Kalisia – Kalisia

Origine : France 
Style : death metal progressif 
Formé en : 1994 
Composition :
Brett Caldas-Lima – chant, guitares, programmation 
Loïc Tézénas – guitare 
Thibaud Gérard – basse 
Laurent Pouget – claviers 
Dernier album : Cybion (2009)

Progressia et Kalisia, c’est un peu une histoire d’amour d’adolescents qui ne s’est jamais réellement terminée. Pour notre premier numéro publié en 1998, le groupe arpentait déjà les colonnes du magazine, car en ce temps, Kalisia étincelait de milles feux depuis la sortie, trois ans auparavant, de la légendaire et remarquée démo Skies. Ils nous ont dit revenir bientôt, alors on a attendu leur retour, des mois, puis des années. La patience fut longue, intolérable, sans espoir. Dix ans passent lorsque lemaster chief du groupe nous fait parvenir un message : « on est toujours vivants et on arrive bientôt ». C’est finalement pour ce début d’année que l’arlésienne du metal français haut de gamme vient fleurir les bacs virtuels et physiques de nos revendeurs, faire taire les détracteurs et offrir du pain béni à leurs fans de la première heure.

Progressia : Quelle est la question que tu ne souhaites pas qu’on te pose ?
Brett Caldas-Lima :
Te connaissant, mon petit doigt me dit que tu vas me la poser si je te le dis, alors je préfère me taire…

Peux-tu rappeler à nos lecteurs les étapes essentielles du groupe ?
La formation du groupe remonte à 1994. Au bout d’un an, nous avons enregistré notre première démo cassette intituléeSkies qui a bénéficié d’excellents retours dans le milieu underground. Adipocere Records s’est alors intéressé à nous et a réédité Skies en CD et en édition limitée à mille cinq cents exemplaires rapidement épuisée. Nous avons alors commencé à travailler sur notre premier véritable album et, aspirés dans un élan de mégalomanie et de prétention démesurée (rires) nous avons voulu faire les choses en très grand et avons donc passé plus de dix ans à travailler sur Cybion qui vient enfin de sortir, dans la foulée des retours de Cynic et Guns N’ Roses (rires).

Si tu dois en une phrase ou en un mot synthétiser Cybion dans sa globalité…
Difficile à dire… Je reprendrais le terme que je vois le plus souvent chez ceux qui l’ont déjà écouté : phénoménal. Pas forcément dans le sens « Oui c’est super bien, ça tue des huîtres » mais bien plus pour le côté unique, étonnant. Un ovni qui ne ressemble à personne d’autre qu’à nous.

Quel a été le plus dur et le plus long entre la conception de l’histoire, la composition et la production ? (NdlR : le mauvais jeu de mots reste à l’appréciation du lecteur bien entendu)
Tout a été très difficile, bien que la production ait été la plus compliquée pour moi, car nous avons accumulé les galères et les malédictions. Nous avons débuté l’enregistrement de la batterie en 2003 et les dernières pistes ont été mises en boîte en 2007 je crois. Le mixage a également été un véritable cauchemar avec ces dizaines de couches, voire des centaines par endroits, et la complexité du projet. Les moyens techniques qui étaient les miens à cette époque n’étaient vraiment pas suffisants et c’était vraiment hyper frustrant.

Justement, ne penses-tu pas que le son dans son intégralité paraît en deçà des oeuvres actuelles ?
Honnêtement non et je suis étonné par ta remarque. Si je devais remixerCybion aujourd’hui, il serait probablement très différent, mais je ne trouve vraiment pas qu’il ait à rougir face aux gros groupes. Il nous a fallu trouver le point d’équilibre entre puissance et clarté, et c’est le cas à mon sens : on entend toujours tout ce que l’on souhaitait rendre audibles, sans avoir un petit son tout faiblard. Evidemment, si nous disposions de plusieurs dizaines de milliers d’euros, nous irions voir Andy Sneap ou quelqu’un de ce niveau qui ferait un excellent travail, mais cela serait bien difficile pour eux aussi vu, une fois de plus, la complexité du projet. De plus, je n’ai pas cherché au mastering à obtenir le volume le plus fort possible comme c’est la mode actuellement. D’une car je trouve que c’est absolument idiot et même criminel dans certains cas – qui a dit Death Magnetic ??? –, et de deux, se taper une heure onze de musique à fond les ballons sans respiration est infernal et désagréable et rendrait l’assimilation de l’album encore plus difficile.

Avec le recul, ne penses-tu pas que vous auriez dû utiliser Skies afin d’y ajouter quelques titres et surfer sur votre vague de popularité au milieu des années quatre-vingt-dix ?
Je ne me pose pas la question. Ce qui est fait est fait. Les premiers retours sur Cybionsemblent nous donner raison, espérons que ça continue ainsi…

Penses-tu qu’il y a eu une forme de gâchis pour Kalisia ou était-ce nécessaire pour que Cybion voit le jour, d’un point de vue de la démarche artistique (ou pas d’ailleurs) ?
Il y a forcément eu une forme de gâchis vu que la musique est prête depuis très longtemps. L’album aurait dû sortir en 2003 initialement…

Tu as du maintes fois avoir envie de tout foutre en l’air. Qu’est-ce qui t’a permis de tenir ?
Je l’ignore. Dans tous les cas, passé un certain stade, il n’était plus question d’abandonner car nous avions vraiment avancé et baisser les bras si près du but aurait été stupide. Pas de « tout ça pour rien ». D’autant que cet album est apparemment amené à devenir culte – définition de culte : « que personne n’achète mais qu’il est de bon ton d’aimer »). C’était déjà le cas avant sa sortie et ça semble se confirmer, alors ça aurait été dommage. Là, pour le coup, ça aurait été du gâchis effectivement.

Tu es à présent ingénieur du son, ce qui te permet de rencontrer tout un tas de gens. Est-ce que tu penses que c’est ta formation à ce métier et ton caractère perfectionniste qui explique la décennie requise pour réaliser ce disque ? Est-ce par ce biais que tu as rencontré les invités de l’album ?
Je ne suis devenu ingénieur du son suite à la décision de produire nous-mêmes Cybion. C’est ce qui explique la décennie requise pour réaliser ce disque, l’ampleur du projet, bien au delà de nos compétences, les multiples galères que nous avons connus, le manque de soutien et les aléas de la vie : quand on fait des études, ou qu’ensuite on a un travail, il est difficile de dégager du temps libre et de l’énergie. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’ai quitté mon emploi pour venir au bout du projet. Il fallait s’y consacrer à cent pour cent, sans quoi, il n’aurait jamais vu le jour. Certains des invités de l’album ont effectivement été rencontrés de par mon activité de producteur, d’autres sont des copains de longue date.

Peux-tu nous parler des contributions de chaque invité ?
Arjen Lucassen (Ayreon) est le seul invité à se produire vraiment sur Cybion, les autres apparaissent sur le disque bonus. J’adore Arjen, autant le musicien que le personnage avec lequel nous correspondons par email depuis des années. Je trouvais amusant de reproduire à l’envers sa façon de travailler, à savoir demander à des chanteurs de poser leurs voix sur la musique. Sur la reprise de Cynic, qui est la première que Paul Masvidal et Sean Reinert entendent de leur vie, je voulais initialement retrouver Dana Cosley, la fille qui chantait avec eux sur scène, malheureusement, personne ne sait ce qu’elle est devenue hélas. J’ai gardé l’idée d’une fille aux growls et j’ai alors proposé, sans trop y croire, à Angela Gossow d’Arch Enemy, et à ma grande surprise, elle m’a répondu positivement dans les heures qui ont suivi. C’est Christophe Godin (Mörglbl) que je connais également depuis quelques années qui se charge du premier et dernier solo sur ce morceau. C’est un guitariste incroyable, un des plus impressionnant  que je connaisse, doublé d’un mec super sympa et très rigolo. 

A propos de la reprise de Dream Theater, je souhaitais une voix à la Russell Allen de Symphony X, Ronnie James Dio, ou encore David Coverdale… Un mec qui en a quoi. Malheureusement, impossible de rentrer en contact avec ces personnes. J’ai donc cherché sur MySpace et suis tombé sur David Scott McBee qui, non seulement ressemble physiquement à Russell, mais également vocalement. Il a tout de suite été très emballé par l’idée et a vraiment été super cool. J’ai proposé le premier solo de ce morceau à Tom MacLean de To-Mera, groupe dont j’ai produit la démo et les deux albums, car il adore également Dream Theater, qu’il jouait dans un groupe de reprises de Dream Theater et que c’est un super guitariste. Le solo de fin devait être joué par Patrick Rondat qui m’a finalement fait faux bond. C’est dommage car la première fois que j’ai entendu ce groupe, c’était avec ce morceau et le solo m’avait alors fait énormément penser à lui. C’est finalement Charly de Venturia qui s’en est chargé. C’est également un grand fan de John Petrucci et je le savais techniquement tout à fait apte à la tâche. On se connaît depuis plus de dix ans, il habite Montpellier tout comme moi. 

La reprise d’Emperor ne comporte qu’un invité, Sonm du groupe russe Forest Stream dont je mixe l’album en ce moment et avec lequel nous sommes en contact depuis un long moment. Ils adorent Emperor et ont même donné un concert uniquement constitué de reprises de ce groupe. A l’origine, Sorceron d’Abigail Williams devait chanter sur ce titre, mais lui aussi m’a fait faux bond à la dernière minute. Ce dont des choses qui arrivent…

Enfin, sur la reprise de Loudblast, je voulais que Ludo de S.U.P apparaisse car ces deux groupes ont toujours été très liés dans mon esprit, car tous deux originaires de Lille, l’âge d’or du death metal français ! Pour le solo, qui n’existe par ailleurs pas vraiment sur la version originale, j’ai demandé à Paul Masvidal (Cynic, ex-Death) avec qui j’ai tourné en tant qu’ingénieur du son et chanteur invité. Le solo qu’il m’a envoyé me met encore sur le cul à chaque fois. Il a vraiment un style qui lui est propre et j’adore son jeu. Bref, personne n’a été chiant ni réticent. Ceux qui l’ont été ne sont pas sur l’album…

Comment as-tu procédé pour ces reprises de titres aussi complexes ?
Crois-moi, ils n’ont rien de complexe comparés au mixage de Cybion. Depuis ce disque, tout me parait presque trop simple (rires).

Qui interprête le solo final sur votre reprise du titre de Cynic « How Could I » ?
J’ai enregistré celui de Jason Gobel. Celui qui intervient ensuite en fade out, c’est Christophe Godin qui s’est amusé en improvisation. Je lui ai donné la suite d’accords, et on a fait trois prises où il a improvisé. A partir de là, j’ai essayé d’en faire un solo cohérent. C’était hallucinant de le voir jouer comme ça. J’aurais vraiment dû filmer car ça n’en a pas l’air mais certains plans sont proprement hallucinants, surtout pour de l’improvisation, comme ça, à la volée !

Quelle anecdote savoureuse aurais-tu à nous faire partager ?
J’ai initialement proposé le chant de la reprise de Dream Theater à quelqu’un dont je tairais le nom. Il habitait à quelques dizaines de mètres de chez moi, chantait dans un groupe de metal prog français qu’il a quitté depuis. Je lui avais donc envoyé un email et la réponse que j’ai reçu est venue du manager du groupe qui me demandait quelles étaient les conditions financières de l’opération. De la part de quelqu’un que j’ai soutenu quand sa copine l’a trompé devant tout le monde lors d’un concert, j’ai trouvais ça assez malvenu…

Comment as-tu réalisé ce travail de dépoussiérage sur les plages de Skies présentes sur le disque bonus ?
Quand nous avons enregistré les pistes de batterie de Cybion dans le même studio où nous avions enregistré Skies, nous en avons profité pour venir avec les bandes originales et les avons transféré sur mon ordinateur. Nous n’avons rien ré-enregistré, j’ai juste remixé. Il n’était pas question de cacher des imperfections qui étaient de toute façon déjà connues de tous, ni de dénaturer l’esprit de la démo. Juste comme tu dis, un « dépoussiérage » bienvenu, surtout que Skies n’est plus disponible depuis bien longtemps, ou alors sur eBay où elle s’est vendue à plus de cent euros.

Finalement, comment en êtes-vous arrivés à ne plus chercher de labels et à vous autoproduire de A à Z ?
Il était hors de question de sortir une version au rabais, surtout avec les attentes que suscitait cet album. Nous tenions vraiment à éditer notre digipak double CD. Financièrement parlant, ce n’était pas intéressant pour un label : la prise de risque était trop grosse pour le premier album d’un groupe inconnu. C’était donc ça ou rien. On perd de l’argent mais c’est notre bébé.

Un morceau de soixante-et-onze minutes sur scène représente un sacré challenge. A propos de concerts, doit-on s’attendre à d’éventuelles dates ou n’est-ce qu’un rêve plein d’espoir ?
Nous espérons vraiment pouvoir en donner. Nous sommes toujours à la recherche d’un batteur (NdlR : Laurent Bendahan ayant quitté le groupe depuis plusieurs mois), et interpréter Cybion en intégralité demande un investissement financier de notre part que nous ne pouvons pas fournir actuellement, pas après avoir encore sorti une somme énorme pour le pressage des disques. De toute façon, pour pouvoir le jouer sur scène en entier, il nous faudrait être tête d’affiche, et ce n’est pas pour demain…

Quel est le sentiment qui t’habite à présent que Cybion est sorti ?
La fatigue.

Après tous ces efforts et ce temps passés à l’élaboration de ce premier album, Kalisia reste-t-il un groupe à part entière ou envisages-tu d’en finir ? Cybion pourrait-il être le chant du cygne ?
Je n’en sais strictement rien et je ne veux même pas me poser la question. Mais c’est sûrement en écho à la réponse à ta question précédente. On verra dans quelques mois…

Un dernier mot pour les lecteurs ?
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