Saga – Saga

ENTRETIEN : SAGA

 

Origine : Canada
Style : Rock progressif
Formé en : 1977
Composition :
Michael Sadler – chant
Ian Crichton – guitares
Jim Gilmour – claviers
Jim Crichton – basse
Christian Simpson – batterie
Dernier album : Network (2004)


A peine sortis d’une tournée pour promouvoir Marathon, les vétérans de Saga reviennent déjà sur le devant de la scène, avec Network, décrit comme un nouveau départ pour ce groupe de plus de vongt-cinq ans d’âge. Rencontre avec Michael Sadler et Jim Gilmour, visiblement harassés par leur tournée et habiles dans l’art de l’esquive, mais qui savent jouer les plaisantins à bon escient !

Progressia : Avant d’en venir à Network, revenons sur la période 1999-2003, au cours de laquelle vous êtes revenus à votre son d’origine. Comment expliquez-vous ce  » cercle vertueux  » qui vous a amené à sortir trois albums coup sur coup ?
Michael Sadler
: L’inspiration, tout simplement, même si je ne saurais dire d’où elle est venue. Il y avait véritablement quelque chose dans l’air à cette époque, et aussi une forte prise de conscience du groupe, de l’identité Saga. De même, nos différentes tournées de l’époque ont également contribué à cet état d’esprit.
Jim Gilmour : Nous sommes juste revenus à ce que nous adorons faire !
Michael Sadler : Il était le temps de se remettre à faire des recherches musicales. Nous l’avons toujours fait, je crois, et il est vrai que 1999 a été une véritable renaissance pour le groupe. Très franchement, on a eu l’impression de redémarrer Saga, cette période a été très excitante.

Mais y avait-il à l’époque une réelle volonté de revenir au son qui vous a fait connaître ?
Michael Sadler : Non, il n’y avait rien de conscient. Au contraire, ce fut spontané, comme la manière dont se sont passées les choses à nos débuts. Nous n’y avons pas pensé, nous n’avons pas cherché à planifier notre album ni la suite de notre carrière.
Jim Gilmour : Si nous avions fait cela, chacun de nos albums aurait sonné exactement de la même manière ! Là, rien n’était prémédité… tout au plus peut-on parler de progression naturelle du groupe.

Au sujet des trois albums en questions, peut-on parler d’une trilogie ?
Jim Gilmour : En termes de production, cela me semble évident. Pour le reste, musiques et paroles, c’est avec le recul d’aujourd’hui qu’il me semble que ces trois disques forment une trilogie. Network s’éloigne en revanche de cet ensemble.

Avec cette trilogie, vous avez achevé la série des  » Chapters « . Est-il toujours question de sortir un album avec les Chapitres dans l’ordre?
Michael Sadler : Un album sortira en janvier ou février, avec tous les chapitres dans le bon ordre, tirés de nos derniers concerts. Lors de notre dernière tournée, nous jouions les chapitres un à huit un soir, et les Chapitres neuf à seize le soir suivant, et ainsi de suite. Nous avons désormais toutes les bandes à disposition, il ne nous reste à sélectionner que les meilleures performances pour chaque titre.
Ce sera un double album, uniquement basé sur les dates européennes du Marathon Tour. Nous ne prévoyions pas de retoucher les performances que nous choisirons, ce sera  » brut « . Et tout sera expliqué, tout sera clair (rires). Je suppose qu’il y aura une petite explication dans le livret. Cela dit, je trouve que les paroles en elles-mêmes, mises bout à bout, avec les titres dans le bon ordre, sont assez parlantes, et donneront une meilleure idée de l’histoire que nous écrivons depuis vingt-cinq ans.

Le concept des  » Chapters  » est-il clos pour toujours, ou une nouvelle série pourrait-elle voir le jour ?
Michael Sadler : Je ne dirais pas que nous ne voulons plus y revenir. En revanche, nous n’en parlerons plus avant longtemps, et nous n’avons aucun plan incluant une telle idée dans l’immédiat. Mais cela pourrait arriver !

Avant la sortie de Network, votre discographie a été l’objet d’un remastering. Avez-vous été consultés et êtes-vous heureux du résultat ?
Michael Sadler : Nous sommes ravis, et avons été mis à contribution. En fait, c’est Steve Negus qui s’est chargé du remastering, et nous avons écouté chaque titre avant qu’il soit envoyé à la maison de disques.

Vous reste-t-il des morceaux inédits, ou est-ce que tout a été utilisé pour ces nouvelles éditions ?
Michael Sadler : Il nous reste encore beaucoup de choses sous le coude. Peut être allons-nous les ressortir (sourire malicieux). Certains vieux titres inédits pourraient revoir le jour (rires) !

Pourquoi avoir ressorti Full Circle, vu qu’il s’agit d’un album récent (1999) ? Est-il différent de l’album original ?
Michael Sadler : Nous l’avons fait à la demande de la maison de disques, ce fut leur décision. Pour eux, la remise à jour de toute la discographie était une bonne idée en termes de marketing, et parfois, il faut suivre leurs conseils, et les laisser faire ce qu’ils souhaitent. Mais je ne suis pas mécontent qu’ils aient inclus cet album, même s’il est sorti récemment : cela permet d’avoir tous les disques au même standard de production. C’est surtout pour les collectionneurs, tu sais, une idée marketing quoi (rires gênés).

Au sujet de Network, pourquoi avoir choisi ce titre ?
Michael Sadler : En fait, nous avions choisi un titre de travail pour ce disque, Relativity. C’est toujours important d’avoir un mot, un titre sur lequel se concentrer en studio, nommer ce sur ce quoi on travaille. À la fin du processus de production, Jim Crichton a trouvé une vieille photo d’un poste de radio sur Internet, et c’est devenu la pochette du disque. Nous cherchions un mot pouvant coller avec cette image. Nous avions trouvé  » Frequencies « , tout un tas de mots, et quelqu’un a proposé Network, ce qui sonnait parfaitement. Tout cela s’inscrivait parfaitement dans les paroles de trois ou quatre titres de l’album, qui traitent de la télévision.
Ce n’est pas un concept album, mais effectivement, il a beaucoup à dire sur cet objet de notre quotidien. Les gens l’utilisent pour de mauvaises raisons et ne lisent plus autant qu’autrefois, puisqu’ils ont leur boîte dans leur salon qu’ils peuvent allumer automatiquement. Ils ne se mettent plus autour d’une table pour discuter, mais ils regardent de la télé-réalité, un mot plein de contradiction.
Malgré cela, il y a tout de même quelques programmes que j’apprécie, lorsque nous sommes en tournée par exemple. Cependant c’est juste un outil de détente, probablement pas d’information. Mais le fait de l’allumer juste parce qu’elle est là, c’est grave ! Il faut l’éteindre pour voir la réalité.

Quelle a été votre approche dans la composition de ces nouveaux titres ?
Michael Sadler : Nous n’avions pas d’approche préétablie, comme cela a d’ailleurs toujours été le cas par le passé pour Saga. Chacun apporte sa pierre à l’édifice, et chaque idée doit faire l’objet d’un consensus au sein du groupe. Au moment de l’enregistrement, procéder autrement serait une catastrophe : si on me demande de chanter un titre que je n’aime pas, mais que tout le groupe souhaite la voir figurer sur l’album, alors très bien, mais je ne la chanterai jamais avec autant de passion qu’un titre qui me convient. Nous devons donc apprécier l’idée ou le titre tous les cinq.
Pour les derniers albums, nous travaillons chacun de notre côté, puis nous mettons le tout en commun. On travaille sur soixante ou soixante-dix titres en général, on écoute absolument tout, pour n’en sélectionner que vingt et enfin pour aboutir à une sélection de dix morceaux, que nous répétons ensuite à l’infini en studio. Pour ce disque, lorsque est venu le moment d’enregistrer, nous avons enregistré chaque partie directement, comme s’il s’agissait d’une prise live, notamment pour les guitares et la batterie.

Vous n’avez pas eu de difficultés à intégrer Christian, votre nouveau batteur ?
Michael Sadler : Etonnamment, non ! Il avait probablement plus d’appréhension que nous car il devait travailler et jouer avec un groupe établi, qui possédait le même batteur depuis les débuts. Il nous a demandé si nous souhaitions qu’il joue exactement comme Steve (NdR : Negus), ou s’il pouvait mettre de lui-même sur les parties. Nous lui avons demandé de jouer comme il le sentait, à condition de respecter le tempo que nous lui donnerions pour chaque titre, et tout s’est parfaitement passé !

Le départ de Steve est-il temporaire ?
Michael Sadler : Il y a eu une erreur de retranscription dans notre communiqué de presse à ce sujet : ce dernier expliquait que Steve avait pris un congé sabbatique et que s’il souhaitait revenir, il serait accueilli à bras ouvert. En fait, il ne fait plus partie du groupe officiellement. Christian est notre nouveau batteur, Steve a pris la décision de changer de style de vie, et nous lui souhaitons le meilleur. Nous restons cependant en contact avec lui, c’est un ami, nos chemins professionnels se sont juste séparés. Si Christian décidait de partir, peut être reconsidérerions-nous cette position (rires) !

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Pour revenir à la production de Network, pourquoi avoir choisi un enregistrement quasi-direct des parties de guitares et de batterie?
Jim Gilmour: Nous avons passé énormément de temps à jouer les titres en studio, et à les modifier légèrement à chaque fois, mais certains titres ont été enregistrés directement après avoir été arrangés.  » On The Air « , qui est un titre long et complexe, nous a demandé du temps pour le structurer. Mais ensuite, nous l’avons enregistré une fois, laissé de côté, puis y sommes revenus deux semaines après : tout sonnait parfaitement, et nous n’avons rien refait !
Michael Sadler : C’est quasiment un disque en concert, sans public !

Mais cela implique que vous avez dû enregistrer ce disque très rapidement, sûrement plus vite que tous vos albums précédents !
Jim Gilmour : Tout à fait ! Mais nous avions pris notre temps pour répéter les titres, pour qu’ils soient prêts. Nous avons rien changé durant l’enregistrement et nous n’avons pas perdu de temps à modifier de manière digitale les parties. En fait, nous n’avons quasiment pas refait de prises, nous ne sommes restés en gros que dix jours en studio, un jour par titre !

On a le sentiment que Jim est un peu le meneur sur ce disque, avec beaucoup de morceaux qui sont basés sur ses parties de claviers ou de piano…
Jim Gilmour : C’est vrai ! Pour  » Believe « , un piano traînait dans un coin du studio, et j’ai décidé de monter quelques-uns de mes synthétiseurs autour, en me disant :  » Pourquoi ne pas essayer ? « . Nous n’avions pas utilisé beaucoup de piano auparavant, et le morceau s’y prêtait. Mais il n’y avait aucune préméditation par rapport à mon rôle sur ce disque.

Tout à l’heure, vous parliez du morceau  » On The Air « . Ce titre semble être un patchwork de vos premiers albums…
Jim Gilmour : Non, ou en tout cas, ce n’était pas notre attention. Encore une fois, ce titre a été composé spontanément. C’est vrai qu’il a beaucoup de parties différentes, qu’il fallait les arranger et rendre le tout cohérent, mais rien qui n’ait été composé pour ressembler volontairement à nos première heures.

Sur votre site web, vous parlez souvent du lien entre Saga et la technologie, et plus précisément de votre sponsor, les claviers Korg. Comment se passe votre relation avec eux ?
Jim Gilmour : Korg me fait parvenir de nouveaux instruments régulièrement, et ils nous aident vraiment. À mon niveau, j’aime changer mon matériel tous les deux ans, pour rester à jour. J’aime apprendre autant que je peux d’un clavier, notamment la programmation des sons, et essayer ensuite d’y mettre un peu de moi. C’est toujours fantastique de pouvoir leur montrer une possibilité qu’ils n’avaient pas entrevue.

En ce qui concerne le futur, Saga gardera-t-il son rythme d’un album tous les deux ans ?
Michael Sadler : Oui, c’est probable ! Une fois la tournée terminée, nous continuerons à travailler sur le prochain disque studio. Nous nous sentons d’attaque et inspirés. Auparavant, j’aimais autant la scène que le studio, mais aujourd’hui, c’est définitivement le fait de jouer devant notre public qui me motive le plus.
Jim Gilmour : De même !

Quel album choisiriez-vous pour faire découvrir Saga?
Michael Sadler : Mon album favori est Behavior, pour diverses raisons, toutes personnelles. Je sais que beaucoup de personnes choisirait un autre disque, mais c’est ainsi.
Jim Gilmour : Pour moi, ce serait Generation 13.

C’est amusant que vous citiez des disques connus pour être des ruptures dans la carrière de Saga…
Michael Sadler : Je pense que pour Behavior, c’est lié à ce qui se passait dans ma vie à cette époque. En l’écoutant, je me remémore ce à quoi je pensais à ce moment-là, et cela me donne toujours une sensation étrange. Rien qui ne soit lié au style ou aux morceaux, juste un attachement émotionnel.
Jim Gilmour : Pour Generation 13, c’est surtout la façon dont nous avions abordé le travail d’écriture que je retiens. Je me rappelle les innombrables journées pluvieuses, enfermées dans notre studio. Nous étions à Los Angeles, en février, et nous étions bloqués dans nos appartements à cause d’une pluie torrentielle dehors : une atmosphère très particulière.

Et je suppose que vu la complexité et la longueur de ce concept album, Generation 13 avait dû vous prendre des mois à mettre en place…
Michael Sadler : Tout à fait ! Je me rappelle du jour où ce projet a fini par m’exaspérer tout bonnement. Nous savions de quoi retournait l’histoire, mais nous devions enregistrer partie par partie, section par section. Nous avions un tableau à double entrée sur le mur,  » Partie  » (guitares, claviers etc…) et  » Section de l’album « . À chaque fois que nous enregistrions une portion, nous rayions la case correspondante, pour savoir où nous étions. Et je me rappelle le nombre d’heures passées dans la salle de contrôle du studio, avec l’impression d’être coincé depuis une éternité ici, sans avoir l’impression d’avoir avancé le moins du monde.
Sur le coup, ça m’a rendu vraiment furieux, je me suis rapproché du tableau et j’ai vu que les croix avaient été faites au crayon à papier ! Alors j’ai pris un gros marqueur bien gras et j’ai pris un malin plaisir à refaire ces fichues croix (rires) ! Je suis ensuite revenu vers le groupe en leur disant :  » mais en fait, les gars, on a déjà fait la moitié du chemin !  » (rires).
Jim Gilmour : Je me rappelle qu’à l’époque, au début de la nouvelle ère technologique, je pouvais emporter mon clavier chez moi, et travailler des idées. Chacun avait ses sections à travailler, dans son coin, puis une fois les parties enregistrées, on décidait s’il fallait changer les tonalités, l’interprétation, etc. En fait, cela se rapprochait de l’écriture d’un script. On sait par quoi cela commence et termine, mais il reste à créer la matière de l’histoire qui est au milieu. Cette manière de procéder est totalement contraire à celle employée pour Network, où nous étions dans un processus organique. J’apprécie les deux manières de travailler.

Avez-vous l’intention de tourner en Europe l’année prochaine, puisque votre première partie de tournée sur notre continent n’inclut pas la France ?
Michael Sadler : En vérité, elle est sur le point de l’être (rires) ! Aujourd’hui ou demain, nous devrions arriver à négocier cela. Nous souhaitons faire une pause lors des fêtes de fin d’année, et revenir vers janvier en Europe pour jouer en France, notamment, pour une seconde partie de tournée.

Lors de votre dernière tournée, vous jouiez avec A.C.T…. qu’est-ce que cela fait d’être une telle influence pour un jeune groupe d’aujourd’hui ?
Michael Sadler : C’est formidable ! Nous adorons ce qu’ils font, et avons passé avec eux la tournée la plus  » relax  » que nous ayons jamais faite. Ce sont de grands musiciens, toujours positifs. On pourrait dire  » c’était sympa  » ou ce genre de choses, mais là vraiment, je dois dire que ce fut une super tournée, un bon mélange pour le public, et ils ont été à la hauteur chaque soir. Ils méritent tout ce qui leur arrive ! Enfin… en bien (rires) ! (il s’adresse à Jim) Tu imagines qu’il nous dise juste après :  » Ils viennent juste de se séparer  » (rires) !
Nous devions avoir un groupe de première partie pour notre tournée en Scandinavie à la fin de l’année, mais il semble que cela ne se fasse finalement pas, et nous pensons évidemment à eux pour les remplacer !

Propos recueillis par Djul

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