Anathema – Anathema

ENTRETIEN : ANATHEMA

 

Origine : Angleterre
Style : rock atmosphérique
Formé en : 1990
Composition :
Vincent Cavanagh – chant et guitare
Danny Cavanagh – guitare, chant et claviers
Jamie Cavanagh – basse
Lee Douglas – voix
John Douglas – batterie
Les Smith – claviers
Dernier album : Hindsight (2008)

Si Anathema devait prochainement faire une belle blague, ce serait changer de nom pour s’appeler… Désiré, le nouvel album studio de la famille Cavanagh n’en finissant plus de se faire attendre. Avant de sortir leur nouvel album studio, les Britanniques nous présentent Hindsight, histoire de contenter les plus impatients des fans de la formation anglaise. Vincent Cavanagh nous en a dit plus sur ce disque acoustique aux forts relents d’intimité… 

Progressia : Vincent, ça fait un moment qu’on ne t’a pas vu à Paris…
Vincent Cavanagh
: Vous serez surpris d’apprendre que j’y vis désormais depuis juin dernier, pas très loin de là où nous nous trouvons actuellement, plus exactement dans le XVIIème arrondissement. J’ai emménagé dans un quartier vivant. Vous le savez j’ai cette fâcheuse tendance à souvent faire la fête. Je m’attendais à ce que cela pose problème pour le voisinage mais je me suis rapidement rendu compte qu’une petite note dans l’ascenseur expliquant qu’une soirée se tenait dans l’immeuble faisait largement l’affaire (rires).

Rentrons dans le vif du sujet : nous savons que vous êtes friands de musique acoustique et que vos compositions se prêtent très bien à cet exercice. De plus il semblerait que votre noyau de fans les plus fidèles ait attendu cela pendant longtemps et que vous ayez enfin décidé d’exaucer son vœu ?
Effectivement. Cette idée était dans les cartons depuis environ une dizaine d’années à l’époque d’Alternative 4… à bien y réfléchir peut-être qu’elle est encore plus ancienne. Bien entendu, la raison première est que nous avons toujours composé avec des guitares acoustiques. Nous en sommes arrivés à nous dire que ce serait une bonne idée de réaliser un tel projet. Après A Natural Disaster, Danny et moi-même avons tourné en acoustique et avons ainsi développé encore un peu plus l’idée de ce qui allait devenir Hindsight. Nous avons par la suite fait la connaissance de Dave, le violoncelliste qui nous a accompagné sur la tournée et officie sur l’album, et nous sommes allés plus loin dans le développement du concept. Nous disposions de ces chansons marquées d’un esprit neuf, et sommes rentrés en studio immédiatement. En plus de cela, nous avons trouvé que ce lifting effectué sur certains titres de notre répertoire se trouvait être le mélange parfait, selon moi, entre A Natural Disaster et notre prochain album studio électrique.

C’est assez rafraîchissant de revisiter ainsi son matériel.
Certes, mais tu as tellement de manières de le faire : une version avec un grand orchestre, ou seulement avec des cordes par exemple. A l’inverse, une version plus minimaliste – piano / voix – peut fonctionner très bien aussi. Nous aurions pu piocher dans ces possibilités, mais notre démarche a été de les combiner toutes afin d’offrir un panel plus large, tout en simplifiant l’approche musicale.

Quelle a été la période la plus ardue de la conception de ce disque ? Le choix des titres ? L’enregistrement ?
(Réfléchissant) A bien y réfléchir, ces étapes n’ont pas constitué de réels difficultés pour nous. Je dirais … (Réfléchissant de nouveau) Non, vraiment, je ne voix pas d’obstacles. Même les arrangements écrits pour Dave et composés pour lui exclusivement se sont faits simplement. Je prends pour exemple les parties de violoncelle composées « Leave No Trace ». Dave ne les avait jamais entendues. Au bout d’une heure et demie il nous a dit : « OK les gars, je suis prêt », et il a tout bouclé en deux temps-trois mouvements, c’était parfait. Nous sommes tombés sur une perle.

Peut-on dire que cet album acoustique « éclaircit » un peu plus votre musique, qui jusqu’à présent baignait dans des ambiances sombres et lourdes à la fois ?
Tout à fait. C’est une nouvelle exposition de notre musique au monde, notre répertoire présenté sous un jour différent. Replaçons-nous dans le contexte, certaines chansons ont été écrites lors de moments très durs pour nous, que ce soit au sein du groupe ou plus personnellement en tant qu’être humains. Pouvoir présenter ainsi ces titres sur lesquels nous avons sué, c’est cathartique. Est-ce une forme de thérapie ? Honnêtement je ne peux répondre, je n’ai pas la prétention de dire qu’avoir fait ce disque a eu un quelconque effet thérapeutique. Pour aller plus loin je dirais que tous ces enregistrements en studio n’ont pas été réalisés avec toute notre énergie. Toute l’énergie d’Anathema, c’est sur scène que tu peux la voir. Tous nos titres ont bien plus d’impact en concert, ils sont bien meilleurs en tous points.

Doit-on comprendre que vous n’avez aucun regret en regard du chemin que vous avez accompli jusqu’à présent ?
Il n’y a pas de malentendu, nous sommes absolument fiers de tout ce que nous avons fait, nous n’avons absolument pas de regrets. Pourquoi vivre avec des regrets ? Tu es ainsi aujourd’hui parce que tu l’es devenu. Soit tu fais les mêmes erreurs, soit tu prends une bonne décision. Tout dépend de toi, il n’y ni futur ni passé, tout ce qui compte c’est le moment présent. Peu importe hier, c’est aujourd’hui qui compte et peu importe ce qu’il se passera demain.

Tu soulèves là une intéressante contradiction : quand tu écris, c’est pour parler, la plupart du temps, d’un fait antérieur. C’est une forme de cure.
Certes, mais là il s’agit d’un cas de figure totalement différent. J’aime me détacher de ce que je vis, de mes émotions et ainsi voir les choses telles qu’elles sont réellement, au risque de me prendre un peu trop de distance parfois. Je suis ravi de voir que depuis notre dernier album chacun a évolué, en particulier Danny. Il a vraiment changé, pour ne pas dire qu’il s’est transformé. Ça n’est plus le même homme. Je suis tellement heureux aujourd’hui de le voir ainsi épanoui. Il est bien dans ses baskets, j’en suis content pour lui, surtout quand on connaît les antécédents concernant nos relations. D’ailleurs tout le monde en France connait l’histoire de ce « conflit » entre nous. Je suis très surpris de voir que certaines personnes étaient très bien renseignées. C’était à l’époque de A Fine Day To Exit, je ne vais pas le cacher : à cette période, c’était vraiment l’enfer au sein du groupe et on a vidé chacun notre sac. Depuis, nos rapports et nos vies ont changé, chacun a gagné le respect de l’autre. Après la tournée de promotion de A Natural Disaster, nous avons tourné ensemble en acoustique. Je ne pensais que cela puisse se produire. Comme je disais, ce n’est plus le même homme, il va de mieux en mieux et je ne pense pas y être étranger. Nous sommes arrivés au point où, au moment d’enregistrer cet album, je peux dire que je suis heureux et fier d’avoir contribué à avoir fait de lui ce qu’il est devenu. Bien sûr j’aurais préféré que tout ceci se fasse sans heurts, mais si c’est ce qu’il fallait pour en arriver là, c’est ainsi. Je suis également fier de pouvoir dire qu’aujourd’hui, Anathema est indépendant et autonome. Ça a pris plus de temps que prévu pour des questions d’argent mais nous sommes maintenant bien équipés : nous avons collecté du matériel d’enregistrement, disposons aujourd’hui de notre studio, de nouvelles chansons qui sont excellentes, pour résumer : nous sommes prêts.

Parlons justement de ces nouveaux titres. Lors de notre entretien avec Danny l’an dernier, il était question d’un double album.
C’est du Danny pur jus. Il aime parler et tenir les gens au courant de l’humeur du moment. Pour ma part j’ai appris à être plus prudent car toutes nos idées sont sujettes à changement. Pour ce qui est du double album, nous avions tellement d’idées et de chansons qu’on s’est retrouvé avec de quoi sortir deux disques. In fine, nous nous sommes ravisés, sortir un seul disque demande d’une part beaucoup de travail pour nous et d’autre part, pour l’auditeur un double album nécessite plus de temps pour être apprécié pleinement. Concernant les enregistrements, nous venons de finir la batterie. Nous partons prochainement en tournée, mais allons faire en sorte, après avoir peaufiné quelques arrangements, que chacun puisse enregistrer quand bon lui semble pendant notre temps passé sur la route. Une fois notre voyage terminé, nous nous occuperons du chant et des guitares. J’aime la manière dont nous avons évolué en tant que compositeurs et plus encore, celle dont nous structurons les titres ; aujourd’hui et depuis deux ans, je peux faire des démos tout seul et ca sonne très bien. J’aurais voulu vous faire écouter quelques bouts de morceaux… attendez j’ai ça sur mon téléphone (NdlR : Vincent sort, tout excité, son téléphone portable et nous joue un hypothétique futur titre du prochain album). Gardez à l’esprit que ce n’est qu’une démo mais je suis persuadé que nous allons franchir un palier supplémentaire vers la reconnaissance.

Où en est le groupe concernant ses recherches de maisons de disques ? Ça reste un problème épineux pour vous.
C’est un problème effectivement, une lame à double tranchant. Tout en démarchant les labels, nous tenons à notre indépendance. Nous ne signerons pas de contrat avant d’avoir enregistré l’album, notre musique nous appartient. Nous arriverons dans les bureaux avec notre disque sous le bras. Nous avons des contacts qui n’attendent qu’une chose : entendre notre prochain album, bien entendu ! Cependant rien ne sera signé avant l’enregistrement.

A t’entendre, on sent beaucoup d’enthousiasme et de confiance
Bien sur que je suis confiant ! Tu veux savoir pourquoi ? Ecoute ça ! (rires) (NdlR : Vincent nous tend à nouveau son téléphone avec un nouveau titre). Nous avons toujours pensé ainsi : un album après l’autre, ce qui est fait est fait, pas le temps de gamberger. Ces nouvelles chansons sont vraiment… intenses, je ne peux pas réellement décrire ce que je ressens, c’est bizarre, mais tout ce que je peux dire c’est que ça va être extraordinaire !

Je serais tenté de dire à l’écoute de ce titre, que le terme « intense » colle bien, on a vraiment l’impression que vous vous êtes réellement plongés corps et âme dans ce nouveau disque. Ce sentiment est bien plus perceptible que sur vos anciennes productions.
Tu n’as pas idée comme nous crevons d’impatience de pouvoir jouer ces nouveaux titres en concert. Ce sera une gifle monumentale, d’abord pour nous, ça nous démange au plus haut point, et ensuite pour notre public !

Selon toi, ce prochain disque est-il celui de la maturité ?
Il y a quelques années je t’aurais probablement répondu par la négative car nous sentions qu’il nous manquait le petit truc en plus qui permet de faire un bon disque. Aujourd’hui je peux affirmer : sans aucun doute. Nous avons atteint le même niveau que des groupes de la stature de Radiohead et compagnie. Je n’ai pas peur de le dire je suis confiant et heureux.

On sent que tu meurs d’impatience, ne serait-ce que d’avoir le disque dans tes mains. Nous nous sommes rencontrés plusieurs fois, et tu n’étais pas réellement dans le même état d’esprit. Tu étais certes confiant mais pas à un tel point !
C’est bien plus profond que ça. Au cours de la dernière année, ma vie a complètement changé, surtout au niveau psychologique. Désormais je suis plus en paix avec moi-même, bien que je sois là, excité comme une puce à vous parler de notre prochain disque (rires). Ces changements étaient nécessaires et depuis tout coule de source. Que dire de plus ?

En un an ton approche de la vie a donc changé du tout au tout…
Ca ne s’est pas fait en un an mais en une semaine ! Des changements majeurs sont survenus, j’ai vraiment fait le ménage dans ma vie. Une page est tournée, j’ai rencontré de nouvelles personnes. Tout ça pour dire quoi ? Que tu penses que tu sais tout, que tu as tout vu et qu’en réalité, la finalité est de se remettre en question. Moi le premier, je m’y refusais. Pire, je ne m’en sentais pas capable. Depuis, je suis en mode No Souci, comprenez par là que toutes les pensées ou faits négatifs qui peut survenir au cours d’une journée ne m’atteignent pas. J’ai d’autres choses à faire que de dépenser mon argent chez un psy ou je ne sais quoi du genre. Pour moi les gens qui pensent que je devrais aller voir untel parce que je bois trop etc… c’est du flan !

Quand verra t-on Anathema sur scène ? Y a-t-il des dates de prévues ?
(s’exprimant en français) Absolument. Nous partirons en tournée pour six semaines. Nous jouerons à Lyon et Lille début novembre et nous embarquerons Demians avec nous pour cette occasion.

Maintenant que tu es parisien, le fan de football qui sommeille en toi se rendra-t-il prochainement au plus beau stade de France à savoir le Parc des Princes ?
C’est effectivement dans mes projets mais en queue de ma liste de priorités ! Cependant, je garde ça présent à l’esprit.

Propos recueillis par Dan Tordjman et Antoine Pinaud
Photos par Fabrice Journo

site web : http://www.anathema.ws/

retour au sommaire