Christophe Godin – Christophe Godin

Origine : France
Style : metal mörglblien
Dernier album : Mörglbl – Grötesk (2008)

Entretien avec Christophe Godin après le concert de Metal Kartoon au Triton. C’est un Christophe sans voix, mais néanmoins bavard, qui a gentiment accepté de répondre à nos questions avec humour malgré un état de grande fatigue bien compréhensible.

Progressia : Pour bien débuter, petite question intéressée : as-tu lu la critique du dernier disque de Mörglbl, Grotesk?
Christophe Godin :
Je vais être honnête, je ne l’ai pas lue. Cela fait un moment que je ne suis pas allé voir les voices.

Après des années riches en sortie d’albums, Metal Kartoon en 2005, les 2G en 2007 etGrötesk en 2008, as-tu d’autres projets ?
Metal Kartoon en 2009, probablement Mörglbl en 2010, Metal Kartoon en 2011, etc. Il peut y avoir d’autres petits projets, improvisés, mais rien avec les guitar heroes (rires).

Pourquoi Jean-Pierre Frelezeau a-t-il quitté le navire chez Metal Kartoon ?
Oh… (gêné) pour plein de raisons qui sont compliquées à expliquer… 

Pour divergence musicale ?
C’est ce qu’on dit en général… Aurélien Auzouias le batteur de ZuulFx nous a rejoint dans Mörglbl, Maxence Sybille dans Metal Kartoon et Sébastien Rambaud, batteur de JMPZ, est remplaçant dans les deux groupes. 

Pourquoi multiplier autant d’activités ? Ces projets n’ont-ils finalement pas un but commun ?
De moins en moins, car Metal Kartoon est davantage orienté chansons et a délaissé les instrumentaux, alors que Mörglbl l’est entièrement. Avec Pierre-Jean Jaucher, c’est une démarche jazz, donc encore différente. Pourquoi je multiplie toutes ces activités ? Pour ne pas m’ennuyer, tout simplement !

Comment se porte le Christophe Godin cuvée 2008, à l’aune de ses quarante ans ?
Il a quarante ans, ça y est, c’est déjà fait (rire) et ça s’est passé sans problème ! (rires)

Ave cl’âge, penses-tu te rapprocher d’un mouvement en particulier ? Plutôt metal, jazz ou funk ?
Je suis père de famille. Il faut donc que je multiplie les activités pour ramener de l’argent ! (rires) Je plaisante. Non, franchement, je ne me pose pas les questions en ces termes là. Je lorgne tantôt plus vers le jazz, parfois vers le metal. L’esthétique se construit au fil du temps. Il n’y a pas de choix stylistique défini à l’avance, d’autant que dans certains projets, je ne suis pas le seul à créer. Il n’y a que Metal Kartoon pour lequel je suis l’instigateur ; le reste dépend des humeurs de chacun et évolue.

Patrick Rondat a fait un projet purement classique avec Hervé N’Kaoua. Mattias Eklundh reprend du Beethoven. Aurais-tu des envies de sortir de la sphère guitaristique pure ?
Je ne compose pas que pour mon isntrument, enfin, je n’en ai pas vraiment l’impression. Metal Kartoon est avant tout axé sur la chanson, même s’il le répertoire comprend des soli. En ce qui concerne Mörglbl, l’auditeur peut se dire qu’il écoute autant de guitare que de basse ou de la batterie. Avec Pierre-Jean, je ne pense pas que ce soit un projet de virtuoses, en tout cas pas de spécialistes. Je ne possède pas du tout le réservoir, ni le carburant, pour faire ce genre de choses. 

De multiples influences émanent de Metal Kartoon et de Mörglbl. On perçoit par moments des passages inspirés par les plus grands guitaristes : Joe Satriani, Steve Vai, Stéphan Forté et même Julien Damotte !
On nous appelle les trois mousquetaires du metal ! Julien est un peu notre Athos, Stéphan sont à chercher vers Zappa et les Beatles, c’est évident ; Joe Jackson depuis toujours car il est, selon moi, la personne qui écrit les meilleures chansons pop après les Beatles ; ajoutez Holdsworth, Scott Henderson, Jeff Beck qui est probablement mon héros, Brian Setzer… Bref, toute la cohorte de guitar heroes des années quatre-vingt comme Van Halen, Malmsteen… c’est déjà pas trop mal (rires).

Quels sont tes coups de coeur, dernièrement ?
J’aime beaucoup Meshuggah. J’ai pris une claque en les écoutant mais ça fait déjà un bout de temps maintenant. Récemment… (Christophe se creuse alors la tête) ça va vous faire rire mais il s’agit d’une femme que je trouve géniale, Claire DiTerzi, une artiste française qui fait seulement guitare et voix. C’est un des trucs qui m’a le plus bluffé ! Si je n’ai malheureusement pas beaucoup de temps pour écouter d’autres artistes, c’est bien que je retiens, après qu’une amie m’ai fait découvrir. Je ne sais pas ce que je pourrais citer d’autre… Julien Damotte ? Non, je cherche parmi les valeurs montantes de la guitare… (il se recreuse la tête et Julien suggère Sleepytime Gorilla Museum) Oui mais ils ne m’ont pas tant influencé. J’ai toutefois pris une beigne lorsque je les ai vu sur scène. 

Tu as pourtant travaillé du Dream Theater dans ta jeunesse, notamment le solo d’ « Under a Glass Moon ». T’arrive-t-il encore d’écouter ce groupe et ses confrères dans le style shred metal progressif ?
(Christophe rigole) Je n’ai joué que ce solo ! A vrai dire, je ne les écoute pas même si je reste admiratif devant tant de performance. Pour moi, le progressif, ce sont les années soixante-dix avec UK, Gentle Giant, Kansas et les premiers Genesis. Tout ce qui est metal progressif, c’est moins ma tasse de thé, simplement car ce n’est pas ma culture. J’aime aussi beaucoup Rush, les Dixie Dregs, Jethro Tull. C’était très bien, ça !

Que penses-tu des scènes musicales actuelles et surtout de l’envie croissante de mixer les différents style comme le font Psykup ou Hacride ?
Psykup, c’est excellent. David, le guitariste, est un bon pote. Je pense que c’est un des groupes qui, actuellement, envoie le plus la purée et a une très bonne maîtrise de la scène et du mélange des genres. J’ai l’impression que nous pratiquons la même recette. Ce n’est simplement pas de la métallurgie lourde.

Nous ne sommes pas un site dédié à la guitare, mais en face d’un grand guitariste comme toi, on ne peut s’empêcher de poser quelques questions plus spécialisées. Tout d’abord, comment se déroule une journée typique de Christophe Godin ? As-tu du temps pour t’entraîner ? As-tu un plan de travail générique comme John Petrucci qui alterne musculation et guitare ?
Je soulève mon petit garçon pendant des heures (rires). Je n’ai pas une vie de guitar hero, mais je bosse en fonction des projets. Quand je dois faire du Metal Kartoon, je travaille ma voix et ma rythmique, quand je fais du Mörglbl, c’est davantage axé la technique effectivement, et quand je suis avec Pierre-Jean, je me focalise sur le son. J’ai monté un projet acoustique avec Olivier Roman Garcia, je bosse donc plutôt sur cet aspect-là. Je dois jouer tous les jours car c’est mon métier, il faut donc que ça tienne la route, mais je ne suis pas un afficionado du travail technique car selon moi, la technique ce n’est pas de jouer vite.

Tu es connu pour aborder beaucoup de techniques différentes et rigolotes qui enrichissent ton jeu. On pense au slap et au chicken-picking (NdlR : jeu au médiator et aux doigts). As-tu une nouvelle botte secrète en préparation ?
Elles correspondent à des sons que j’entends sur le moment, je n’invente rien. Je les emprunte à droite et à gauche et j’essaie de réorganiser à ma sauce. Je ne possède de nouvelles inventions en stock actuellement mais je songe peut-être à me faire greffer des doigts ! Je préfère tester de nouveaux motifs sonores, par exemple en jouant avec moins de distorsion et à la manière de percussions donc également rythmique. Je joue également bien plus aux doigts à présent, ça donne un côté rythmique différent. Je m’attache aussi à apprendre à mieux gérer les effets.

Comment composes-tu ? Comment trouves-tu ces idées ?
Souvent c’est en chantant que les idées me viennent. Je compose beaucoup avec la voix et rarement la guitare en main, pour justement éviter de créer des morceaux pour guitaristes. Parfois, je compose au piano et bien qu’étant un pianiste scandaleux, à me force à aller au plus simple. Des choses naissent également lors de jam sessions. Le travail au chant reste très important pour moi. Je chante tout ce que je joue. Cela permet d’apporter quelque chose de personnel et moins instrumental. Certes il faut assumer le fait d’être guitariste et des plans typiques arrivent inévitablement ici et là, mais le fondement de l’improvisation, c’est d’essayer de se laisser guider par la voix. 

Quels conseils donnerais-tu à l’apprentishredder ou guitariste désirant s’améliorer ?
Changez de métier, passez votre BAC, HEC, essayez d’intégrer une grande école pour devenir haut-fonctionnaire de l’Etat ou éducateur dans le 9-3 ! (Rires) Plus sérieusement, mon conseil est de travailler la rythmique, tout simplement parce que c’est le fondement du jeu. La plupart du temps, les gens qui jouent très vite ne savent pas jouer lentement et en rythme. C’est ce qui manque à la plupart des guitaristes. Il ne faut pas non plus oublier qu’en jouant très vite, on s’adresse à une personne sur dix mille, alors qu’en jouant des rythmes, on s’adresse à presque toutes les autres. Après c’est un choix, il y a des gens qui préfèrent jouer pour des spécialistes, c’est respectable, mais je ne pense pas que ce soit la plus musicale des démarches… J’ai bon ?! (rires)

Ces conseils nous amènent à ta « seconde vie » d’enseignant. Enseignes-tu par besoin financier ou s’agit-il d’ une réelle envie de vivre de la musique d’une autre manière ? Cela t’apporte-t-il des choses nouvelles quant à la manière d’aborder l’instrument ?
Actuellement, ce n’est plus un besoin financier. C’est avant tout pour le plaisir d’enseigner. Les jeunes ont souvent des choses à nous faire découvrir, déchiffrer, écouter, vers lesquelles on ne serait pas naturellement allé. J’adore enseigner, je fais ça depuis que j’ai vingt ans et ne pourrais plus m’en passer. Mes élèves m’apportent des idées en permanence, même au niveau du jeu. Un débutant fait des démarches auxquelles on n’a pas forcément pensé. Il va aller vers un point essentiel alors que tu as tourné autour du truc sans tomber dessus. Il est des gens très doués qui t’éclaboussent de leur talent. Tout cela fait du bien !

Beaucoup de personnes pensent que ton patronyme a un rapport avec la célèbre marque de guitare Godin. Qu’en est-il réellement et surtout, pourquoi as-tu choisi la marque Vigier et non Godin pour t’endorser ? Cela aurait pu cultiver un peu plus cette ambiguïté humoristique.
Il y a peut-être un lien. Ma mère avait fait un arbre généalogique et avait découvert qu’une partie de la famille s’était installée au Canada à la fin du dix-septième siècle. En réalité, je n’en sais rien. Pourquoi n’ai-je pas opté pour les guitares Godin ? Parce que j’ai choisi Vigier et je trouve que c’est nettement mieux ! (rires)

Enfin, as-tu un dernier petit mot pour nos lecteurs ?
Vous êtes merveilleux les amis mais, de grâce, réécoutez le progressif des années soixante-dix !

Propos recueillis par Guillaume Beauvois & Julien Damotte
Avec des questions de Christophe Gigon