– Pink Floyd / R. Petit

BALLET : PINK FLOYD / ROLAND PETIT

 

Artiste : « Pink Floyd » – Asami Maki Tokyo Ballet dirigé par Roland Petit
Lieu : Théâtre des Champs Elysées, Paris
Date : 10 septembre 2005


Alors que l’actualité du Floyd n’a pas été aussi riche depuis presque dix ans (livre de Mason, réunion du Live8, et sortie de l’opéra rock de Waters), c’est dans un contexte inédit pour Progressia que Pink Floyd a fait parler de lui, via le chorégraphe Roland Petit. C’est en effet sous la forme d’un ballet orchestré par le Français et dansé par l’Ensemble Asami Maki de Tokyo que la musique de Waters & Co a à nouveau pris vie. Une splendide réussite !

Set-list : Run Like Hell – Money – Hey You – Anybody Out There – Nobody Home – The Great Gig In The Sky – One of These Days – Careful With That Axe Eugene– Echoes Part 1 – Run Like Hell (Live) – Echoes Part 2. Rappel : One Of These Days

C’est dans le magnifique cadre du Théâtre des Champs-Élysées, ses trois étages et sa splendide coupole que l’évènement se tenait. Roland Petit avait prévu deux dates à Paris, pour cette représentation qui a déjà fait le tour du monde, et dont la première version date de 1973. Ayant découvert Pink Floyd par l’intermédiaire de sa fille en 1972, Petit avait rencontré le groupe à Londres et obtenu le droit de chorégraphier leur musique, le groupe lui-même ayant joué ses propres morceaux lors de certaines représentations.

Aujourd’hui octogénaire on ne peut plus vert, Petit occupe le Théâtre qui l’avait accueilli pour sa première prestation en… 1945 ! Une salle comble et diverse (familles, « djeuns » et « moins djeuns ») remplit les travées et les balcons, alors que le concert démarre sur « Run Like Hell ». Etrangement, c’est un danseur étoile isolé qui porte à bout de bras l’interprétation de ce titre énergique : il marque le tempo sur les parties calmes du titre avec tout son corps et « explose » sur chaque lancée de guitares de Gilmour. Sur « Money », on a même droit à trois danseurs mimant le tiroir-caisse avec une coordination impressionnante. Mais les choses sérieuses ne débutent que sur le poignant « Hey You », sous forme d’un duo masculin / féminin plein de grâce, où les corps s’entrelacent le long de la ligne de basse de Waters, avec une fluidité magistrale. Dans une absence quasi-totale de décorum et un éclairage très simple, les quelques effets lasers de « Anybody Out There » surprennent : un cercle lumineux symbolise ainsi l’isolement du danseur. On comprend vite que ce spectacle est un monde en soi qui ne se contente pas de reprendre l’imagerie du Floyd, à part la marche militaire de « Nobody Home », et qui évite de tomber dans les clichés. Ainsi, l’absence d’« Another Brick in The Wall » est un choix judicieux.

« The Great Gig in the Sky » fait figure de libération après l’étouffement de toute cette partie consacrée à The Wall, et deux portés « escalier » – la danseuse semble littéralement monter un escalier imaginaire, aidé par son camarade masculin – font sensation. Suivent deux moments particulièrement surprenants, une preuve d’amour de toutes les périodes du Floyd : « One of These Days » est interprété par près de quarante danseurs sautillants le long de ce morceau en deux temps, tandis que « Careful With That Axe Eugene » s’achève sur une nuée de danseuses hurlantes lorsque Waters se déchire la voix (la suite de ce morceau s’arrêtant cependant brutalement, fait étrange lorsque l’on constate que Petit a respecté le reste du temps toutes les durées des morceaux…). Arrive le grand final avec « Echoes », et ses corps au rythme des « bip » d’introduction, avant que l’ensemble des danseurs n’imite l’albatros évoqué par Gilmour et ne se dissolve en de multiples particules avant de se recomposer pour la version live, sortie sur le coffret The Wall, de Run Like Hell. Ici, ce sont des danseurs hip-hop qui offrent une relecture moderne de la chorégraphie, dont le très connu Slyde, et qui restituent parfaitement le côté martial et tout en puissance du titre (figures acrobatiques, simulations de bagarres…). On n’y croyait plus, mais la troupe enchaîne immédiatement avec la seconde partie de « Echoes » : arrivant à incarner la partie centrale totalement abstraite du titre avec des duos hommes/femmes, les danseurs forment une onde magnétique en progression, pour illustrer le final.

Après une quantité impressionnante de rappels du public, et quelques remerciements, les danseurs reviennent pour réinterpréter « One of These Days », avec un départ en forme d’éclosion de fleurs, et un cercle en mouvement lorsque le groupe démarre enfin, portant en son centre un nouveau couple. Que dire, sinon qu’il est impossible de restituer un spectacle par nature entièrement visuel, sinon qu’il laisse des images plein la tête. Difficile, après coup, d’écouter le Floyd de la même manière tant les idées de Petit collent à la musique et s’imbriquent parfaitement aux émotions procurées par chaque titre. Une très belle surprise que ce ballet, et une démonstration supplémentaire de l’importance du patrimoine, pas seulement musical, laissé par les Anglais.

Djul

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