ENTRETIEN : ADAGIO

 

Origine : France
Style : Metal progressif
Formé en : 2001
Composition :
Gus Monsanto – chant
Stéphan Forté – guitare, chant
Kevin Codfert – claviers
Frank Hermanny – basse
Eric Lebailly – batterie
Dernier album : Dominate (2006)


Peu avant la sortie de Dominate en Europe, deux membres du groupe Adagio se sont livrés à une interview peu conventionnelle. Dès la première question, le leader et guitariste Stephan Forté fut pris d’un incontrôlable fou rire, conséquence logique d’une journée de promotion épuisante. Le nouveau chanteur Gus Monsanto assura heureusement l’intérim entre deux éclats de voix !

Progressia : Pouvez-vous tout d’abord nous parlez de Dominate ? Que se cache-t-il derrière ce titre ?
Stéphan Forté (guitares):
Bien…Nous aimerions bien dominer l’univers alors nous avons décidé de choisir un nom humble : Dominate ! (rires) Non c’est simplement parce nous voulions un nom qui évoque quelque chose de positif et puissant et « dominate » s’est avéré être un nom qu’on aimait, qui sonnait. Voilà !

A l’écoute de Dominate on sent un profond changement de direction musicale, c’est-à-dire que l’on passe du metal ultra progressif de Underworld à un metal plus basique et direct. Est-ce un choix assumé ? Une évolution naturelle ?
En effet, il y a un changement de style (NdR : le fou rire commence). Désolé je commence à rire pour rien. (rires) Gus, peux-tu répondre à ma place ? (rires)
Gus Monsanto (chant) : Underworld était très progressif, surtout à cause de l’orchestration, mais je ne pense pas que ce soit un changement de style radical. Beaucoup de gens pensent cela à cause des parties de chant death et de chant black, mais cette façon de chanter était déjà présente sur l’album précédent. La seule différence c’est que c’est Stéphan qui s’en charge cette fois-ci et qu’il y en a dans plusieurs chansons. Je ne pense vraiment pas que le changement soit si radical. Bien sûr ce n’est ni le même chanteur, ni le même batteur et ça c’est déjà un gros changement. (NdR : le fou rire de Stéphan s’intensifie et devient communicatif)

On peut parler d’une évolution naturelle alors ?
Oui c’est plus une évolution qu’un changement radical.
Stéphan Forté : Tous ces éléments étaient déjà présents en fait. On a tout simplement décidé de les pousser un peu plus.

Comment décririez-vous ce nouvel album ? Pouvez-vous nous donner 3 ou 4 adjectifs qui selon vous le définissent le mieux ?
Il est plus sombre, plus « rentre dedans », plus… (rires)

Plus drôle peut-être ?
Non pas plus drôle, bien au contraire ! C’est du Adagio, mais du Adagio 2006.

Parlons maintenant du processus d’écriture. Vous nous disiez dans la précédente entrevue avec Progressia que la composition au sein d’Adagio était de plus un plus un travail de groupe. Est-ce vrai avec cet album ?
(rires) Gus, il vaut mieux que ça soit toi qui réponde.
Gus Monsanto : A la base c’est Stéphan qui écrit les chansons mais ce qui est bien au sein d’Adagio c’est que nous avons tous notre mot à dire, même moi qui n’ai rejoint le groupe qu’il y a qu’un an et demi. Par exemple, quand Stéphan m’a fait écouté ses idées pour « R’lyeh The Dead », j’ai trouvé la chanson vraiment excellente mais je lui ai dit que le refrain ne sonnait pas du tout comme un refrain, qu’il n’était pas assez accrocheur. Je lui ai donc donné des suggestions et il a fini par changer ses idées originelles. Je parle de mon cas mais c’est la même chose pour tout le monde. Frank (Hermanny) a composé d’excellentes parties de basse pour « Terror Jungle » par exemple…
Stéphan Forté : Pour « The Darkitecht » aussi.
Gus Monsanto : Si l’on écoute les démos d’origine et qu’on les compare au résultat final, cela paraît évident que ce n’est plus le travail d’un seul homme mais bien un effort de groupe.
Stéphan Forté : La différence avec les précédents albums est que là j’ai donné la ligne directrice sans trop donner d’informations aux musiciens pour qu’ils puissent avoir la liberté de s’exprimer avec leur propre identité et leur propre conception de l’instrument. C’est ça qui a fait que même si j’ai composé la plupart des titres, il y a quand même une cohésion d’ensemble du fait que chacun a amené son influence.

Pour parler du chant black, est-ce un style que tu affectionnes ?
J’ai écouté pas mal de death quand j’étais plus jeune et apparemment à la trentaine les trucs reviennent donc je reviens à mes amours de jeunesse.

Et Dimmu Borgir ?
C’est plus récent mais il est vrai qu’on peut dire que c’est une des grosses influences pour ce nouvel album, en tout cas pour le chant.

Vous travaillez actuellement sur un clip d’Adagio…
On l’a reporté finalement.

Quel sera le titre ?
Ca sera « Dominate ». Mais là, faute de temps, nous n’arrivions pas à tout conjuguer et nous voulons vraiment prendre le temps de le faire. Nous préférons reporter un petit peu plutôt que de faire quelque chose qui ne soit pas à la hauteur de nos espérances.

Les structures des morceaux de Dominate sont, au moins en apparence, moins complexes que sur Underworld et par conséquent les solos sont plus techniques, comme sur « Terror Jungle » ou encore « Dominate ». Est-ce pour compenser la simplicité des structures que tu te « lâches » dans les solos ?
En fait, j’ai beaucoup moins de temps pour m’exprimer en solo donc j’essaie de concentrer tout ce que j’ai à dire sur un laps de temps plus restreint. Alors effectivement, il y a plus de notes dans un espace plus réduit. Mais il est également vrai que j’aime bien à chaque fois repousser mes limites, aller un peu plus loin et évoluer dans l’instrument. Alors je me fixe des objectifs qui me paraissent difficiles à atteindre et je dois travailler pour arriver à les réaliser. Pour résumer, on peut dire que sur cet album, les solos sont beaucoup plus techniques que sur les deux précédents.

Gus, tu es le nouveau chanteur du groupe. Pourrais-tu te présenter pour ceux qui ne te connaissent encore pas ?
Gus Monsanto :
Je suis brésilien, je viens de Rio De Janeiro. Au départ j’étais guitariste mais à l’âge de 16 ans je me suis mis à chanter dans mon groupe, Angel Heart puisque je ne trouvais pas de chanteur à qui je pouvais vraiment me fier. Comme c’est moi qui écrivais les chansons, j’avais une idée très précise du style musical que je cherchais. Je voulais faire du hard rock américain comme Mr Big, Van Halen, Extreme …
Stéphan Forté : Poison ?
Gus Monsanto : Non … mais si, bien sûr ! J’adore Poison !
Stéphan Forté : Le jeu de Ritchie Kotzen est hallucinant !
Gus Monsanto : Même avant Kotzen il y avait des trucs biens. Flesh and Blood est un album excellent par exemple. C’était un de mes albums préférés à l’époque. Je me suis donc mis à chanter mais ça devait rester temporaire. C’est devenu permanent car je n’ai jamais trouvé le chanteur que je voulais. J’ai continué à m’entraîner, à me perfectionner et nous sommes rentré en studio avec ce groupe, on a même eu un clip sur MTV au Brésil, on a fait beaucoup de concerts. Après ça, j’ai chanté dans le groupe Overdose avec le premier guitariste de Sepultura avant Andreas Kisser. Nous avons ouvert pour des groupes comme Megadeth, Queensryche, Whitesnake, … Mon dernier groupe en date avant Adagio était Astra dans lequel je chantais aussi. Nous avons mis deux ans et demi à enregistrer un album qui n’a finalement pas vu le jour à cause de problèmes internes et avec la maison de disque. Après cette expérience désastreuse j’étais très aigri et ne voulais plus faire de musique, jusqu’au jour ou un ami qui tient le fan club brésilien de Dream Theater m’a parlé d’Adagio. Il m’a incité à contacter le groupe qui cherchait un nouveau chanteur. Je connaissais David Readman grâce au travail qu’il a fait dans Pink Cream 69, j’aime vraiment ce chanteur. Je me suis dit « pourquoi pas ? ». J’ai envoyé quelques mp3, ma bio et quelques photos et j’ai eu une réponse du manager quelque chose comme 15 minutes plus tard ! C’était complètement fou ! Ils voulaient savoir si ma voix allait coller avec la musique d’Adagio. Ils m’ont envoyé des morceaux d’Underworld pour que je pose ma voix dessus. J’ai mis une journée à apprendre les chansons, une deuxième journée pour les enregistrer, les convertir en mp3 et les envoyer. Le matin suivant, j’avais déjà une réponse disant : « on a adoré ce que tu as fait, c’est ce qu’on a écouté de meilleur jusqu’à présent ! ». Stéphan m’a fait écouté les autres versions quand je suis arrivé en France et il y avait beaucoup de très bons chanteurs, des gens de Suède, d’Argentine… et je suis très content d’avoir été choisi !

Avez-vous déménagé en France ?
Pas tout à fait car je suis très attaché à mes racines. Mes amis et ma famille sont là-bas, et quand je ne travaille pas avec Adagio, je suis au Brésil. Mais plus ça va et plus il y a du boulot, alors il faudra à un moment ou un autre que je me décide. Pour le moment, ça me coûte beaucoup d’argent mais je fais des allers-retours entre le Brésil et la France.

Est-il difficile de travailler avec quelqu’un comme Stéphan ?
C’est une bonne question ! Personne ne me l’a encore posée ! C’est quelqu’un de très exigeant, qui sait exactement ce qu’il veut, mais en même temps j’ai été très surpris par son ouverture d’esprit. Quand je suis arrivé en France, j’avais vraiment peur de travailler avec un « guitar hero » et ça a été une surprise car non seulement c’est très facile de travailler avec lui car c’est quelqu’un de vraiment bien humainement parlant. Musicalement parlant, c’est beaucoup de travail mais c’est très intéressant. La musique d’Adagio est bien loin des progressions d’accords traditionnelles comme le « I-IV-V »…
Stéphan Forté : C’est quand même du « I-IV-V », mais avec des substitutions.
Gus Monsanto : Beaucoup de substitutions !

Prévois-tu d’écrire des paroles pour le prochain album d’Adagio ?
J’ai déjà écrit des trucs pour cet album mais pour une raison ou pour une autre ils n’apparaissent pas sur l’album. Ca sera peut-être pour la prochaine fois. On a beaucoup discuté des thèmes que nous voulions aborder sur Dominate , mais Stéphan avait déjà écrit toutes les paroles et, ce n’est pas pour flatter son ego mais ses paroles sont vraiment bonnes. Pour moi, elles constituent un des points forts de cet album, ce sont de bonnes histoires.

Parlez nous de votre concert le 29 juin prochain à Paris.
Stéphan Forté : Nous faisons la première date de la tournée à l’Elysée Montmartre. Il y aura autant de titres de Dominate que de Sanctus Ignis et Underworld , on va essayer de prévoir quelque chose d’équilibré et d’assez différent que ce qu’on a fait la dernière fois.

Une tournée est également prévue en septembre avec le groupe Andromeda en première partie. Etes-vous contents de partager l’affiche avec ce groupe phare de la scène metal prog actuelle ?
Bien sûr, je suis content qu’un groupe comme Andromeda nous accompagne sur la tournée. Je n’ai pas encore écouté leur dernier album mais il parait qu’il est très bien. Ca devrait être super.

Sur l’édition japonaise de Dominate l’ordre des deux premiers morceaux a été inversé, « Fire Forever » est avant « Dominate ». Pouvez vous expliquez ce choix ?
Tout simplement parce que « Fire Forever » est plus destiné au marché japonais, c’est un titre typique… (NdR : le fou rire reprend). Gus, peux-tu répondre ?
Gus Monsanto : Je pense que les Japonais sont plus attirés par le côté mélodique d’Adagio alors que les Européens et les Américains préfèrent le côté sombre et progressif du groupe, et c’est la raison pour laquelle il y a eu ce changement. Je pense vraiment que « Dominate » est un bien meilleur titre pour ouvrir l’album. Si je devais choisir entre les deux versions, je n’achèterais pas la version japonaise, même s’il y a un titre bonus.

Pour finir cette interview, pouvez-vous nous dire pourquoi vous avez choisi de reprendre « Fame » ?
Reprendre « Fame » a été un véritable défi pour nous. Nous voulions faire une reprise et c’est Stéphan qui a apporté l’idée de faire « Fame », chanson qui a eu un énorme succès dans les années soixante-dix. Quand il m’en a parlé, je lui ai dit que les couplets pouvaient coller au style d’Adagio mais que les refrains étaient beaucoup trop joyeux. Stéphan m’a répondu de lui faire confiance et le résultat est excellent. Beaucoup de gens l’adorent, d’autres pensent que c’est bizarre, mais nous savions par avance que nous aurions des réactions aussi extrêmes. Un grand magazine français a dit d’Adagio qu’il aimait prendre des risques et « Fame » est simplement un risque supplémentaire et je suis content qu’on l’ait pris.

Propos recueillis par Julien Damotte et François-Xavier Fillon

site web : http://www.adagio-online.com

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