Steve Vai – Steve Vai

Origine : Etats-Unis
Style : rock virtuose
Formé en : 1984

Progressia n’en finit pas d’inscrire à son tableau de chasse d’éminents représentants de l’instrumentation. En débutant chez Frank Zappa alors qu’il n’avait que dix-neuf ans, Steve Vai s’est résolument tourné bien vite vers une carrière solo pour parfaire son expression artistique, après avoir néanmoins proposé ses services, le temps d’un album, chez David Lee Roth (Van Halen), Alcatrazz ou encore Whitesnake. Un musicien inspiré, auteur d’œuvres de haute qualité et qui a suscité bien des vocations. A l’occasion de la sortie conjointe du DVD et du CD intitulés Where the Wild Things Are, l’évidence prônait l’entretien avec l’alien transformiste le plus coloré de la galaxie six-cordes. 

Progressia : Quel regard portes-tu sur toutes ces années passées au service de la guitare ? 
Steve Vai
: C’est une sacrée bénédiction. Je n’ai pas rencontré d’obstacle majeur qui m’ait empêché d’avancer. Tout s’est déroulé avec calme. Si je m’arrête un moment et que je jette un œil en arrière, ce qui m’a aidé a été de découvrir ce que j’aimais le plus : jouer de la guitare et écrire la musique que j’ai en tête. J’y ai consacré des heures quotidiennes et je savais que, tôt ou tard et qu’importe les moyens d’y parvenir, je vivrais de ce métier. En revanche, je ne pensais pas rencontrer autant de succès, pour être franc. Je suis donc extrêmement reconnaissant auprès du public de partager ensemble cette passion. 

Qu’aurais-tu fait si la guitare ne s’était pas présentée ou si cela n’avait pas marché pour toi dans la musique ? Avais-tu d’éventuels plans de secours ?
(après un instant d’hésitation) Il y a constamment des choix et des décisions à prendre dans une vie. L’erreur aurait été de ne pas jouer d’un instrument. Il y a bien eu des choses que j’espérais, que je n’ai pas tout à fait atteintes ou qui ont échoué. Pourtant, je n’ai pas lutté contre de gros challenges à relever car la guitare était pour moi une évidence qui me permettait de m’exprimer. Il y a bien un jour où j’ai pensé tout plaquer, durant cette période propre à chaque musicien où tout est flou, et qu’on ne sait nullement où la musique nous mène ni comment en vivre. Certains abandonnent parfois… c’est un milieu difficile avec très peu d’options.

Quelle est l’activité la plus enrichissante : la composition ou le contact avec le public ?
En premier lieu, avoir une idée et entendre des mélodies. Je peux agencer toute la chanson dans sa globalité avant même de l’interpréter. C’est en l’écoutant une fois la mise à plat effectuée que je me dis que c’est la plus belle des récompenses. C’est aussi extrêmement gratifiant lorsque tu te tiens devant le public en concert, confiant pendant ta prestation et que les gens apprécient. 

Que se passe-t-il si le public n’accroche pas sur des titres ?
C’est assez rare dans le sens où j’ai tellement parcouru le monde en remplissant des salles que je suppose qu’on aime ma musique, sinon pourquoi viendrait-on me voir ? Il y a néanmoins des projets que des fans ont plus ou moins adopté à des degrés variables. Je ne peux malheureusement pas combler tout le monde tout le temps, car je produis des disques qui me permettent d’explorer et de défricher de nouveaux territoires, et je m’abstiens bien de publier encore et toujours le même album.

Le line-up de Where the Wild Things Areest-il un coup d’essai ou le concept d’incorporer des instruments moins typés rock peut-il subsister à long terme ?
Le but de cette expérience était de franchir de nouvelles étapes. Que pouvais-je apporter à ce que j’ai pu réaliser en amont ou que n’importe qui ait pu expérimenter ? Cela devait être musical, accessible, dynamique, émotionnel et habité. Je savais qu’associer deux violons serait pertinent et fonctionnerait dans l’absolu en écho à une démarche logique qui m’empêche de tourner en rond. En général, je n’essaie pas de paraître différent juste pour le clamer. J’entends souvent des remarques sur mon aptitude à chanter ou non sur tel ou tel disque, pourquoi je change quatre fois de tenue vestimentaire en concert, etc. Ce sont des idées qui émergent naturellement et que j’entreprends en tant qu’artiste.

Rêves-tu néanmoins de stabiliser un line-up à l’avenir ?
Absolument pas ! J’aime trop pouvoir changer les musiciens à mon gré, en fonction de ce que je recherche, et je compte bien poursuivre ainsi.

Est-ce juste une impression ou la production du CD et du DVD comporte desoverdubs ? [NdlR : des ajouts de notes ou de parties en studio]
C’est une sensation liée au fait que je n’ai pas autant monté que d’habitude, ou comme d’autres peuvent faire, la piste sonore du public lors du mixage, pour la simple raison que le rendu final aurait été hasardeux avec la présence des deux violons et des autres instruments. En revanche, j’ai peut-être enregistré vingt secondes en tout et pour tout de guitare après coup pour quelques fausses notes.

Le penchant « récemment » affirmé pour l’acoustique et la musique classique va t-il se poursuivre ? Et si oui, comment ?
Je continuerai bien sûr dans cette voie. Mais comme tout ce que j’ai pu réaliser, j’essaierai d’ajouter à chaque fois une nouvelle dimension. J’aime autant le jazz, le blues, la musique classique que la funk, et bien qu’on ne les entende que par fioritures au sein de mon répertoire, je tente toujours de les inclure à ma façon dans un style qui m’est propre. Je compte procéder également ainsi avec le concept orchestral. Je tiens à préciser que je ne suis pas un grand amateur de classique pur, bien que j’aime la beauté qui en émane. En revanche, l’écoute de compositeurs de musique contemporaine tels que György Ligeti, Luciano Berio ou Igor Stravinski, m’excite davantage car c’est une musique nettement plus imprévisible. J’espère employer bientôt un orchestre symphonique afin lui faire jouer du rock à ma manière.

C’est une démarche propre à la musique progressive !
Je suis content de t’entendre dire ça, car même si je ne suis pas prog’ tel qu’on l’entend généralement, tous les éléments qui participent à ma création le sont par essence. C’est d’autant plus évident avec les mesures asymétriques et les mélodies peu conventionnelles qui parsèment mes morceaux. C’est dommage d’ailleurs que cette notion pour la plupart des gens s’arrête à un son ou à des groupes précis. Je pense que tous les genres évoluent en ayant assimilé cette particularité de pouvoir se remettre en question.

As-tu prévu de publier un successeur à Real Illusion: Reflections ?
Merci de me poser cette question, c’est bien vu et ça me fait plaisir ! Il faut savoir que c’était un projet à la production intense, et je ne suis pas encore tout à fait prêt à me lancer de nouveau là-dedans. Passer deux ans en studio, travailler dur pour enfanter de nouvelles compositions à la hauteur des espérances et les interpréter sur scène, d’autant que ce sont des titres compliqués à transposer en live, c’est un dur labeur mais ça viendra !

Y a-t-il un prochain passage en Europe, notamment en France, de prévu ?
Malheureusement, aucune tournée n’est planifiée pour le moment car je bosse sur un nouvel enregistrement studio. Si tout va bien, je repartirai sur la route courant 2010.

Quel regard portes-tu sur notre époque et en quoi cela influence-t-il ou non ta méthode d’écriture ?
Je suis très influencé par mon environnement. Nous le sommes tous à notre manière. Je ne sais pas comment la musique évoluera, alors je me contente d’écouter les genres qui existent et qui suscitent un brin d’intérêt pour moi, comme de la pop à la télévision ou tous ces nouveaux groupes de metal. Tout m’inspire, consciemment ou pas.

Que penses-tu de la musique en totalité numérique ?
La façon dont nous produisons la musique, comment nous la vendons et la manière dont nous l’écoutons ne cessera de se modifier inexorablement, c’est dans le cours des choses. Nous sommes rentrés dans l’ère digitale et la qualité d’écoute s’en trouve parfois amoindrie pour pouvoir diffuser la musique plus rapidement. La technologie ne cesse de proposer de nouveaux formats afin de rééquilibrer tout ça. Ce qui ne changera pas et qui demeurera, comme ça l’a toujours été, c’est la passion insufflée dans les morceaux que l’on écrit, ce moment magique où nous créons et comment nous procédons pour y parvenir. Il faudra toujours une source. La donne est toute autre à propos des maisons de disques. Désormais, un jeune musicien doit trouver le moyen de vivre de son art tout en étant indépendant. Il empruntera certainement des chemins moins balisés, que ceux que nous bénéficiions auparavant avec les structures logistiques et commerciales des labels et des tourneurs.

La tâche s’avère donc plus fastidieuse pour tous ?
Quand tu n’as pas de vision claire de ce tu souhaites concrétiser ni la détermination nécessaire pour atteindre un but, c’est toujours compliqué. Il ne faut pas croire que les musiciens les plus brillants ont réussi par l’opération du saint esprit. Beaucoup de mes connaissances y sont parvenus en ayant une idée très précise de leur cheminement pour y arriver. C’est peut-être d’autant plus facile maintenant avec la simplification des outils informatiques et cette possibilité de produire chez soi des œuvres qui peuvent se révéler de grande qualité et de les promouvoir selon ses propres règles. Les temps ne sont finalement pas si durs que ça pour les jeunes musiciens. Ils sauront d’adapter quoiqu’il arrive.

D’ailleurs, es-tu toujours en contact avec Devin Townsend, que tu avais embauché surSex & Religion, alors qu’il n’avait que dix-neuf ans ?
Il est venu me rendre visite il y a quelques jours ! Il était très jeune lorsqu’il a débuté avec moi. Devin était déjà un chanteur très talentueux. Il reste une personne fascinante, même après toutes ces années passées à produire et à composer. C’est un génie accompli et qui a énormément contribué à faire progresser le metal avec Strapping Young Lad et ses albums personnels. Il m’a d’ailleurs fait écouter Addicted et c’est un vrai travail d’orfèvre.

Un dernier mot ?
La France est un pays que j’affectionne particulièrement. J’adore venir jouer chez vous, vous rencontrer pour la plupart lors de mes rares concerts et pouvoir partager votre culture. Merci à tous et à bientôt !