Discus

Set-list : Contrasts – Breathe – Nanggroe – Condissonance (1st) / extrait de Music For 5 Players – Makassar Medley – System Manipulation – Verso Kartini – Anne – Rappel : Lamentation & Fantasia Gamelantronique – Doc’s Tune

Discus, le groupe tant attendu de la soirée, fait son apparition à 23h15. Les Indonésiens sont bien escortés : la TV indonésienne est présente, de même que Madame l’Ambassadrice, Budi Dhewajani, qui a pondu un joli petit discours sur les musiques progressives de son pays. A noter aussi la présence du chanteur Fadly du groupe Padi, plus que connu dans son pays.
Pas de temps à perdre et, déjà, c’est la folie ! L’aspect visuel n’est pas en reste tant l’impression donnée par ces neuf Indonésiens est immense. Dès l’introduction de « Contrasts », le titre-phare de leur premier album, la bande de Iwan Hasan détruit tout sur son passage! Et voilà que survient un ange gracieux à la voix majestueuse, Yuyun ! C’est parti pour deux heures dantesques qui laisseront le public ébahi ! Mais qu’est-ce qui leur prend à ces Indonésiens de nous servir un tel répertoire de la plus haute exigence avec une telle facilité, quelle revanche ont-ils à prendre sur trente années de musiques progressives occidentales? Jazz rock, jazz, prog, metal, World-Music, musique contemporaine, RIO, pop rock, tous les styles sont abordés avec une facilité déconcertante et mêlés avec bonheur à la culture indonésienne qui est déjà un melting-pot fort complexe. Bien que très contrastée et surprenante, la musique de Discus reste toujours très structurée malgré les digressions qu’elle s’autorise.

Après un « Breathe » des plus sauvages sur lequel Anto Praboe, le saxophoniste-flûtiste-clarinettiste, s’est illustré par ses agressives parties parlées (limite death), le groupe s’est lancé dans un nouveau morceau très pop, « Nanggroe », dans lequel les voix de la superbe Yuyun et de Fadly, l’invité de la soirée, firent merveille. S’ensuit un magnifique « Condissonance », instrumental entièrement acoustique du premier album, où le groupe se réduit à trois sur scène : Ivan Hasan qui abandonne sa guitare électrique pour une guitare harpe traditionnelle à 21 cordes, Anto Praboe à la clarinette basse et Eko Partitur au violon. Les Indonésiens étonnent par l’utilisation de gammes de gamelan – la musique traditionnelle de Java et Bali, basée sur des instruments percussifs ou à vent – si éloignées de nos standards occidentaux.
Arrivés à un tel niveau de maîtrise de leur art, il n’est plus nécessaire d’appliquer tel ou tel critère de virtuosité à ces instrumentistes hors pair. Le « Makassar Medley » est prétexte aux improvisations les plus insensées où l’entrejeu saxophone/guitare ou violon/guitare est proprement phénoménal, sans parler des luttes que se livrent parfois les deux claviéristes, Krisna Prameswara et Fadhil Indra. Si l’on devait émettre une critique, on pourrait reprocher un son par trop synthétique au guitariste rythmique, Erl Pramuji.

Le public chauffé à blanc reprend le chant introductif de « System Manipulation » et est littéralement « explosé » par ce morceau qui fait passer Dream Theater pour des enfants de chœur (rhaaa ce thème jazzy repris à l’unisson pas Iwan et Anto). Et nous n’avons encore point parlé de l’époustouflante section rythmique ! Entre un Kiki Caloh qui joue de sa basse comme s’il s’agissait de son dernier concert et Hayunaji qui tricote des rythmes improbables, Discus tient un duo démentiel qui se met en évidence dans « Anne », morceau de vingt minutes dédié à Anne Franck. Discus y est proprement superlatif ; les harmonies vocales étonnent, les parties instrumentales décoiffent et que dire de ce final digne du « Oh Soon » de « Gates of Delirium »! C’est sous des appels incessants d’un public aux anges reprenant les choeurs de « System Manipulation » que les musiciens, visiblement heureux de leur soirée au Z7, le gratifièrent de deux excellents rappels provenant de leur premier album.

On se plaint souvent que le rock progressif se cherche, hanté qu’il est par la lourde pesanteur de son passé. Il faut convenir que ce genre de discours n’est plus de mise avec des groupes qui, comme Discus, défrichent de nouveaux horizons sans complexes aucun. C’est un grand mérite de l’équipe du PROGSOL que d’avoir tenté et réussi ce pari audacieux. Certes, la carte de la sécurité a été jouée avec les pâles The Watch. Force est de constater que ce ne sont pas eux qui vont assurer la renommée du PROGSOL mais bel et bien de jeunes groupes prometteurs comme Liquid Scarlet ou des artistes novateurs qui ne s’embarrassent d’aucun préjugé. L’édition 2005 du PROGSOL a été une très grande réussite malgré toutes les difficultés inhérentes à ce genre d’organisation. Gageons que l’édition 2006 poursuivra sur cette lancée. Les idées doivent déjà fourmiller dans la tête des organisateurs. On pourra toujours leur en donner une ou deux le cas échéant. De toutes façons, Progressia y sera !

Jean-Daniel Kleisl

site web : http://www.progsol.net

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