Shelving – Shelving

ENTRETIEN : SHELVING

 

Origine : Suisse
Style : post-rock choucroute
Formé en : 2004
Composition :
Vincent Devaud – basse
Lorain Fehlmann – Rhodes
Yan Frésard – guitares
Laurent Güdel – claviers
Dimitri Jeannottat – batterie, percussions

Région périphérique, les montagnes jurassiennes possèdent depuis de nombreuses années une scène musicale dynamique, notamment dans le metal extrême et le hardcore qui tue. Ça hurle à gorge déployée le soir au fond des bois. De ce landernau sévèrement burné, quelques groupes se sont extirpés pour développer une musique entièrement instrumentale, plus éthérée, plus expérimentale, plus proche du Krautrock germanique et des musiques progressives des seventies. Avec IMIHS, son deuxième album, Shelving est devenu l’un des fers de lance de cette mouvance en constante évolution. C’est un Vincent Devaud particulièrement disponible qui a répondu à nos questions parfois impertinentes.

Progressia : De quels horizons provenez-vous ?
Vincent Devaud
: Shelving est un quintette instrumental originaire du Jura suisse composé d’un guitariste, de deux claviers, d’un batteur et d’un bassiste. Nous habitons désormais à l’extérieur de notre région entre Lausanne et Berne.

Shelving est-il devenu un groupe à part entière ou reste-t-il un projet ?
Shelving est bien un groupe à part entière, sans aucun doute, même si la plupart des membres ont fait partie d’autres formations d’obédience plutôt doom et hardcore. A titre personnel, je joue également les claviers chez Equus, autre groupe de Genève. Nous avons toutefois toujours des projets plus ou moins éphémères sur le feu.

Comment pouvez-vous répéter si vous vous éparpillez autant ?
Nous avons la chance d’être assez motivés pour retourner chaque week-end dans le Jura et répéter dans notre local. Nous avons tous de la famille qui y vit, des amis, vu que nous habitions tous Delémont. C’est un peu notre dénominateur commun. On peut ainsi se retrouver, dormir et repartir ; c’est ainsi que nous procédons depuis longtemps maintenant. En revanche, je ne sais pas combien de temps cela va durer ; peut-être devrons-nous un jour bouger vers un lieu plus proche de nos villes respectives. Bref, c’est un peu un grand bordel géographique et heureusement que les CFF [NdlR : Chemins de fer fédéraux] proposent un abonnement général à bon prix (rires) ! Si nous vivions à Paris, nous n’aurions aucun local, à moins de faire une heure de métro pour nous y rendre. Là, nous répétons dans un lieu gratuit, avec en outre un beau terrain de foot à côté.

Pourquoi ne pas avoir continué dans la veine des Mécaniques Sessions et pratiquer ainsi une musique plus rock’n’roll ? Est-ce uniquement dû au changement de personnel ?
L’envie de proposer autre chose fut la cause de l’arrivée des claviéristes. Le principal problème était que, malgré les loopers, je n’avais pas six bras pour jouer tout ce que je voulais ! Plus sérieusement, l’envie de partir sur des sentiers plus aventureux nous titillait.

Comment vous est venue l’idée d’enregistrer en configuration live dans une ferme délabrée des Franches-Montagnes ?
Attention, la ferme n’est pas si délabrée que ça ! Les parents de Dimitri rénovent ce vieux bâtiment depuis plusieurs années. Elle possède une partie habitable vraiment confortable. Ce qui nous intéressait, c’était le volume de la grange, au plafond très haut, ainsi que l’isolement au sein de cette nature. L’expérience fut bonne mais un peu compliquée, c’est pourquoi nous ne recommencerons certainement pas.

Cette ferme a-t-elle une histoire particulière ?
Il me semble. C’est en tout cas un ancien poste-frontière qui fait face à la vallée du Doubs et donc à la France.

Julien Fehlmann est l’ingénieur du son de vos deux albums. Comment se déroulent les enregistrements avec lui ? Fait-il des propositions artistiques ?
C’est plutôt nous qui faisons des propositions à Julien ! Il est parfois un peu dépassé par certaines de nos idées, un peu farfelues à ses yeux. Nous avons donc dû le convaincre sur ce coup-là. Dans tous les cas, à part si Christian Vander était notre ingénieur du son, je crois qu’on ne laisserait personne nous forcer à faire telle ou telle chose. Cela n’empêche pas Julien d’être un ami de longue date en qui nous avons une grande confiance.

N’utilisez-vous que des claviers analogiques ?
A part un affreux Casio, tous les claviers sont analogiques !

La guitare tend à jouer le second rôle, n’est-ce pas étrange pour un collectif dont les membres sont principalement issus de la scène metal / hardcore ?
C’est une question intéressante car elle soulève énormément d’interrogations au sein du groupe et ce, depuis un certain temps, notamment depuis l’arrivée de Lorain au Rhodes qui couvre le même genre de spectre.

IMIHS donne l’impression de proposer une musique très libérée voire improvisée. Est-ce réellement le cas ?
Non, pas tant que cela, car au final, IMIHS est très construit et peu de choses sont laissées au hasard. Mais c’est un but vers lequel on tend, on y travaille et on essaie de laisser une place toujours plus grande à une certaine liberté d’interprétation.

L’influence de Shora est clairement perceptible. Est-ce un groupe majeur pour tous les membres de Shelving ?
A plusieurs niveaux oui, car leurs membres sont devenus des amis. C’est un excellent groupe et nous partageons une certaine idée de la musique apparemment, un goût identique pour les genres aventureux.

Quelles sont vous autres influences ?
Pour IMIHS, nous étions tous très crochés sur toute la vague Kraut des années septante [NdlR : Vive la Suisse !], Popol Vuh, Can, Tangerine Dream, et bien entendu Pink Floyd et tout ce qui va avec. Que ce soit des groupes de l’époque ou plus actuels, nous restons très ouverts sur tout ce qui nous inspire, autant des compositeurs tels que Bernard Hermann, Ennio Morricone que les gars de Tortoise. A ce sujet, j’ai été très triste d’apprendre par le biais de votre entretien que John McEntire détestait Yes, ça a été un coup dur ! (rires)

Pourquoi ces cinq dernières minutes inutiles (ce fade out qui n’en finit pas) ?
On les regrette également. Mea culpa. C’est aussi ça que de faire un disque en deux jours. Ce qui est marrant avec ces cinq fameuses dernières minutes, c’est que dans certaines chroniques, des mecs y ont vu tout un concept ! (rires) Pour être franc, sur le moment, cela nous a paru assez naturel.Nous étions tellement stressés que nous n’avons pas trop réfléchi. Si c’était à refaire, on modifierait pas mal d’aspects sur le disque. Evidemment, c’est une réflexion qui intervient avec deux ans et demi de recul sur les compositions ! Je crois que ce cas est partagé par tous dans le groupe, ce passage est chiant ! Dommage, car il ne manquerait pas grand chose pour qu’il soit intéressant, comme nous le jouons en concert.

Entre l’enregistrement et la parution effective de l’album s’est déroulé un an et demi environ. Pourquoi un tel délai ? Est-ce plus difficile de publier de la musique avec la crise du marché du disque ?
J’imagine. Enfin… C’est compliqué car nous n’avons que peu de contacts avec des labels, et Shelving est un petit groupe, donc pas forcément très intéressant à promouvoir. De plus, du point de vue des relations publiques, nous sommes pour le moins inefficaces.

Comment s’est opéré le choix porté sur Division Records, plutôt connu pour ses productions hardcore que Krautrock ? Et où trouver vos disques en France ?
Le disque devait initialement être publié en autoproduction – Lothar Records est une invention de notre part –, mais Division s’y est intéressé après coup, et comme les albums étaient déjà pressés, ils ont juste ajouté des autocollants sur les couvertures cellophanées. Et c’est très bien ainsi ! Le disque est également disponible en France chez MusicFearSatan.

Une tournée ou des concerts en Europe sont-ils prévus ?
Pas pour le moment car nous avons débuté la composition de nouveaux morceaux. Si l’occasion se présente de faire quelques dates intéressantes, pourquoi pas?

Un dernier mot pour nos lecteurs ?
Merci et vive le prog’ !

Propos recueillis par Jean-Daniel Kleisl

site web : Shelving

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