yverdoom. Formés en 2006 par des musiciens actifs depuis plusieurs années au sein de la scène alternative, les Yverdonnois se caractérisent par un melting pot d’influences variées, pourvu qu’elles soit massives et violentes. Leurs compositions, la plupart disponibles sur leur unique essai, Pestalozzi Platz Massacre (tout un programme !), alternent des passages lourds à la Black Sabbath avec des accélérations fulgurantes à la Entombed. La mise en place rythmique est implacable, impeccable, et permet à Danek, ex-Houston Swing Engine et ex-Unfold, faut-il le préciser, d’assurer le spectacle et de poser comme une fleur sa voix de bûcheron. Le groupe se lâche sous les pogos de la salle quasi comble. On aurait pu penser à un gag band mais il n’en est rien. On en redemande, au contraire !

La suite de la soirée est placée sous le signe de l’inquiétude. Non pas qu’un concert de Kruger puisse être mauvais – ils ne le sont jamais ! – mais au vu de l’état du dos de Reno (souffrant d’un lumbago, voir notre entretien), la question de savoir s’il peut tenir tout un concert mérite d’être posée. Notre crainte est de courte durée car si le chanteur n’a évidemment pas grimpé sur les structures soutenant le light show (assez pauvre à l’Amalgame), Reno a assuré d’une voix de maestro ses parties vocales, avec hargne, intensité et un certain courage. Serait-ce néanmoins pour cette raison que le set des Lausannois fut si court (cinquante minutes à tout casser) ?

Cette soirée permet à Kruger de tester son nouvel album sur scène. Seul un « Hummers VS Pedestrians » très enlevé fait figure de rescapé issu de Redemption Through Looseness. Force est de constater que les morceaux – c’est une constante chez Kruger – passent encore mieux en live qu’en écoute dans son salon. Les complexités rythmiques sont distribuées par Raph et sa batterie avec fougue, habilement soutenue par la puissante basse de Blaise. Ce soubassement monstrueux permet aux deux guitaristes, Jak et Margo, de distiller soit des arpèges sournois, soit des accords massifs avec classe. Reno, quant à lui, vient écouter le groupe dans le public, assurant ses parties et/ou susurrant des mots doux aux oreilles des spectateurs. Voir Kruger en concert, servi par ce son si impressionnant et précis, reste toujours un grand moment dont on aurait aimé qu’il dure plus longtemps. Les spectateurs de l’Hexagone sont prévenus, Kruger peut en étonner plus d’un !