– Montreux Prog Nights 2008

FESTIVAL : MONTREUX PROG NIGHTS 2008

 

Artistes : Equus + ELP Tribute Project
Lieu : NED Club, Montreux (Suisse)
Date : 21 novembre 2008
Photos : Claude Wacker (http://www.docker.ch/)

Pour leur troisième édition, les Montreux Prog Nights restent le seul festival catalogué progressif en Suisse, suite à la défection (temporaire ?) du Progsol. Les organisateurs ont pris un risque certain en misant sur des cover-bands comme tête d’affiche : ELP Tribute Project, le vendredi, et The Hump, tribute band du groupe Camel, le samedi (auquel nous n’avons malheureusement pas pu assister). Toutefois, les Montreux Prog Nights n’ont pas réussi à rééditer leur indéniable succès d’Atom Heart Mother de décembre 2007. Néanmoins, le festival a couronné une année haute en couleur pour l’association des Montreux Prog Nights avec The Watch, Real et les Gens de la Lune en mai puis Fish et Nemo en octobre.

Equus

Setlist : Hyracotherium – Orrorin Tugenensis

Equus a l’honneur d’ouvrir les feux du festival. Les Genevois commencent à se faire un nom avec leur excellent album Eutheria, d’obédience post / prog rock planante et dépressive à tendance (parfois) hardcore. Leur set de cinquante minutes est composé des deux premiers morceaux du disque, identiques donc à leur concert d’avril, chroniqué dans nos colonnes. Aura-t-on affaire à un bis repetita ce qui serait somme toute un brin décevant ? Que nenni ! Le personnel a beaucoup changé, Vincent Hänggi a remplacé Bernard Widmer à la batterie tandis qu’un nouveau venu, Vincent Devaux, étoffe le son du groupe aux claviers. Celui-ci n’est pas un inconnu des aficionados de la scène post hardcore puisqu’il sévit comme bassiste des groupes jurassiens Forceed et Shelving, dont le second album doit être sur le point de sortir, si ce n’est déjà fait ! Que de changements par rapport à avril !

L’impact d’un claviériste – même si celui-ci est bassiste à l’origine– sur le son d’Equus est indéniable et permet à sa musique d’atteindre une ampleur inégalée. On regrettait en avril que seul David Mamie, le bassiste, assurait quelques parties de claviers samplées aux pédales avec pour résultat un son fluet loin de la majesté de l’album. C’est maintenant du passé ! La puissance dégagée par Equus est excitante entre un Pink Floyd période 1969 et du krautrock dépressif, les ambiances sont magnifiées grâce ces sonorités morbides et dantesques de mellotron (en samples). Au total, le public a assisté à un concert extatique, très fort (trop diront certains) d’un rock instrumental très travaillé et qui atteint là sa pleine maturité. On attend la suite avec impatience !

ELP Tribute Project

Setlist : The Barbarian – Knife Edge – Take a Pebble – Hang on to a Dream – Hoedown – I Talk to the Wind – Tarkus – From the Beginning – Trilogy – Karn Evil 9 (1st Impression / 2nd Impression) – The Endless Enigma (Part I / Fugue / Part II) – Tank + Drum Solo – Jerusalem – In the Court of the Crimson King – Lucky Man

ELP Tribute Project se forme en mai 2006, lorsque Mauro Aimetti (basse, chant) rencontre Fabio Mancini (Hammond, Moog, claviers) et Marco Fabbri (batterie et percussions) lors d’une jam session. Ce projet a même eu les honneurs de la télévision publique italienne en 2007. Tous diplômés du conservatoire, il n’est pas étonnant de voir ces musiciens reprendre les pièces parmi les plus complexes du répertoire progressif, à savoir la musique d’Emerson Lake & Palmer, un peu comme si on allait écouter un concert de musique classique. A la place des cordes ou du basson, il y a tout le tintouin de la glorieuse époque : orgue Hammond, Lesley, Mini Moog, Fender Jazz basse, basse Gibson, guitare acoustique douze cordes Guild, batterie Gretsch, cloches et gongs chinois. On l’aura compris, on a affaire à la crème des progueux ritals en cette soirée de l’an de grâce 2008.

Tout commence très fort avec un «  The Barbarian » de haute volée superbement réussi ! D’ailleurs, ce seront les morceaux du premier album de ELP, celui qui a le mieux vieilli, qui feront le plus mouche. Les musiciens sont au top évidement bien que la voix de Mauro ne possède pas la qualité d’un Greg Lake, qui reste l’une des grandes voix des seventies. Ils s’amusent entre chaque morceau, leur bonne humeur est communicative. On prend notre pied sur « Knife Edge », on reste pantois sur « Tarkus » malgré les parties acoustiques ratées et « Karn Evil 9 » mais on restera de marbre sur « The Endless Enigma » et on s’ennuiera ferme sur les reprises de King Crimson, en particulier, « I Talk to the Wind » joué basse solo et vocaux par un Mauro pas très inspirant sur le coup (et pourtant dédicacé à son père gravement malade). Au total, deux heures et demies de concert comme si on y était, en 1974, au moment de la sortie d’un des albums live les plus massifs et indigestes de l’histoire du rock, Welcome Back My Friends to the Show That Never Ends. Le fan a sans doute apprécié et surtout remerciera ELP Tribute de remettre au goût du jour un groupe qualifié souvent de boursouflure musicale et dont les albums sont considérés comme ayant très mal vieilli. Le critique musical, quant à lui, est impressionné par les qualités techniques des musiciens, le rappel à son bon souvenir de quelques morceaux incroyables qui, malgré tout, ont marqué les esprits, mais il sera plus circonspect quant à la raison de tous ces tribute bands qui fleurissent actuellement, et pas seulement en rock progressif.

Sur notre forum, Julien Vuataz, l’organisateur et mentor des Montreux Prog Nights se désespérait du public pour le moins clairsemé et se demandait si cela valait encore la peine d’organiser ce genre de concert. On peut avec lui se poser la question, ceci d’autant plus qu’aucun autre festival progressif stricto sensu n’était organisé cette année en Suisse. Pourtant Montreux n’est pas le bout du monde ! Le fait de miser sur des tribute bands comme tête d’affiche n’a-t-il pas desservi les organisateurs ? C’est possible mais il est surtout fort dommage qu’une programmation aussi variée (et c’est tout à l’honneur des Montreux Prog Nights !) ne récolte qu’un piètre succès populaire. Que l’on ne vienne pas se plaindre ensuite qu’il y ait de moins en moins de concerts de musique aventureuse organisés.

Jean-Daniel Kleisl

site web : http://www.montreux-prog.net/

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