Attica – Attica

ENTRETIEN : ATTICA

 

Origine : Belgique
Style : Rock / Free Jazz
Formé en : 2002
Line-up :
Amaury Massion : Voix, trompette
Gilles Mortiaux : guitares, synthétiseurs
Max Gendebien : guitares électriques et acoustiques
Colin de Bruyne – batterie
Cyril de Haes- basse
Discographie : You Are In Danger (2004)


L’une des révélations 2004 du  » rock en mouvement « , pour paraphraser son chanteur, ne vient pas de la sphère progressive stricto sensu. Attica est un groupe qui revendique sa liberté, et s’amuse avec les conventions musicales établies : à la fois rock et jazz, groupe accessible à la sensibilité pop ou d’improvisation pure, le quintette s’affirme comme la relève belge, après Deus dans les années quatre-vingt-dix.

Progressia : Peux-tu nous présenter le groupe Attica et ses origines ?
Amaury Massion (voix, trompette)
: Attica est un groupe de rock guidé par un esprit de découverte et d’improvisation. C’est du rock en mouvement, un rock non figé et c’est probablement pour cela que nous utilisons du jazz. Notre son est un son typique du rock moderne mais nous aimons briser les structures pour explorer l’interprétation des morceaux, pour plus de liberté et de spontanéité. Ce mode de fonctionnement s’est imposé progressivement et très naturellement depuis les débuts du groupe, il y a deux ou trois ans.

Quel est le lien entre votre nom et le concept du groupe ?
Le nom du groupe vient d’un album d’Archie Shepp, Attica Blues (1972). Attica est la prison de New York où, dans les années soixante-dix, des conditions de détention inhumaines ont poussé les détenus à une révolte réprimée dans le sang. C’est un événement emblématique pour le mouvement free jazz et la liberté en général. Nous avons donc choisi ce nom pour refléter notre volonté de développer un rock ouvert (free), libre, sans tomber pour autant dans l’expérimental, difficile d’accès.

Peut-on dire d’Attica qu’il est un groupe de rock incorporant des éléments et des instruments typiques du jazz, à l’inverse de la démarche jazz fusion des années soixante-dix ?
Exactement. Comme notre démarche n’est pas fréquente, les gens nous placent dans la catégorie jazz rock, mais il faut faire attention car je crois que notre musique est très loin de cela. Nous écrivons des chansons fondamentalement rock basées sur la mélodie mais en utilisant des outils du jazz, comme la liberté d’interprétation et une certaine improvisation collective.

Quelle était la formation de départ des membres du groupe : jazz, rock, autres ?
Définitivement rock au départ et puis jazz. Donc, par rapport à ce que je viens d’expliquer avant, notre musique reflète cette évolution.

Quelle est la part d’improvisation sur les titres de l’album ? Et qu’en est-il sur scène ?
L’album a été totalement enregistré en live, car il était crucial pour nous de jouer tous ensembles pour développer cette communication permanente, vu que les morceaux ne sont jamais figés. Bien sûr, en live, l’ambiance peut totalement nous électriser et nous pousser beaucoup plus loin que sur l’album. Mais de toutes façons, chaque concert est une expérience totalement unique.

Pour en venir à l’album,  » Sober Blues  » est l’un des moments forts, de par sa durée et ses expérimentations. Peux-tu nous en dire plus sur la composition de ce morceau ?
C’est un morceau très introspectif et personnel, puisque je parle d’une déception amoureuse. C’est aussi un des morceaux les plus ouverts de l’album car il ouvre vers une partie totalement improvisée sans aucune structure harmonique, alternant les passages plus calmes aux passages plus violents et excentriques. Peut être à l’image de l’amour…

D’une manière plus générale, il semble que l’un des penchants d’Attica soit d’alterner des passages très minimalistes avec des envolées beaucoup plus riches musicalement…
C’est vrai. Aujourd’hui, beaucoup d’albums rock actuels sont des espèces de blocs compacts où la notion de dynamique a quasi complètement disparu, sacrifiée à la mélodie et à l’harmonie. Tout y est remis à plat. On préférera ainsi enlever un instrument plutôt que de le jouer moins fort. Sur notre disque, au contraire, on n’a pas voulu laisser tomber cet aspect-là des choses.

« Sweet Rain » fait immédiatement penser au Pink Floyd des débuts. Est-ce un hommage volontaire ?
Non vraiment pas volontaire du tout. J’étais même surpris au début par cette comparaison. Mais ceci dit, on aime beaucoup Pink Floyd et je crois que leur démarche musicale est proche de la nôtre. Surtout le Pink Floyd des débuts.

Les instruments employés par le groupe sont parfois surprenants : pourquoi employer des synthétiseurs analogiques et un sextette de cuivres dans un contexte rock ?
La réponse est « pourquoi pas » ? Nous essayons de nous mettre le moins de barrières ou de convenances possible. C’est simplement une recherche de son. Si un morceau demande un synthé analogique ou des cuivres, on le fait. Et puis, on aime inviter à l’occasion des invités pour élargir nos horizons.

Comment avez-vous fini avec une fanfare entière sur « 127 bis » ?
« 127 bis » est un centre de transit pour réfugiés en Belgique qui attendent d’être renvoyés chez eux. Ces gens sont mis en « prison » alors que la seule chose qu’ils demandent c’est un droit d’asile. Les conditions de détention sont très difficiles. Il y a quelques années une femme a été étouffée par des policiers alors qu’ils essayaient de la ramener en avion vers son pays. Ça a été un grand scandale en Belgique.
Bref, l’idée de la fanfare vient de là je crois. On voulait une fanfare typique de village pour avoir un son très brut, très roots pour refléter ce sentiment d’un cirque décadent. L’absurdité de notre société, mais l’espoir aussi.

Pourquoi avoir choisi « Riverman » dans la discographie de Nick Drake pour une reprise ?
« Riverman » s’est imposée à nous. Je crois que ce morceau de Nick Drake frôle la perfection. Il est simple et à la fois on peut l’écouter mille fois sans s’en lasser. On n’avait pas du tout prévu de l’enregistrer pour l’album, mais un jour en studio quelqu’un a lancé l’idée. On a fait une prise et c’était bon.

Parmi les autres influences du groupe, on relève Deus ou encore Coldplay. Vous retrouvez-vous dans ses références ?
Oui tout à fait. Deus a été le premier groupe belge à devenir internationalement connu. Ils ont montré la voie. Comme eux, on a la volonté de se démarquer, d’explorer mais sans rentrer dans l’exercice de style. Mais c’est le cas de pas mal d’artistes en Belgique toutes disciplines confondues. Je crois que c’est le fait d’avoir un petit pays entouré de grandes puissances qui nous pousse à regarder tout autour de nous. Quant à Coldplay, je crois qu’on partage le goût d’un rock lyrique.

Au niveau de ta voix, on ressent l’influence de celle de Jeff Buckley ou Robert Wyatt…
Merci. Ce sont deux artistes que j’aime vraiment beaucoup .

Quel a été l’apport de Pierre Vervloesen lors de la production, très détaillée, de l’album?
Pierre est quelqu’un d’exceptionnel et de très reconnu en Belgique. C’est lui qui a produit le premier Deus notamment. Il a fait un boulot d’enfer sur le disque. En fait, on avait déjà tout enregistré et c’est le label (Carbon7) qui nous l’a présenté. Il a tout de suite proposé de remixer tout l’album. Tout en ajoutant sa touche personnelle, il a tout à fait respecté l’intention des prises originales et c’est ça tout son génie.

On sent une vraie attention sur le souffle de la voix et des instruments lors des passages les plus calmes…
Oui bien sûr. Le timbre et le son qu’on cherche sont très importants pour exprimer les émotions que l’on veut faire passer. Parce que la musique, c’est ça finalement. Faire passer un message, des sentiments durs ou moins durs.

Quel retour avez-vous jusqu’à présent de la presse et du public ?
Excellent retour de la presse et du public !!! Et je crois que c’est le plus important. Evidemment nous ne disposons pas des moyens promotionnels que certains artistes ont chez les majors mais ça, c’est une autre histoire…

Penses-tu qu’Attica puisse toucher le grand public, ou que le groupe est réservé à une audience d’avertis ?
Notre musique n’est sûrement pas réservée à un public d’avertis, enfin je l’espère !!! Non, je crois que c’est une musique où l’on doit faire l’effort d' » écouter  » et pas en bruit de fond. Mais c’est vrai que c’est peut être plus dur d’accès que la Star Ac’…

Vous tournez beaucoup en Belgique. Quid des autres pays francophones ?
On n’a pas encore beaucoup tourné hors de la Belgique…mais bientôt en France si tout se passe bien….

Sur scène, quelle formation employez-vous, restreinte ou élargie ?
Ça dépend de nos envies et de l’endroit bien sûr. Mais quand on le peut, on invite des guests comme un tromboniste ou une clarinettiste.

Que penses-tu de la scène rock en Belgique, avec Deus, Hoverphoonic et d’autres, qui commencent à trouver un vrai écho au-delà des frontières ?
Je trouve ça très positif pour le rock belge en général et pour le reste du monde qui commence à s’intéresser à ce qu’on fait. C’est clair que tous les groupes belges profitent de cette publicité. C’est un peu comme tous les groupes nordiques qui émergent aux yeux du grand public ces derniers temps.

Quels sont vos projets à court terme, et un nouvel album est-il à l’ordre du jour ?
D’abord présenter l’album un maximum en live pour le digérer dans nos têtes et puis par la suite, se mettre petit à petit au travail pour un suivant. Mais nous sommes assez perfectionnistes, donc ça peut prendre du temps.

Quel effet cela fait-il de se retrouver dans un web-magazine dédié au progressif ?
C’est un peu bizarre parce que notre musique n’est pas ce que l’on appelle traditionnellement du rock progressif mais plutôt du rock en mouvement, organique. Mais en même temps, le progressif essaie comme nous de proposer quelque chose de différent, quelque chose qui est en mouvement, en progression. Et donc le lien est vite fait.

Propos recueillis par Djul

site web : http://www.atticaproject.com

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