Origine : France
Style : death metal basque
Formé en : 1996
Composition :
Joseph Duplantier – chant et guitare
Christian Andreu – guitare
Jean-Michel Labadie – basse
Mario Duplantier – batterie
Dernier album : The Way of All Flesh (2008)

C’est un peu le Simba qui grandit pour devenir un noble et fier lion, roi des animaux et de toutes choses. Avec abnégation, les Ondrais sont devenus en un temps record l’effigie du rock français à travers le monde, les ambassadeurs de la révolution metal dont même Mike Portnoy de Dream Theater serait fondu, allant se déplacer à Londres pour les voir sur scène ! Rencontre montmartroise avec tous les membres du groupe qui derrière la modestie de chacun cache un talent avoué et un succès mérité. Un nouveau cycle commence et la mort leur va si bien.

Progressia : Comment définiriez-vous la musique de Gojira ?
Joseph Duplantier
: Tous les ingrédients sont réunis pour définir notre musique de metal. Nous sommes imprégnés d’un grand nombre de genres musicaux et de sonorités qui font notre idendité.

Pensez-vous que l’aspect technique que vous employez vous permet de vous affranchir de la masse ?
Mario Duplantier
: La technique n’est pas une fin en soi, elle reste camouflée et nous garantit une cohésion dans notre écriture. On s’en est d’abord servi comme d’un outil pour sublimer notre art. Ensuite, nous avons pu élaborer plus naturellement une touche organique et expérimentale, en jouant sur les intensités et le caractère propre de notre musique, afin de développer davantage l’émotion. Peut-être cette recherche de la perfection dans la mise en place des instruments renforce-t-il l’aspect spectaculaire de Gojira ?

La musique progressive dans son ensemble vous parle-t-elle ? Où vous situez-vous dans ce carrefour des genres où l’évolution est un passeport nécessaire vers l’authenticité ?
Joe
: La portée musicale des années soixante-dix avec des formations telles que Led Zeppelin, Pink Floyd et Deep Purple, s’est largement exprimée à travers les groupes qui nous influencent, à l’instar de Metallica lors de la période de Master of Puppets et And Justice for All. Nous y sommes donc affiliés indirectement. 

Il est évident que vous ne suivez pas une structure définie et que les plans sont fouillés et prennent souvent à contre-pied…
Joe
: Je m’interrogeais justement sur la signification du terme « progressif » et vous devez avoir réfléchi à la question…

En dix ans, certainement… (rires)
Joe
: Il semblerait effectivement que nous envisagions la structure d’un morceau en éclatant le schéma standard du « couplet / refrain / break ». C’est d’autant plus illustré par notre méthode de travail du fait qu’il n’est parfois pas possible de distinguer précisément telle ou telle partie pour en proposer une suite (rires). Il n’existe qu’un morceau sur douze sur le nouvel album dans lequel on peut en identifier une structure plus conventionnelle.
Mario : Il existe également un aspect cyclique prononcé chez Gojira. A titre personnel, je suis un grand amateur de musique indienne et cela doit transpirer également dans notre écriture. Sur scène, nous prenons souvent le parti de répéter une structure, de la faire monter en intensité tout y apportant une touche différente afin d’enrichir cette pression que nous exerçons. 

Comme un étouffement qui en devinerait enivrant ? 
Mario
: Parfaitement car nous pouvons déployer un contraste entre le côté chirurgical et les ambiances plus abstraites que nous jouons sur des durées qui peuvent aller jusqu’à une quinzaine de minutes.

En parlant de montée en puissance, comment vivez-vous ce succès si fulgurant ?
Joe
: Très bien ! (rires) C’est gratifiant et ça fait plaisir, ça résulte sûrement du fait qu’on a le nez dans le guidon constamment. Nous travaillons assidûment, et de temps en temps, quand on relève la tête, il est parfois difficile de prendre du recul et d’analyser les choses froidement. Cette image de porte-drapeau qu’on nous colle souvent nous dépasse un peu, même si nous participons à proposer une image un peu moins négative du metal français. Nous sommes conscients d’être arrivé au bon endroit, au bon moment.

Pensez-vous qu’Internet a favorisé cet élan ?
Mario
: Cela y a vraisemblablement contribué mais le fait est que nous sommes très bien entourés, de par notre label et notre management. Nous avons pu ouvrir pour des groupes sur une centaine de dates aux Etats-Unis, c’est donc en particulier par les concerts que nous nous sommes faits connaître. On s’est complètement donné sur chaque date et cela à contribué à nous faire respecter du public.

Vous avez du fournir un effort considérable pour passer de quelques dates en France à une tournée sur le continent nord-américain ?
Mario
: J’ai trouvé plus relax de tourner intensivement que d’effectuer quelques dates éparses en tête d’affiche dans l’Hexagone, avec les contraintes de temps et les attentes du public. Depuis deux ans, il nous est plus facile d’assurer les premières parties avec un set écourté de moitié. Les gens n’attendent pas forcément quelque chose de nous même si depuis peu, la tendance s’inverse. Finalement, nous sommes ravis d’enchaîner les dates tout en maintenant un rythme de vie peu contraignant.

Vivez-vous de votre musique ?
Joe
: Oui nous sommes intermittents du spectacle depuis trois ans grâce à tous ces concerts. Nous sommes en plein développement et nous espérons que ça continue en s’améliorant et que nous puissions à terme nous affranchir de ce statut sans avoir à pousser des caisses ou à jouer dans des bals.

Anticipez-vous l’avenir au vu des circonstances économiques actuelles et du statut d’intermittent visé à disparaître ?
Joe
: Nous ne sommes pas très forts pour anticiper. Nous bénéficions heureusement de toute une équipe pour y pallier. Notre management s’occupe de nous jusque dans les moindres détails. Nous n’avons jamais perdu la foi. Nous avons bossé pendant huit ans sans rien gagner, à toucher le RMI, à bricoler et nous n’avons jamais arrêté de travailler, pas une seule seconde. Nous n’allons pas commencer à nous inquiéter aujourd’hui parce que ça marche et que nous sommes potentiellement en mesure de vendre des disques. Pour le moment, nous vendons assez pour honorer nos contrats et rembourser ainsi ce qu’ils ont coûté. Malgré la débâcle du marché du disque, dont nous ressentons de plein fouet les effets, nous allons néanmoins réussir à dépasser le seuil de ventes qui nous permettrait d’en vivre.
Mario : On assure nos arrières en étant crédibles, en proposant sur disque et en concerts de la musique de qualité. Nous jouons la musique qu’on veut entendre sans prétendre qu’elle est meilleure qu’une autre, c’est juste celle qui nous convient. En gros, si un groupe sort le cinquième album de Gojira sans que nous ayons composé quoique ce soit, on sera assurément fans ! (rires)

Il semble que des concepts se dressent à la vue des pochettes et du nom des titres deFrom Mars to Sirius et de The Way of All Flesh(NdlR : A cet instant, un étrange chant de baleine se fait entendre sur la bande de l’enregistrement… étrange coïncidence, quand tu nous tiens !)
Joe
: Il y a une volonté entre le visuel et les titres d’être la plus explicite possible tout en préservant le champ poétique et imaginaire du rêve. From Mars to Siriusdéfinit un état de guerre et de confusion, symbolisé par le dieu Mars (NdlR : ou Arès pour les hellénistes) vers un état de paix avec Sirius, qui chez d’anciennes civilisations, représente un repère, une stabilité. Il existe donc cette idée d’évolution et de combat intérieurs à une acceptation de soi et de bien-être. C’est évidemment bourré de références à la situation écologique de notre planète, entre autres. Le clin d’oeil avec la baleine est donc d’autant plus pertinent au vu de cette espèce en voie d’extinction par notre faute.

Ne retrouve-t-on pas de la fatalité en filigrane ? Le précédent message pacifique n’échoue-t-il pas avec le concept du nouvel album où la réalité est bien plus concrète ? 
Joe
: De la fatalité non, mais un brin de cynisme, oui effectivement. C’est la voie de toutes chairs, nous parlons donc de la mort, allons-y gaiement !

N’est-ce pas un retour vers Mars finalement ?
Mario
: C’est intéressant.
Joe : Disons qu’il existe plusieurs façons de voir les choses… (hésitant) Oui, bon d’accord, c’est vrai (rires). C’est également l’expérience qui parle entre deux albums. Nous avons été confronté à des réalités, à partager nos vies par exemple dans le même tour bus pendant trois ans, à voyager, à étendre nos horizons, ce qui est très formateur. Nous prônons un réalisme tout en restant optimiste sur le futur. Nous mettons le nez dans le concret, dans ce monde où la mort est omniprésente.

L’illustration évoque en outre la représentation de la mort, parfois dignement et joyeusement célébrée dans les pays sud-américains…
Mario
: Absolument et vous soulignez à raison un point fort. Il n’y a rien de morbide et de pessimiste dans ce que nous proposons musicalement.
Joe : En outre, nous développons également cette idée d’immortalité, car la mort suggère une naissance, un renouveau, tel un cycle qui se perpétue. Ce serait une illusion de penser que la mort est une fin. Je reste intimement convaincu que l’âme perdure à travers le temps.

N’est-ce également pas par l’art que l’âme perdure ?
Joe
: Tout à fait, c’est également vrai. Il y a en définitive tout un questionnement qui tourne autour du thème que nous approchons sur cet album avec notre musique. 

D’un point de vue commercial, des maisons de disques vous ont-elles proposé des contrats toujours plus aguichants en dépit de votre signature chez Listenable Records ?
Joe
: Nous rencontrons avec le temps toujours plus de personnes du milieu et des amitiés se nouent, des propositions sont émises mais nous constatons que nous nous sentons vraiment à l’aise chez Listenable. C’est une position très agréable de par les rapports humains qui priment sur tout le reste. Ce sont des gens passionnés et j’aimerai mentionner Laurent Merle qui a monté ce label. Il était professeur d’anglais et grand amateur de metal. Il a décidé de tout plaquer du jour au lendemain pour créer son entreprise chez lui. Cette relation est précieuse et enrichissante. Toutefois, nous ne savons pas si nous resterons éternellement et nous étudierons à chaque fois les offres les plus judicieuses afin de surfer au mieux sur la mutation de l’industrie du disque.
Mario : Nous avons bien pensé nous autoproduire complètement afin d’anticiper l’évolution du marché, mais nous sommes finalement restés sur nos acquis. Nous restons toutefois vigilants. Nous étudierons tout mais nous ne prendrons que les décisions les plus intègres qui suivent notre éthique.

Un dernier mot pour les lecteurs de Progressia, que vous aimez évidemment.
(rires)
Mario : Salut les gars, prenez votre pied en écoutant Gojira. C’est un peu prétentieux mais ça sonne bien ! (rires)
Joe : C’est vrai que nous ne vous connaissons pas, étant peu habitués à figurer dans un webzine tel que Progressia. On espère pouvoir vous rencontrer après avoir écouté notre album, qui reste très progressif ! (rires)

Ah bah voilà un truc vendeur ! (rires)
Gojira : Merci à vous, merci infiniment !