ENTRETIEN : RPWL

  Origine : Allemagne
Style : rock progressif
Formé en : 1997
Composition :
Yogi Lang – voix, claviers
Karlheinz Wallner – guitares
Chris Postl – guitare basse
Manfred Müller – batterie
Dernier album : The Rpwl experience (2008)

Yogi Lang, chanteur de RPWL, a accordé un entretien à Progressia dans lequel tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le groupe (son nom énigmatique, la relation entre RPWL et Violet District, l’influence du grand Floyd, le dernier album à l’intitulé mystérieux) vous sera enfin dévoilé. Quand un Suisse francophone parle avec un Allemand en anglais, le travail de mise au propre pour vous, chers lecteurs, s’avère des plus trapus ! Entrons à présent sans plus attendre dans l’expérience RPWL…

Progressia : The RPWL Experience est déjà votre cinquième album. Depuis quand RPWL existe-t-il et quel regard portez-vous aujourd’hui sur votre premier essai God has failed paru en 2000 ?
Yogi Lang :
Nous sommes ensemble maintenant depuis 1997. Nous nous retrouvions pour jammer sur de vieux morceaux de Pink Floyd. Avec Karl, le guitariste, et Chris, le bassiste, nous avons décidé de former un nouveau groupe, de créer notre propre musique et notre premier album, God has failed est sorti. Ce disque a été créé au moment où je venais de perdre mon père et les paroles sont articulées autour des émotions qui m’habitaient alors. C’était un bon album pour un bon départ pour RPWL. Il y a vraiment d’excellentes chansons sur ce premier disque. Nous sommes toujours fiers aujourd’hui d’interpréter des morceaux extraits de cet essai inaugural.

Quel est le lien exact entre le groupe Violet District (qui n’a sorti qu’un seul album Terminal breath en 1992) et RPWL ?
Le lien est simple : je connais Chris (NdlR : bassiste de RPWL) depuis l’école et nous décidâmes de former un groupe ensemble. Et Karl, le guitariste (encore aujourd’hui dans RPWL) s’est joint à nous et c’est ainsi que Violet District a vu le jour en 1990-1991. Et c’est dans mon studio que j’ai produit Terminal Breath. Je n’ai pas chanté sur cet album, je n’étais que le producteur. Il y a des bons morceaux sur celui-ci. La connexion entre Violet District et RPWL est claire : même bassiste et même guitariste !

RPWL était, à l’origine, un tribute band de Pink Floyd. Comment le groupe est-il devenu un « véritable » groupe original ?
Nous n’étions pas un tribute band de Pink Floyd au sens strict du terme. Nous ne voulions pas copier ou jouer sur le mimétisme comme le fait fort bien du reste The Musical Box pour Genesis. Quand nous nous sommes rencontrés en 1997, nous voulions seulement faire de la musique ensemble car j’en avais un peu assez de mon travail de producteur en studio. La musique qu’on appréciait tous était celle de Pink Floyd et c’était donc un bon moyen pour nous pour commencer à donner vie à notre nouveau groupe. Il est clair que nous avons beaucoup joué de titres de Pink Floyd lors de nos premiers concerts. Mais très vite, l’envie de créer notre propre musique est née…

Expliquez-nous l’origine de votre étrange nom, RPWL ?
Quand nous avons rencontré le patron de Tempus Fugit, notre label, il voulait que l’on fasse un album mais nous n’avions même pas encore de nom ! A cette époque, j’étais très ennuyé à l’idée de chercher un nom de groupe original et mémorisable. On avait bien quelques idées (Blue Sky par exemple) mais je ne voulais pas me prendre la tête avec ça. Comme on en était arrivé à un point où on ne voulait même plus en avoir un, on a pensé que RPWL (initiales des patronymes des membres d’alors) allait suffire. Le pire est qu’à cette époque, personne ne pensait que RPWL irait aussi loin, c’est peut-être aussi pour cela que l’on a réglé cette question un peu à la légère.

Votre nouvel album sort en 2008 alors que le premier date de 2000. Cinq albums en huit ans, ça devient plutôt rare. Vous êtes plutôt prolifiques. Vivez-vous de votre musique ou exercez-vous une autre activité lucrative ?
Oui, nous gagnons notre vie grâce à la musique, pas qu’avec RPWL naturellement. Nous avons notre propre studio dans lequel nous pouvons prendre le temps de créer et d’enregistrer.

L’album précédent, World Through My Eyes a-t-il obtenu un bon succès ?
Oui. Bien-sûr, chaque groupe recherche le succès. Ce fut l’album le plus populaire de RPWL et nous en sommes toujours très satisfaits car sa création nous a demandé beaucoup de travail. Il a été enregistré en Inde et en Angleterre et a nécessité six mois de production, auxquels se sont ajoutés deux mois pour offrir un SACD 5.1 à l’acquéreur de l’objet. C’est agréable de remarquer que nous avons créé un disque dont nous sommes très fiers encore aujourd’hui. Il a contribué à nous faire connaître davantage à travers le monde. Ce fut d’ailleurs notre premier CD sorti aux Etats-Unis.

Comment vous est venue l’idée de collaborer avec Ray Wilson (Stilskin, Genesis) pour cet album justement  ?
Nous n’avons jamais été véritablement satisfaits du titre « Roses » que je chantais. C’est pourtant une chanson « parfaite », je le sentais bien mais l’étincelle ne surgissait pas. J’écoutais l’album Calling all stations de Genesis sur lequel Ray chante magnifiquement et j’avais vu la tournée de l’époque (en 1998). Je me suis dit que sa voix serait parfaite pour un tel morceau. Je lui ai téléphoné et il a d’emblée accepté. C’était génial de travailler ensemble. Quel grand chanteur !

Vous n’avez donc jamais envisagé d’intégrer Ray dans le groupe de manière plus stable ?
Non, pas du tout ! Il est très occupé par sa carrière en solo et nous n’avons jamais évoqué cette idée.

Comment s’est déroulée la tournée qui a suivi World Through My Eyes et qui a donné lieu d’ailleurs à un superbe enregistrement live Start the Fire ?
Après la parution de l’album World Through My Eyes, le plus grand show télévisuel d’Allemagne, Rockpalast, nous a proposé de produire un live. En même temps, de plus en plus de personnes nous demandaient quand nous allions enfin sortir un album en concert : c’était l’occasion rêvée.

Pensez-vous avoir mis fin à une certaine époque de votre carrière avec World Through My Eyes avant d’entamer l’écriture de votre dernier album, The RPWL Experience ?
Nous étions tellement satisfaits de World Through My Eyes qu’il semblait impossible d’aller plus loin dans ce style bien établi. Nous étions arrivés à un point où nous devions éviter comme la peste de donner naissance à un World Through My Eyes bis. J’ai toujours eu l’idée de proposer quelque chose de beaucoup moins spirituel et aérien que cet album-là. Nous pouvions créer une oeuvre « qui aurait plus les pieds sur Terre », parler de réalité et non plus d’émotions et de choses qui étaient dans nos têtes, plus réel. On voulait quelque chose de plus simple, plus direct, créer et jouer, plus simplement.

A quoi fait référence le titre de votre dernier album The RPWL Experience ?
Le titre de travail de l’album était Choisis ce à quoi tu voudrais ressembler. Je voulais également que l’ensemble de l’album (musique, textes, illustrations de pochettes) fasse référence à notre société de consommation et de publicité tapageuse. J’ai vu dernièrement une publicité pour une marque de bière sur l’affiche de laquelle était écrit le slogan : The X (marque de la boisson) Experience. Comme si boire une bière vous plongeait dans une expérience, un processus identificatoire qui implique un acte communautaire. C’est drôle car on sait bien comment la publicité fonctionne : si tu es un pauvre gars seul et délaissé, si tu bois la bière X, tu feras partie d’une communauté « cool » et tu ne seras plus seul. Tu bois une bière et tu es le même, toujours seul mais avec une bière dans l’estomac. Où est la transformation, où est l’expérience ? Où est l’intégration sociale, le processus psycho-culturel dans tout cela ? C’est étrange que l’on veuille connecter le fait de boire une bière avec le fait de vivre une expérience initiatique (voyage, littérature, cinéma ou musique). La publicité essaie de faire croire que consommer est une expérience. Nous faisons donc notre autocritique car, en tant que musiciens, nous procédons de la sorte, par certains aspects. Nous aimons à croire que notre musique est plus qu’un divertissement, que la collectivité des amateurs de notre musique forme une communauté reliée par « l’expérience RPWL » ! C’est pourquoi nous avons une couverture de pochette qui représente une télévision (symbole des mass medias) et une marque déposée (RPWL) avec le slogan The RPWL Experience.

L’influence de Pink Floyd se fait nettement moins sentir sur votre nouvel album. Quels sont les groupes qui vous auraient influencés pendant la composition de ce nouveau disque ? (NdlR : Le premier titre de l’album ressemble étrangement à Porcupine Tree)
Je m’intéresse surtout aux paroles en tant que chanteur. C’est le plus important pour moi. Je pense sincèrement que nous n’avons pas (plus) d’influences majeures qui seraient flagrantes pour l’auditeur. On essaie vraiment de produire la musique en laquelle on croit. Quand tu écris une chanson, tu ne penses jamais à tes influences. La musique surgit. Si tu veux copier quelqu’un, tu es sûr de te fourvoyer car l’amateur préférera toujours l’original à la copie. Et il a raison. Nous pensons offrir une musique originale, celle formée par quatre musiciens qu’on appelle RPWL, dans laquelle, il y a, et c’est indéniable, un côté Pink Floyd. Cependant, en tant qu’entité, elle ne se réfère qu’à son propre monde musical. Il y a une connexion très forte entre notre musique et nos textes : c’est un véritable signe distinctif de RPWL. C’est d’ailleurs le cas aussi pour Pink Floyd concernant les paroles de Waters et la guitare de Gilmour. Notre style est reconnaissable. Pour en revenir à ta question, c’est vrai que cet album sonne différemment de ses prédécesseurs. Le premier titre, auquel tu fais référence, est fort peu ordinaire pour nous. Notre guitariste, Karl, est venu une fois en studio avec ce riff très agressif qui nous a bien plu. Ce sera peut-être trop heavy pour les inconditionnels du « RPWL classique » mais parfaitement en phase avec les paroles.

L’orientation générale de ce dernier album, plus « pop » et moins « progressif » est-elle un choix délibéré ou est-elle venue naturellement ?
Vraiment ? Tu m’étonnes ! Je ne suis pas certain que le changement que tu perçois soit aussi clair que tu sembles l’affirmer. Pourtant, il y a toujours de longs morceaux et des développements qui ne s’appréhendent pas en deux écoutes. Peut-être que ton sentiment est lié à ce que je te disais en début d’entretien sur le fait que nous voulions produire un album « qui ait les pieds sur Terre ». Nous ne voulions surtout pas surproduire notre album ni complexifier outre mesure nos morceaux. Les gens habitués au rock progressif ne veulent pas forcément une musique artificiellement recherchée et saturée. La simplicité ne nuit jamais.

Peu avant, tu nous parlais brièvement de l’idée générale du disque qui se reflétait jusque dans l’illustration de pochette. Justement, comment vous est venue l’idée d’une telle conception graphique, si rétrograde et mystérieuse ? Et devons-nous essayer d’appeler le numéro qui apparaît à l’écran de cet antique téléviseur ?
(rires) C’est une drôle d’idée que ce nombre énigmatique, c’est vrai. Nous voulions développer graphiquement cette idée articulée autour des pressions des mass médias. Etre seul avec une pauvre télévision dans une chambre minable, voilà la pauvreté contemporaine, contrairement à ce que toute la publicité essaie de nous faire croire. J’avais donc demandé au concepteur de notre pochette de faire apparaître quelque chose sur l’écran et il a eu l’idée de ce nombre. Vous pouvez essayer de composer ce numéro de téléphone mais j’ai promis de ne pas en dire davantage. (rires)

Une tournée européenne est-elle planifiée ?
Oui ! Vous pouvez voir les dates prévues sur notre site Internet (www.rpwl.de) ou sur Myspace. Quelques festivals sont également prévus aux Etats-Unis. Mais nous ne viendrons malheureusement pas en France, ni en Suisse ! Nous avons quelqu’un qui s’occupe d’organiser nos tournées qui sait à quel point les fans en Suisse et en France sont nombreux. Tourner coûte si cher ! Nous aimerions jouer partout dans le monde ! Mais il y aura des dates supplémentaires cet automne.

Blind Ego, le projet solo de votre guitariste Karl a-t-il quelque chose de prévu dans un avenir proche ?
Il a écrit de nouvelles chansons. Il va d’ailleurs commencer l’enregistrement de son nouvel album en mai.

Quels sont les groupes découverts récemment que vous appréciez ?
Je n’écoute pas beaucoup de groupes issus de la sphère progressive. J’adore, par contre, Lazuli (NdlR : un excellent groupe français qui pratique une musique fraîche et totalement originale). Des gars très sympas. Je ne suis plus vraiment intéressé par le monde du rock progressif. J’écoute plus volontiers de la musique d’avant-garde. (NdlR : apparemment, Yogi considère le qualificatif « progressif » dans son acception la plus serrée et non dans son sens étymologique qui est celui qu’essaie de prôner Progressia depuis sa création). Je suis dans la musique toute la journée alors je n’en écoute plus vraiment pendant mes loisirs. C’est même plutôt la dernière chose que j’aurais envie de faire pour me relaxer ! Mais quand je suis en vacances, j’aime écouter un bon disque, bien entendu : Pink Floyd, Genesis et pas mal de vieux trucs. Comme mon métier de producteur me fait travailler avec beaucoup de musique moderne (je ne parle pas de RPWL ici), j’aime me détendre en écoutant des productions qui n’ont rien à voir avec mon travail du moment.

A part Pink Floyd, quels sont les groupes qui t’ont donné envie de faire de la musique, quand tu étais enfant ?
Comme je suis claviériste, j’ai de tous temps été fan de Manfred Mann. Cependant je crois que le déclic fut l’écoute de l’album de Pink Floyd, Wish You Were Here. « Shine On You Crazy Diamond » est vraiment le premier morceau qui m’ait bouleversé. Il m’a donné envie de faire de la musique. Mon père m’a fait jouer de l’orgue à l’église, ce fut un bon début. Puis, j’ai acheté mes premiers synthétiseurs.

Quels sont, selon vous, les meilleurs albums sortis l’année passée ?
C’est une question très difficile. Quand nous avons joué à Mexico, j’ai beaucoup écouté le dernier album de Lazuli (En avant doute) qui est si novateur. Je les ai vus également jouer dans cette même ville et ce fut fantastique. Grande musique, grands personnages. Pour moi, c’est définitivement l’album de l’année !

Propos recueillis par Christophe Gigon

site web : http://www.rpwl.de

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