Percevalmusic – Percevalmusic

ENTRETIEN : PERCEVALMUSIC

  Origine : France
Style : Math rock médiéval
Formation : 2006
Composition :
Tony C. – composition, guitares, électronique
Ti Yann Février – saxophone, batterie
Dernier album : Dormir sommeil (2007)

Déjà remarqué au sein du stimulant duo Chevreuil, Tony Chauvin, alias Tony C, expose avec Percevalmusic une face encore plus personnelle de son talent. Projet ambitieux et bucolique où toutes ses inspirations se retrouvent, Dormir sommeil, son deuxième album enregistré avec l’apport de Ti Yann Février, est un coup de maître. Entretien avec le pourfendeur des stéréotypes.

Progressia : Peux-tu nous rappeler brièvement ton parcours musical ?
Tony C :
J’ai débuté la musique en rencontrant Julien Fernandez en 1998. Nous étions camarades de classe à l’Ecole des Beaux-Arts de Nantes. Nous avions juste l’envie commune de jouer du rock, ce qui nous a rapidement conduit à former Chevreuil. Nous n’étions pas musiciens auparavant et nous nous sommes comme par magie investis totalement dans ce projet.

Comment est né Percevalmusic et d’où vient ce nom étrange ? Est-ce l’expression d’un désir plus individualiste après tes escapades musicales comme Chevreuil ?
Je suis peintre à l’origine et j’ai commencé mon activité artistique par le dessin. La musique est venue sur le tard, à l’âge de 23 ans. J’ai opté pour la guitare dès la première répétition et j’ai appris cet instrument en situation de groupe ou plutôt de duo dans le cadre de Chevreuil. J’ai composé les premiers morceaux de Percevalmusic en 2004 après plusieurs albums façonnés avec Chevreuil. Auparavant, je réalisais des peintures avec une forte connotation médiévale, des retables en bois, des icônes, avec des dorures, des moulures sculptées, peintes à l’huile. Ce travail était étroitement lié à la peinture religieuse, mais les thématiques étaient plus contemporaines avec des personnages actuels, footballeurs, scènes de vie modernes, etc. Quand j’ai décidé de créer Percevalmusic, j’ai repris ce travail pictural là ou je l’avais arrêté car je souhaitais évoquer un certain rapport au « sacré », tel un simulacre mais avec des codes contemporains. A propos du nom, il est selon moi du même ordre que l’intention esthétique du projet, entre passé et futur. Perceval est un nom issu de la légende de la Table ronde. Ainsi, tout le monde le connaît, le rattache à une histoire, à une époque. L’associer au mot anglais « music » le rend nettement plus futuriste, avant-gardiste et énigmatique.

Que ce soit à l’écoute de Vie scolaire ou de Dormir sommeil, on ressent justement cette approche très « picturale » de la musique…
Je ne me considère pas vraiment comme un musicien, je reste profane tant pour les notes que le solfège. Je choisis mes mélodies de manière intuitive et esthétique. Je me rapprocherai plus d’un « plasticien-musicien », qui a commencé avec une certaine innocence et qui m’a permis d’arriver sur ce terrain, sans barrières, ni réel modèle. Mon dispositif scénique et de conception des morceaux découle de cete idée. Si je n’avais pas pénétré dans cet univers de cette manière, je n’aurai ni conçu ma guitare autour d’une quadriphonie, ni associé celle-ci à d’autres sortes d’instruments.

Perceval, les forêts, le clavecin, autant d’éléments qu’on n’associerait pas à un groupe de rock instrumental. D’où te vient ce goût pour les ambiances bucoliques et médiévales ?
De mes envies picturales, des peintures qui m’ont marqué lors de mes premiers essais artistiques. L’artwork est très important car à mes yeux, les pochettes et l’imagerie d’un groupe ou d’un projet participent à soixante-quinze pour cent de la perception du propos musical.

Cette opposition de styles entre rock instrumental « instable » et ambiance « champêtre » s’est-elle imposée au fil des compositions ou était-ce voulu ?
Ces oppositions de style ont été voulues car elles font partie des fondements et du cahier des charges du projet.

Qu’a apporté Ti Yann Février sur Dormir sommeil par rapport à Vie scolaire. A-t-il participé à la composition ou a-t-il réorienté ta perception de celle-ci lors de l’enregistrement ?
La rencontre avec Ti Yann s’est faite à un moment opportun vis-à-vis de mon actualité musicale. A la fin de l’année 2006, après avoir fait une grosse tournée avec Chevreuil et finalisé la conception de la bande-son du spectacle Comme en plein jour de Jean-Baptiste André, je voulais prendre le temps de concevoir une suite à Vie scolaire. J’ai rencontré Ti Yann à Saint-Nazaire. Je le savais batteur occasionnel au travers de son projet personnel proche de la chanson française. Je lui ai simplement proposé de participer au projet car je souhaité retrouver une empreinte plus « live ». Il a accepté avec plaisir et nous nous sommes organisés quelques répétitions pour formuler la manière de collaborer. J’ai adapté les compositions existantes à son jeu de batterie tout comme il s’en est adapté. Nous possédions plusieurs morceaux comme base de travail, dont certains extraits du spectacle de Jean-Baptiste André. Je me suis retrouvé dans une position un peu gênante de chef d’orchestre. Mais par la force des choses et pour l’album, j’ai assumé ce rôle entièrement sans trop laisser de place au hasard, ou plutôt en assumant le hasard en amont et en l’intégrant au moment voulu. J’avais une idée extrêmement précise de l’esthétique de Dormir sommeil. Je pense en outre que le fait que Ti yann joue également du saxophone sur le projet a permis de mettre une soupape dans cette collaboration et de ma vision globale du disque. Je ne connais pas du tout cet instrument. J’avais évoqué des participations de sax de manière plus subjective et moins précise, en ne possédant nullement le vocabulaire technique pour le diriger. J’ai laissé Ti Yann improviser sur les passages suspendus et par la suite, j’ai pioché dans les diverses propositions en élaborant plus une plastique d’ensemble qu’une partition musicale, en cadrant l’instrument dans un tableau plus global. Je remercie d’ailleurs encore une fois Ti Yann d’avoir accepter de participer au projet.

Tu participes également à des projets transversaux entre plusieurs domaines comme la danse par exemple…
Effectivement car cela m’apporte beaucoup de choses ! D’abord, par rapport à mon instrument qui est plus une installation plastique qu’un instrument en tant que tel… J’utilise une guitare, des claviers, des échantillonneurs et des microphones. Tous ces objets sont reliés ensemble au travers du même signal électrique et redirigés dans quatre amplificateurs guitares pour fabriquer une quadriphonie. Trop souvent, un musicien doit se débrouiller par lui-même pour produire sa musique, dénicher un label ou un éditeur une fois le travail terminé, sans bénéficier d’aucune aide. Le spectacle vivant est a contrario capable de générer davantage de moyen et de temps pour concevoir et expérimenter « hors-cadre ». Ma musique seule ne peut pas bénéficier de soutien, mais, dans un contexte de spectacle, je peux y faire passer des envies, faire des essais plus personnels ou les adapter aux contraintes d’un spectacle. Par rapport à la musique, le lien avec l’image permet d’étendre le temps. Lorsque la musique porte l’image, elle se nourrit de celle-ci et des suspensions de temps qui s’opèrent. Les esthétiques visuelles et musicales s’exacerbent, s’interpénètrent les unes par opposition aux autres. Ces rapports sont passionnants à mettre en place. Enfin cela m’apporte beaucoup par rapport à ma pratique personnelle, de pouvoir s’essayer à d’autres médiums en évoquant des idées à la fois musicales, mais également plastiques et visuelles. J’ai donc collaboré avec Jean-Baptiste André sur son dernier spectacle en 2006. J’ai aussi été sollicité par Le Lieu Unique de Nantes pour collaborer avec des artistes et scientifiques sur des projets de spectacle intitulés « hors-piste scientifique ». J’ai donc travaillé sur deux spectacles, d’une heure environ, qui mêlaient musique, vidéo, discours scientifiques, et trouvant à chaque fois une forme, une scénographie, un synopsis différent. L’équipe se composait d’un philosophe sociologue travaillant sur la vidéo-surveillance (Dominique Pécaud), d’un chercheur en médecine nucléaire (Françoise Bodéré), d’un plasticien vidéaste (Eric Watt) et de moi-même. Une expérience qui a donné lieu et vie à ces deux évènements assez fous et improbables. Le premier a pris la forme d’une conférence futuriste ou les deux discours des deux scientifiques s’interpénétraient pour en créer un troisième. Le second ressemblait à une soirée télé chez nos deux scientifiques qui zappaient sur divers sujets. Ils étaient mis en scène dans des reportages réalisés par Éric et moi-même. Des projets entre théâtre et réalité.

Finalement, tu joues beaucoup sur les superpositions, que recherches-tu à travers elles ?
J’aime la répétition quand elle n’est pas lassante. Je la trouve intéressante quand elle permet d’affirmer un phrasé afin de mieux le faire pénétrer. Intrinsèquement, la répétition et la superposition sont liées, un peu comme les glacis que l’on trouve dans les toiles de Rembrandt. On les trouve sur une pâte plus dense et ils affirment de la légèreté sur quelque chose de plus massif, un peu comme dans ma musique. Je fais cette parenthèse car l’idée me semble pertinente que la répétition forme les premières couches de l’image et les superpositions certains motifs ou détails.

Que penses-tu de l’étiquette « math rock » ?
Je ne me soucie pas trop des étiquettes ! Mais j’aime assez ce terme de math rock car il exprime justement quelque chose d’intellectuel. Dans Chevreuil, nous confrontons une attitude musicale sauvage, directe ou immédiate, qu’on pourrait rapprocher au coté rock du groupe, donc à une part plus cérébral ou intellectuel des compositions à rallonges qui prennent toujours des chemins de traverses pour arriver toujours à une certaine retenue dans le geste final, le coté math). Après tout, Percevalmusic n’est pas assez math rock pour un fan de Chevreuil, et trop math rock pour un novice dans ce genre de musique ! J’ai envie de faire des disques que je n’ai pas encore entendu, je ne sais pas trop si j’y parviens, car entre la conception et la sortie d’un album, ce long moment a tendance à rendre chaque nouveauté plus familière. J’essaie de garder en tête la première impression que j’ai au moment où je trouve et joue un nouveau riff !

Quel rôle joue le Collectif Effervescence dans ton travail ?
C’est le producteur de mes disques. Il joue un rôle financier et de distribution de ma musique. Julien, le manager me donne son avis sur les morceaux et sur les artworks.

Quels sont tes projets futurs musicaux ou autres ?
Je monte actuellement mon site Internet, qui permettra de démarcher des compagnies de danse, des agences de publicité ou de graphisme. Le but est de continuer, en parallèle à ma carrière artistique, des synchronisations liées à l’image. C’est dans la continuité de ce que j’ai mis en place avec les quelques spectacles auxquels j’ai participé. Je trouve ce processus parfaitement en accord avec ma démarche de musicien. J’utilise des instruments actuels dans Percevalmusic, et pourtant, la musique sonne par certains cotés comme une musique d’époque. J’aime faire illusion, mettre en place des simulacres comme je l’ai dit dans une question précédente.

Un dernier mot à ajouter pour nos lecteurs ?
Merci pour ton intérêt cher lecteur !

Propos recueillis par Mathieu Carré

site web : http://www.tonychauvin.com//

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