FOCUS : ECHOLYN

  Origine : USA
Style : rock progressif moderne
Formé en : 1989
Composition :
Christopher Buzby – claviers, chœurs
Thomas Hyatt – basse, chœurs
Brett Kull – guitares, chant et chœurs
Paul Ramsey – batterie et percussions
Raymond Weston – basse, chant
Dernier album : Cowboy Poems Free
(2000, réédition 2008)

Dans la sphère progressive, rares sont les groupes qui peuvent se vanter d’avoir une carrière longue de deux décennies. Les Américains d’Echolyn font partie des rescapés de la débâcle des années quatre-vingt-dix. Après bien des péripéties et quelques parenthèses, ces disciples de Gentle Giant tiennent toujours fermement la barre, avec un septième album studio en cours de composition.

A l’aube des années quatre-vingt dix, alors que le rock progressif classique est en pleine disgrâce après un éphémère revival, Echolyn naît quelque part en Pennsylvanie sur les cendres d’un groupe de reprises nommé Narcissus. Ses pères fondateurs Brett Kull et Paul Ramsey sont vite rejoints par leur ex-compère Raymond Weston et le claviériste Christopher Buzby, et en octobre 1991, tandis que Thomas Hyatt prend le poste de bassiste pendant les sessions d’enregistrement, le groupe sort un album éponyme.

Dès leurs débuts, les Américains, bien que fortement influencés par Gentle Giant, développent déjà une griffe unique et moderne. Echolyn est fort logiquement remarqué et se trouve même rapidement épuisé ! Fort de ce succès, le groupe enchaîne sur la composition du désormais classique Suffocating the Bloom. Le temps d’un EP acoustique, …and Every Blossom et Sony/Epic entre en contact avec la bande à Kull. Ces premières années sont déjà marquées par des faits d’armes scéniques comme une première partie de Dream Theater et le ProgFest 1994 (le concert verra le jour en 2002 sous forme d’un double album sobrement nommé ProgFest ’94: The Official Bootleg).

As the World est enregistré pour Sony à Nashville durant cette même année : tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes, d’autant qu’à peine publié, l’album reçoit de nombreuses chroniques dithyrambiques. Le microcosme du prog’ se met à placer en Echolyn ses espoirs les plus fous. Malheureusement, Sony refuse de soutenir une tournée et lâche finalement le groupe qui finit par se séparer. Cette fin inattendue est marquée par un disque posthume composé de démos inédites et de titres live, le bien nommé When the Sweet Turns Sour

Si une résurrection semble peu probable après ce sabordage en bonne et due forme, nos musiciens restent très actifs. C’est l’époque d’Always Almost (du hard rock aux influences progressives), de Grey Eye Glances (pop-rock) et de Finneus Gauge (jazz-fusion progressif). Et puis, à l’aube du troisième millénaire débarque Cowboy Poems Free, un nouveau disque d’une fraîcheur inédite. Et désormais, Echolyn sera farouchement indépendant. Après quelques concerts débute l’écriture de l’ambitieux Mei (2002), longue suite d’une cinquantaine de minutes sur laquelle le groupe s’offre les services d’un orchestre. Le succès est au rendez-vous, Brett Kull et ses acolytes remontent une fois de plus sur les planches. L’une de ces représentations publiques sera immortalisée sur un bootleg officiel, le double Jersey Tomato, sur lequel on retrouve Mei en version intégrale.

Les années 2002 et 2003 sont synonymes d’hyper-activité musicale pour les deux chanteurs d’Echolyn : tandis que Kull sort Orange-ish Blue dans un style pop-rock, Ray Weston se lance également dans une aventure en solo avec un This Is My Halo largement plus torturé. Un coffret intitulé A Little Nonsense: Now and Then retraçant le début de carrière d’Echolyn et agrémenté de quelques inédits et autres versions en concert voit le jour fin 2002. Les concerts se multiplient et l’un d’eux est enregistré, à domicile, en Pennsylvanie. Il donnera lieu au copieux double DVD Stars and Gardens Vol.4 sur lequel on retrouve entre autres l’intégralité de Mei et des tonnes de bonus retraçant l’histoire du groupe.

Echolyn poursuit sur sa lancée et enregistre The End Is Beautiful qui à son tour sera remarqué dès sa sortie. Fidèle à son habitude, le groupe se lance dans une folle entreprise : faire une tournée en Europe ! Le public du vieux continent peut enfin profiter à l’automne 2005 des performances scéniques des Américains ! Ces cinq années de marathon s’achèvent sur une pause bien méritée consacrée à divers projets (voir notre entrevue). Fin 2008, Brett Kull termine le remixage de Cowboy Poems Free et sort dans la foulée son second album solo The Last of the Curlews. Le nouvel album d’Echolyn est quant à lui déjà bien avancé…


Progressia : C’est un plaisir de pouvoir à nouveau discuter avec toi. Lors de notre dernier entretien, la tournée The End Is Beautiful venait de s’achever. Je suppose que de nombreuses choses se sont passées depuis, pour Echolyn et pour toi. Peux-tu nous faire un petit « résumé de la situation » ?
Brett Kull :
Nous avons fait une pause par rapport au groupe. Nous avions tous tellement d’autres choses à faire. Il est difficile de trouver du temps pour gérer ses affaires et encore moins pour jouer de la musique. J’avais un studio de production qui s’agrandissait et je devais trouver un lieu plus grand. Par chance, j’ai dégoté un lieu et j’ai passé du temps à déménager et à rendre le studio opérationnel. J’ai également passé du temps à écrire mon second album solo.

Tu nous avais également parlé d’un album en concert d’Echolyn enregistré aux Pays-Bas, à Hengalo. Est-ce encore à l’ordre du jour ?
C’est peut-être pour cette année. Je dispose maintenant de concerts enregistrés à Baltimore (2003), Bethlehem (2002), Hengalo (2005), et Los Angeles (2008). Nous ne savons pas encore très bien sous quelle forme les sortir.

A propos de concerts, tu as joué récemment avec Paul (Ramsey) aux côtés de Francis Dunnery (ex-It Bites) ? Comment as-tu eu cette opportunité ? Que retires-tu de cette expérience ?
Francis produisait un projet appelé The Syn. Il cherchait un studio et m’a appelé. Nous nous sommes de suite bien entendus. Le premier jour, nous avons fait les prises de batterie pour The Syn, Le batteur engagé pour l’occasion n’était pas capable de jouer la musique, j’ai donc proposé Paul qui lui a su faire le boulot. Il a sauvé la journée et a impressionné Francis. Lui et moi avons commencé à travailler sur d’autres projets qui l’ont finalement amené à constater que je jouais aussi de la guitare. C’est ainsi que Paul et moi nous sommes retrouvés à jouer dans son groupe. C’est un grand monsieur qui transpire la musique et l’énergie.

Echolyn a également joué au NEARfest et au CalProg. Êtes-vous satisfait de vos prestations ? Quelles sont les différences entre ces deux festivals ? Entre le public de la côte est et celui de la côte ouest ? Ces concerts ont-ils été enregistrés ou filmés pour un éventuel disque ou DVD ?
Les deux concerts ont été enregistrés. Le NEARfest est un peu plus théâtral, avec des éclairages de fous, des singes volants, des écrans géants, etc. Les gars qui gèrent ça sont très sympas et sont de grands fans de progressif. Je suis honoré de faire partie de cette famille. La présence du public est assez intense, comme dans la plupart des concerts de prog’. Ça pense, ça t’observe, ça t’évalue, mais tous ceux que j’ai rencontré ont été très gentils et je me sens privilégié de pouvoir bénéficier de cette attention. Au NEARfest, nous nous sentons comme chez nous, on commet donc quelques maladresses parfois. Le décor du Calprog est plus froid, plus centré sur la musique, sans tout le décorum. Le fondateur du festival est très sympa et je suis heureux d’être son ami. Les publics sont finalement très similaires. Nous sommes un groupe qui va au contact et qui donne tout. On s’est senti plus à l’aise au CalProg sans tout les éclairages et autres. Je préfère jouer dans un bar, tout près du public que loin du spectateur, on établit plus de liens. On aurait besoin d’un festival progressif dans une petite salle, sans tout le tintouin. De la fumée de cigarettes, à boire, une seule ampoule et c’est tout.

Cowboy Poems Free est un peu l’album de la renaissance après l’expérience Sony. Pourquoi as-tu voulu le remixer ? Penses-tu faire la même chose plus tard avec Suffocating the Bloom ?
Je trouvais que la musique était excellente et montrait de la maturité dans l’écriture. Mais le mixage ne me convenait plus. Je pense que mes compétences en tant qu’ingénieur du son ont considérablement augmenté durant les neuf années qui se sont écoulées depuis l’enregistrement de l’album. Le mixage est maintenant plus puissant et correspond davantage à ce qui est exprimé au travers de la musique. J’aimerais beaucoup faire la même chose avec Suffocating the Bloom, mais malheureusement le master en multipistes a été effacé. J’ai récupéré ce que j’avais coupé à l’époque, il faut donc que je m’y replonge, pour voir ce que je peux en faire. Ces enregistrements contiennent les pistes de base des morceaux, ce serait donc amusant de les entendre à nouveau.

Le nouvel album est déjà bien avancé si l’on en croit les news postées sur votre site. Une date de sortie est-elle déjà planifiée ? Quelles sont les nouvelles directions que vous allez emprunter sur ce disque ? Quelque chose de conceptuel comme Mei ou de plus direct comme The End is Beautiful ?
Il sera différent. Nous essayons de nouvelles choses. Nous détestons nous répéter. C’est notre approche de l’écriture et de l’enregistrement. La nouveauté inspire, c’est pour cela que c’est si long. A ce jour, nous disposons de sept bonnes idées mais nous en voulons davantage. Comme pour chaque album, nous sommes excités de la tournure que tout cela va prendre.

Envisagez-vous de revenir en Europe – et de venir en France,cette-fois ci ! – pour promouvoir votre prochain album ?
Je sais que tout le monde aimerait le refaire. Honte à nous d’avoir raté la France lors de notre dernière tournée. C’est un si beau pays. Cela figure désormais sur la liste des choses à faire. Il s’agit simplement de trouver le temps.

Tu viens de sortir ton second album solo, The Last of the Curlews, sur lequel tu fais quasiment tout. Tu y parles beaucoup d’amour et de nombreux thèmes sont assez nostalgiques. Cet album semble être très personnel. Quelles sont les différences entre The Last of the Curlews et ton premier disque, Orange-ish Blue ?
L’album est très riche et plein de profondeur. J’ai voulu y inclure de nombreuses textures mais également de la simplicité. Mélodie, mélodie, mélodie ! J’aime les chansons sans élément central. Explorer son subconscient est effrayant tout en restant pur. J’ai voulu faire cela au travers de chaque mot et de chaque note. Je veux parler d’amour. C’est un sujet usé jusqu’à la corde, qu’on a peur d’aborder et qui croule sous les clichés. Je ne pense pas que « nostalgie » soit le bon terme pour décrire ces chansons. Pour moi, cela a quelque chose d’intemporel. Les sujets sont universels mais également très personnels. Il y a des thèmes communs à notre condition humaine et je suis très heureux de la façon dont je les ai abordés. J’espère que les gens s’en apercevront.

Vous êtes toujours farouchement indépendants. Allez-vous poursuivre sur cette voie ou de signer sur un label pour ce nouveau disque ? Quelle est ta position sur le téléchargement illégal ? Penses-tu que cela ait affecté tes propres ventes ?
L’indépendance est toujours la meilleure solution ! Dans la musique actuelle, les artistes peuvent réaliser des choses étonnantes eux-mêmes. Je souhaite sincèrement que les maisons de disques s’effondrent et brûlent. Elles exhalent tellement de mauvais karma. L’industrie du disque a exploité et tiré profit des gens trop longtemps. Elle a jeté de si belles choses à terre. Cela implique que les artistes doivent œuvrer pour eux-mêmes, et je pense que c’est la meilleure des choses ! On se débarrassera ainsi de toutes les primas donnas, de ceux qui veulent devenir des rock stars. Je n’ai strictement rien à faire du téléchargement illégal. On appelle ça la publicité gratuite et si quelqu’un veut écouter l’un de mes chansons, j’en suis heureux. Je ne vis pas au-dessus de mes moyens comme tous ces crétins qui se plaignent d’être détroussés par le téléchargement illégal. Les gens peuvent acheter de la musique, payer pour me voir en concert ou acheter un tee-shirt. Ils peuvent payer pour avoir l’album comme je le fais moi-même avec la musique que j’aime. Il y a des tas de manières pour un artiste de gagner de l’argent. Si quelqu’un veut graver mon disque et le donner à quelqu’un, j’en suis honoré.

Outre Echolyn et ton album solo, as-tu actuellement d’autres projets parallèles ?
Je viens de finir de produire un groupe sympa appelé The Scenic Route. Paul et moi joueront quelques concerts avec Francis Dunnery et nous allons travailler sur un nouveau projet avec lui en février. Je viens de commencer à enseigner l’utilisation de Audio 101 dans deux universités, je suis donc officiellement professeur ! Qui l’eût cru ?

Encore un mot pour les lecteurs de Progressia ?
Merci ! Merci ! Merci ! Vive la France (NdlR : en français dans le texte) !


Le premier album en solo de Brett Kull se situe bien loin d’Echolyn sur l’échiquier des genres. Orange-ish Blue trouve son inspiration autant dans les années soixante que dans le rock américain ou la pop moderne. On pense souvent aux Beatles (« Kisses in the Sun », « Mister Greenlight », « Untitled #1 »), y compris parfois dans le chant. Les velléités folk de Kull dont on a pu entendre un aperçu sur le EP acoustique d’Echolyn …and Every Blossom peuvent également s’exprimer ici. Ailleurs, certains titres renvoient directement au rock anglo-saxon comme « 15 hours » ou « Come on Joe ». La guitare de Brett Kull est la reine du bal, sobrement accompagnée çà et là par les claviers de son ami Chris Buzby ou d’un trio à cordes (« All the Rage », « Sometimes Love Forgets »). Les trouvailles mélodiques, les petites enluminures d’arrière-plan et autres effets sont innombrables. Mais si Brett Kull a voulu donner une coloration surannée, parfois nostalgique à ses chansons, la production reste éminemment moderne, truffée de petits effets sonores. Orange-ish Blue reflète son auteur, bienveillant à l’égard du passé mais résolument ancré dans son époque.

Six ans plus tard, Brett Kull a accumulé une bien belle brassée de nouvelles chansons. Excepté Paul Ramsey qui tient toujours les baguettes, Kull ne s’est entouré cette fois-ci pour les enregistrer que de quelques voix. Musicalement, The Last of the Curlews reste dans le giron de Orange-ish Blue, sur un mode plus introspectif peut-être, plus mélancolique, plus calme. Centré comme son prédécesseur sur la mélodie, il dévoile les mêmes influences prégnantes. Les titres vont droit au but sans refuser toutefois quelques savants arrangements dont le compositeur/producteur a le secret. A la fois sobre (« Love is on the Discarded Street », « There Was a Place for Us »), tendu (« Acadia Gull »), enjoué (« Lullabies and Starlings », « If She Could Be Who She Wanted ») voire lyrique (Le final de « Hey Horizon » ou le crescendo de « Windows of Light »), ce disque se veut le révélateur des pensées de son créateur où l’amour tient une grande place. Kull parcourt ainsi les émotions humaines et tente de les rendre tangibles, de les verbaliser, simplement, sans fioritures, de sa voix chaleureuse pleine de conviction. Musicalement riche, sobre dans son interprétation, chargé de sens, The Last of the Curlews invite à s’arrêter quelques minutes pour prendre le temps de s’interroger. Sur soi, sur nous.

Jean-Philippe Haas

sites web :

http://www.echolyn.com

http://www.brettkull.com

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