ENTRETIEN : D.F.A.

 

Origine : Italie
Style : jazz fusion progressive
Formé en : 1991
Composition :
Alberto Bonomi – claviers, flûte
Alberto De Grandis – batterie, percussion, chant
Silvio Minella – guitare
Luca Baldassari – basse
Dernier album : 4th (2008)

On les croyait disparus de la scène prog’ fusion, mais 4th vient contre toute attente remettre les pendules à l’heure : il faudra désormais compter avec les Italiens de Duty Free Area. Unanimement salué par la presse spécialisée, ce nouvel album est le fruit d’un long travail de maturation. Ses géniteurs reviennent sur la décennie de silence qui vient de s’écouler. Réponses collégiales.

Débutons par une question classique : quelle est la signification du nom Duty Free Area ?

C’est l’appellation idéale pour nous. Ce nom résume parfaitement la complète liberté d’approche dans la composition de notre musique, qui ne possède aucune contrainte de style ni de forme. Nous écrivons simplement ce que nous aimons et de la manière dont nous le ressentons. Nous sommes les plus grands fans de DFA, nous devons donc aimer notre musique plus que n’importe qui d’autre. C’est notre principal but.

Votre musique contient de nombreuses influences, en particulier la fusion jazz et le rock progressif. Quel est l’arrière-plan musical du groupe ? Quel genre de musique écoutez-vous ?
Nos influences sont très différentes et beaucoup se recoupent d’un musicien à l’autre. Cela va de The Beatles à Led Zeppelin, et de Deep Purple à ELP, Genesis, Yes, King Crimson, de Pat Metheny à Brahms ou Franck pour Alberto Bonomi, Pink Floyd, The Doors, Rush, Talking Heads, David Bowie, Police, Billy Cobham, Gong, Allan Holdsworth, Chick Corea, Miles Davis, Weather Report, Steve Vai pour Silvio Minella, Eagle, Supertramp, Gentle Giant, Hatfield & the North, UK pour Luca Baldassari. Et Bill Bruford, National Health, Brand X, Brian Blade, Winton Marsalis, Herbie Hancock pour Alberto De Grandis. Bien entendu, de nombreux autres artistes auraient pu être ajoutés à cette liste. (NdlR : on se contentera allègrement de celle-ci !).

Votre maison de disques Moonjune Records est basée aux Etats-Unis, et vous jouerez en 2009 au NEARfest ainsi qu’au FMPM, qui se déroulent tous deux en Amérique du Nord. Cette dernière est-elle plus accueillante que la vieille Europe à l’égard de votre style musical ?
Nous ne pensons pas qu’il soit question d’Europe ou d’Amérique. Notre label est domicilié aux Etats-Unis mais Leonardo (Pavkovic, son président, NdlR) est Européen Nous enregistrons pour lui simplement parce que nous l’avons rencontré au NEARfest 2000. Nous sommes devenus amis et avons développé de bonnes relations, ce qui est la base de tout bon travail. C’est donc juste une question de personnes.

Moonjune Records a d’ailleurs réédité vos précédents albums !
Lorsqu’il nous a proposé de sortir un disque de ce fameux concert que nous avions donné, il a depuis toujours soutenu l’idée d’enregistrer un nouvel album. Il a probablement été le seul au monde à croire que nous le ferions ! (rires) La réédition de nos précédents albums était également de son initiative. Duty Free Area n’était plus disponible et de nombreuses personnes nous le demandaient. Leonardo a donc eu l’idée de le remasteriser et d’y ajouter quelques bons bonus tirés de concerts. La phase de remastering fut excitante, car elle nous a permis d’améliorer la qualité du son, de lui redonner de la fraîcheur, de faire ressortir des sons qui étaient restés inaudibles, d’obtenir plus de dynamique et de puissance en utilisant des outils qui n’existaient pas auparavant. Nous avons vraiment adoré le résultat final.

L’Italie a été une mère patrie pour le rock progressif dans les années soixante-dix. Qu’en est-il maintenant pour un groupe de votre trempe ?
La musique progressive est désormais devenue un mouvement underground. Les opportunités ne sont donc pas très grandes.

Vous avez joué aux Lilas en banlieue parisienne dans le cadre du festival des Tritonales en 2008. Qu’avez-vous pensé du concert et du public français ? Aviez-vous joué en France auparavant ?
Pour rebondir sur la question précédente, le Triton est l’un des rares lieux dans le monde où l’on peut jouer ce genre de musique. C’est un pub très agréable. Nous avons beaucoup apprécié notre séjour à Paris et la gentillesse de toute l’équipe. Notre performance n’a cependant pas été l’une de nos meilleures à notre avis. Nous venions de terminer depuis peu l’enregistrement de 4th, notre jeu de scène n’était donc pas brillant à ce moment-là. Mais le public a été très chaleureux et a apprécié la prestation malgré tout. Nous ferons certainement mieux lors des prochains concerts ! Nous avions au préalable joué dans votre pays en 2001, au ProgSud près de Marseille. Nous en avons gardé un très bon souvenir.

De nombreuses années – presque une décennie – se sont écoulées entre votre album éponyme de 1999 et 4th. Que s’est-il passé pour DFA durant cette période ?
Nous n’avons jamais cessé de jouer ensemble. Nous avons donné des concerts de temps à autres et avons écrit du nouveau matériel sans cesse. Si nous n’étions pas forcément satisfaits , rien de ce qui été composé n’était sérieusement développé. Nous avons également consacré plus de temps à notre « vrai travail » et à nos familles. Il ne reste de cette période que le thème principal de « Vietato Generalizzare », insuffisant pour un nouvel album, ni même pour un titre complet. Les premières « véritables » notes de 4th sont apparues à l’été 2004. Il s’agissait du thème principal de ce qu’allait devenir plus tard « Mosoq Runa ». Ces accords possédaient une nouvelle saveur et nous ont motivés pour écrire de nouveaux titres. Ce titre nous a pris plus d’un an, et certains changements, comme souvent, sont intervenus plus tard encore. Au départ, le thème principal de « Flying Trip » faisait partie de « Mosoq Runa », mais nous avons estimé que la mélodie était assez bonne pour donner un titre à part entière. Entre-temps, « Vietato Generalizzare » prenait forme. C’est « Baltasaurus » qui nous a sûrement donné le plus de fil à retordre. De nombreuses parties ont été abandonnées, d’autres ont changé, la structure elle-même a changé de nombreuses fois, mais finalement, le voilà, ce « Balasaurus » ! « The Mirror » fut la dernière composition en date qu’Alberto a écrite d’une traite à la fin 2007, alors que nous partions sur l’idée que l’album contiendrait cinq titres. Cela fut une grande surprise pour nous tous !

4th a été accalmé par la critique. Toutes les chroniques que j’ai eu l’occasion de lire sont enthousiastes. Quels retours avez-vous personnellement eu sur ce disque ?
A notre avis, nous avons gravi une nouvelle marche par rapport à nos disques précédents, nous espérions donc que les fans et les critiques allaient l’apprécier. Le retour a été excellent, et c’est d’ailleurs pourquoi nous jouerons au NEARfest et au FMPM !

Malgré sa complexité, 4th reste un album plus mélodique que vos précédentes réalisations. Quelle en est sa ligne directrice, si tant est qu’il y en ait une ?
Il n’en possède aucune car nous jouons au feeling. Tout se modifie et évolue jusqu’à ce que nous disions : « voilà » ! Nous ne savons pas ce qui va naître avant que cela soit fini. Evidemment, nous sommes influencés par ce que nous aimons, par notre vécu, par ce qui a marqué notre esprit, et par le besoin impérieux d’exprimer ces sensations à notre façon. Tout ceci peut donner l’étincelle, et son développement reflète une complète duty free area.

« La ballata de s’isposa ‘e Mannorri » sonne différemment de vos autres titres. C’est une chanson puisqu’elle comporte du chant, romantique et nostalgique. Serait-ce un hommage qui évoque le rock progressif italien des années soixante-dix ?
Absolument pas, c’est juste une histoire d’amitié. Alberto (De Grandis), Luca et Elena Nulchis sont amis depuis de nombreuses années. Alberto est tombé amoureux de ce titre dès qu’il l’a entendue (NdlR : il s’agit d’une chanson composée par le groupe Andhira, originaire de Sardaigne). Il a commencé à s’imaginer de quelle manière il pourrait réarranger la magnifique version originale au piano avec son chant féminin. Sa mesure en 7/8 correspondait bien à D.F.A., mais ce fut un sacré challenge de la faire sonner ainsi sans perdres sa saveur, ses mélodies et sa signification intrinsèque. Il nous a fallu presque un an de travail pour la réaliser mais ce fut toutefois vraiment très gratifiant. Les membres d’Andhira eux-mêmes ont apprécié le résultat final et leur manière de chanter a parfaitement fusionné avec notre son.

Quels sont vos projets actuels et futurs ? 
Nous envisageons de donner quelques concerts en Italie car nous voudrions profiter du dur labeur qu’a été la réalisation de 4th. Puis nous allons répéter avant d’aller aux Etats-Unis, au Canada et au Mexique, et sans doute dans d’autres pays d’Amérique Latine.

Le mot de la fin pour les lecteurs de Progressia ?
Nous espérons vous rencontrer prochainement en France car nous aimons votre pays ! Vous avez toujours accueilli notre musique avec enthousiasme.

Propos recueillis par Jean-Philippe Haas

site web : Duty Free Area

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