– Ayreon – The Human Equation

DOSSIER : Ayreon : The Human Equation

Le cinquième album d’Arjen Lucassen, The Human Equation, représente une somme de travail et de créativité qui mérite une analyse approfondie. C’est aussi l’occasion de prendre un peu de recul pour mettre en perspective cette nouvelle œuvre avec la discographie du Hollandais.

1. Ayreon, un pluriel bien singulier

L’histoire d’Ayreon est tout à la fois celle de l’aventure d’un homme et celle de la naissance d’une nébuleuse, une variation permanente entre singulier et pluriel, dont la formule s’affine d’album en album.

Ayreon – The Final Experiment, la naissance

Arjen Anthony Lucassen, guitariste de deux mètres de haut, multi-instrumentiste et parfois chanteur, fourbit ses armes au sein de Vengeance au cours des années 80. C’est avec un hard-rock mélodique gai et ne recherchant pas nécessairement la subtilité (comme peut en témoigner le titre de leur second album, We have ways to make you rock, 1986) que le jeune guitariste se fait un nom, après avoir effectué ses premiers pas en tant que second guitariste au sein de Bodine (Three times running, 1982).

Toutefois, il faut attendre The Final Experiment, première manifestation discographique solo du géant batave, qui paraît en 1995 sous le nom d’Ayreon (patronyme du personnage principal de ce concept-album), pour déceler les éléments de ce qui deviendra le "style" Ayreon. En effet, c’est avec cet album que la formule est posée :
– un opéra rock ne lésinant pas sur les moyens, quitte à verser dans la grandiloquence
– une musique protéiforme faite d’influences metal, progressives et folk, et caractérisée par des riffs puissants et froids, un lyrisme échevelé et des choeurs fournis
– un scénario très "visuel" faisant intervenir plusieurs personnages dont les dialogues constituent les textes des morceaux, et les mettant en scène dans un contexte mêlant étroitement heroïc-fantasy et science-fiction
– et surtout, marque de fabrique indélébile, un casting vocal pléthorique et varié.

Si sur ce premier album, les moyens sont relativement limités en termes de production, et les "grands noms" sont rares, l’ambition est déjà clairement posée, et Lucassen s’en donne les moyens. The Final Experiment s’avère d’ailleurs être un succès surprise, alors même que l’on aurait donné bien peu cher d’une musique misant avant tout sur les mélodies et les émotions, en pleine vague brutale, dans une sphère rock encore marquée par la récente déferlante grunge. En effet, dans un premier temps, aucun label ne se montre intéressé par ce disque qui semble anachronique, jusqu’à ce qu’un petit label au catalogue alors limité, Transmission Records, décide de parier sur Lucassen. Résultat : 40 000 albums vendus dans les premiers temps, score plus qu’honorable pour le genre.

Actual Fantasy, une parenthèse ?

A posteriori, Actual Fantasy, sorti en 1996, apparaît à ce jour comme une parenthèse dans la discographie d’Arjen Lucassen, de par sa conception même. Contrairement au disque précédent et à ses successeurs, ce second album n’est pas un concept. Il présente la forme plus traditionnelle d’une sucession de titres indépendants, n’ayant pour seul point commun que d’être inspirés par des scénarios de films. La principale source d’inspiration de Lucassen, qui revendique n’avoir pas ouvert un livre depuis plusieurs années et détester par dessus tout la lecture, se trouve en effet du côté de salles de velours sombres à grand écran.

Le Hollandais est très clairement fanatique des films et feuilletons télévisés de science fiction de série B, qui constitueront son principal réservoir d’idées pour Actual Fantasy. Toutefois, il ne s’y limite pas sur cet album, et puise également son inspiration dans des films d’une plus grande qualité artistique. Ainsi, Le Nom de la Rose, film de Jean-Jacques Annaud, d’après l’extraordinnaire roman de Umberto Eco – que Lucassen n’a d’ailleurs pas lu – donne naissance au meilleur titre de l’album, "The Abbey of Synn", ou 2001, Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick constitue la trame de "The Dawn of Man".

Si cet album présente un certain nombre de titres intéressants, voire pour certains enthousiasmants, il est qualitativement en deçà du précédent, tant en termes de compositions (certains morceaux sont franchement dispensables et l’ensemble sonne de manière nettement plus linéaire que les autres disques du Hollandais) qu’en termes de conception et de production. Dans un souci de contrôle intégral sur le disque, Lucassen – multi instrumentiste certes, mais pas batteur – décide de programmer les parties de batterie. En résulte un son proche du glacial et un aspect véritablement synthétique. Cette impression est renforcée par le choix des sons de claviers et le traitement réservé aux voix : la plupart sont affectées de différents effets (vocoder, etc.) et, le casting étant plus réduit (trois chanteurs seulement, tous des hommes), l’ensemble sonne de manière nettement plus linéaire.

Le public semble d’ailleurs ne pas s’y tromper, puisque Actual Fantasy ne réédite pas le succès surprise de The Final Experiment. Lucassen lui-même admet aujourd’hui un certain nombre "d’erreurs" dans les choix esthétiques, et a plusieurs fois évoqué le fait d’un réenregistrement possible de ce disque.

Into The Electric Castle, premier coup de maître

C’est avec Into The Electric Castle (1998) que Lucassen, non content de renouer avec le succès de son premier album – qu’il dépasse largement -, élabore l’équation la plus fine, à partir des mêmes éléments de base. Ce troisième album apparait toujours aujourd’hui, même après la sortie d’un The Human Equation pourtant réussi, comme son disque le plus poussé.

Into The Electric Castle impressionne surtout par son casting, pléthorique et prestigieux. Pas moins de vingt-deux musiciens (onze chanteurs et onze instrumentistes), dont une série de grands noms (Fish, Damian Wilson, Anneke Van Giersbergen, Clive Nolan, etc.), pour une oeuvre protéiforme et ambitieuse, déclinée sur un double album empli jusqu’à la gueule d’un rock progressif lyrique et émotionnel, versant une nouvelle fois tant du côté d’un metal plombé (avec l’intervention de vocaux death à plusieurs reprises) que de celui d’un folk aérien, souvent au sein d’un même morceau.

L’album met en scène une série de huit personnages d’époques et d’aires géographiques différentes, plongés dans une aventure entre science-fiction, introspection et étude psychologique. Un Highlander, un chevalier, une Egyptienne, une Indienne, un barbare, un Romain, un Hippie et un "homme du futur" se trouvent projetés brutalement dans une dimension parallèle, sans la moindre explication et sans savoir ce qui leur arrive. Les premiers titres sont l’écho de leurs conjectures, tandis qu’une voix venue de nulle part, profonde et menaçante, leur indique peu à peu quelle sera leur "mission". Ils se trouvent en fait dans un monde virtuel, né de leurs peurs, rêves et fantasmes, qu’ils doivent traverser pour pouvoir rejoindre leur propre époque. Leur voie sera parsemée de défis, chacun devant y surmonter ses peurs les plus intimes, et certains y laissant la vie. Le dénouement apporte la réponse – extraterrestre – au mystère de la situation, qu’il n’est donc pas question de révéler ici.

Les bases musicales de ce troisième album ne sont pas forcément originales, on n’y retrouve rien qui soit véritablement innovant, mais le, fait des mêmes ingrédients que précédemment, prend cette fois extrêmement bien, grâce à un travail autant que musical et conceptuel. Le son est plus finement travaillé qu’auparavant : si les rythmiques sont toujours aussi implacables et rigides, ce qui est devenu une marque de fabrique, la texture sonore est plus riche et plus dense, notamment du fait que Lucassen, sur cet album, utilise nombre d’instruments vintage, de ceux qui, dans les années 70, signèrent pour l’éternité le "son" progressif. D’autre part, l’essentiel de l’attention porte sur la création d’ambiances propres à mettre en valeur des lignes de chant expressionnistes et terriblement émotionnelles. Le travail sur les climats sonores est extrêmement poussé, même si le fond musical reste identique et si ses limites sont toujours perceptibles (un certains aspect patchwork, quelques défauts de construction, etc.).

Into The Electric Casle reste à ce jour, LE grand succès artistique et commercial d’Ayreon.

The Universal Migrator part 1 & 2, un bilan plus mitigé

Lucassen met souvent en avant sa volonté d’expérimenter, de tester sans cesse, d’explorer de nouvelles voies d’expression musicale. La formule à succès de Into The Electric Castle reprennait en la développant celle de The Final Experiment. En 2000, avec The Universal Migrator, le Hollandais annonce vouloir passer à autre chose, explorer de nouvelles voies et nouvelles méthodes de composition. Il fait donc le choix de changer de formule pour ce nouveau concept, présenté cette fois sous la forme de deux disques bien distincts, sortis le même jour.

The Dream Sequencer, premier volet de l’histoire, est un disque entièrement calme, faisant la part belle à des titres atmosphériques et à des voix féminines (Lucassen espérait d’ailleurs n’y faire chanter que des femmes, dans un premier temps, ce qui fut impossible pour des raisons d’emploi du temps), tandis que Flight of the Migrator, second volume, ne renferme que des titres purement metal. Et c’est ainsi qu’en voulant rationaliser et systématiser ses compositions, et en les répartissant de manière stricte sur les deux disques (un calme, un "brutal"), Lucassen semble se fourvoyer, et perd à ce jeu l’essentiel de la substance d’Ayreon, et de ce qui faisait son succès auprès du public de la première heure.
Toujours dans cette volonté de séparer des ambiances jusque là étroitement mêlées, il décide de confier chaque titre à un chanteur, mettant ainsi fin aux dialogues et harmonies vocales complexes développées jusqu’alors. Ainsi, même si la liste d’invités de ces deux disques est pléthorique et déborde de grands noms (Neal Morse, Bruce Dickinson, Floor Jansen, Lana Lane, Johan Edlund, Russel Allen, Timo Kotipelto, Ralf Scheppers, etc.), l’album est terriblement fractionné, et souffre de la totale absence d’interactivité entre des voix dont la complémentarité ouvrait pourtant des pistes intéressantes. Cet éclatement de l’album en titres trop distincts et différents nuit à la clarté du concept, et fait perdre l’essentiel de son intérêt au propos. The Universal Migrator est donc un double album beaucoup plus heurté que ses prédecesseurs, et dans lequel l’auditeur peine à trouver ses marques. Fractionnant ainsi le processus d’écriture, Lucassen semble avoir atteint les limites d’une formule à plusieurs chanteurs : sans interaction, l’unité de l’oeuvre se délite.

Du côté du concept, Lucassen pousse la science fiction au maximum : l’histoire se déroule au XXIIe siècle, dans une colonie humaine sur Mars, alors que la Terre est entièrement détruite par une nouvelle guerre mondiale. La colonie est à son tour peu à peu anéantie par le manque de ressources, alors qu’elle ne peut plus être approvisionnée par une Terre dont la vie a disparu. Le dernier survivant – clin d’oeil au premier album d’Ayreon, il s’agit d’une réincarnation d’Ayreon, le ménestrel héros de The Final Experiment – se lance alors dans une exploration de ses vies antérieures, grâce au "Dream Sequencer" inventé par ses anciens compagnons. Toutefois, il se laisse happer par une inextinguible curiosité dans sa volonté de remonter le temps, et se trouve pris au piège, alors qu’il a atteint le moment de la naissance de l’univers et qu’il perce ainsi le secret de la propagation de la vie : parti "trop loin", en des espaces-temps qu’il n’aurait jamais du atteindre, il finit par mourir de cette hypnose prolongée.

Conclusion : l’équation Ayreon

Ayreon est ainsi, avant tout :
– une formule : des opéras rock dans la plus pure tradition des années 70, faisant appel à pléthore de chanteurs et d’instrumentistes, chaque album allant toujours un peu plus loin dans le prestige des invités, au fur et à mesure que la réputation de Lucassen grandit,
– une signature mélodique et rythmique : un lyrisme échevelé sous-tendu par des riffs rageurs et cliniques, une prime donnée à la création d’ambiances et au jeu sur les émotions,
– un son caractéristique : des rythmiques compressées, et une trame sonore extrêmement fournie, riche en effets en tous genre.

Toutefois, Lucassen parvient à éviter le piège d’un systématisme de concepts de science-fiction parfois éculés et en tous cas trop schématiques, par l’empathie dont il semble faire preuve vis à vis de ses personnages. En effet, la science-fiction du Hollandais reste toujours et avant tout, terriblement humaine : ce sont des hommes qui restent les héros des albums, et ce sont toujours leurs faiblesses qui les perdent, dans une conception assez noire de l’humanité. Ainsi, sentant qu’il avait sans doute, avec The Universal Migrator, atteint le point ultime du scénario à tendance intergalactique et que poursuivre dans cette voie risquait de le faire sombrer dans des histoires aussi délirantes que mégalomanes, Lucassen a la sagesse, avec The Human Equation, de revenir sur Terre, après quatre ans de silence et l’intermède métallique Star One, pour explorer les failles intérieures d’une individualité brisée.

visuels : www.ayreon.com

2. Un casting de luxe

A la manière de Into The Electric Castle, The Human Equation est avant tout un disque dédié à ses invités, et en particulier à ses chanteurs, qui ont la part belle. A quelques rares exceptions près (comme un Devin Townsend que l’on aurait souhaité plus utilisé), chaque artiste a eu droit à un rôle sur mesure et des parties correspondant parfaitement au registre dans lequel il se distingue.

Les chanteurs

Les personnages principaux

James Labrie (Dream Theater) – Moi : incontournable depuis quelques temps, le chanteur de Dream Theater semble décidé à battre le record de participations à des projets annexes, jusque là détenu par son compère Mike Portnoy. Entre un disque entièrement consacré à ses vocalises (Frameshift – Unweaving the Rainbow), son dernier album solo avec Mullmuzzler et son intervention sur l’album de Tim Donahue (Madmen & Sinners), Labrie se démultiplie, au risque de… lasser. Outre le fait que sa voix si particulière le rattache immédiatement à son groupe principal, et peut surprendre dans un autre contexte, l’avoir entendu de si nombreuses fois ces derniers temps nuit un peu au plaisir que l’on peut avoir à le retrouver sur The Human Equation. Notons néanmoins qu’il s’en sort avec les honneurs, souvent utilisé comme contrepoint ("Love", "Pain"), mais aussi pour de splendides duos ("Sign"). Ainsi, si on le retrouve sur de nombreux titres, il est rarement le chanteur le plus mis en avant, malgré sa place centrale dans le scénario.

Arjen Lucassen – le meilleur ami : le compositeur d’Ayreon aime à intervenir dans ses propres œuvres – même s’il s’en défend souvent en assurant remplacer un chanteur indisponible – en support de ses invités, et à incarner un personnage décalé. Ici, il s’est attribué un rôle clé et chante peut être plus qu’à l’accoutumée, avec des passages en lead non négligeables ("Vigil", "Mystery"…). La plupart de ses parties sont juxtaposées à celles de Marcela Bovio.


Marcela Bovio (Elfonia) – la Femme : seule invitée recrutée suite à un casting effectué par Lucassen, la voix de cette jeune Mexicaine prend en quelque sorte le relais de celle d’Anneke van Giersbergen (The Gathering), qui apparaissait sur Into The Electric Castle. Par ailleurs, pour des raisons techniques mais aussi narratives, elle est avant tout utilisée en duo avec Arjen, de telle sorte que son rôle se révèle presque aussi important que celui de Labrie sur le disque. Sur "Disclosure" et "Memories", sa voix se marie à merveille avec les cordes. Voilà à coup sûr la révélation du disque !

Les chanteurs-émotions

Chacun des invités suivants a été choisi par Arjen Lucassen pour incarner une émotion vécue par le héros dans le coma.

Devin Townsend – Rage : c’est l’un des choix les plus surprenants de Lucassen, sans aucun doute. Mais il est aussi étonnant que Townsend, dont on aurait pu penser qu’il serait réticent à s’investir de la sorte dans un projet à la fois aussi progressif et aussi personnel, ait accepté, lorsque l’on sait de quelle manière il avait vécu des expériences similaires (cf. Steve Vai, Sex and Religion). Son rôle sur le disque est restreint à quelques interventions qui font mouche. En premier lieu, signalons le barjot "Loser", sur lequel le Canadien semble s’inspirer des onomatopées de "Underneath the Waves", titre figurant surCity, de Strapping Young Lad, la trame instrumentale allant également de pair. D’autres passages, sur lesquels sa voix claire est davantage mise en avant, sont présents, sur "Pain" et "School", deux des meilleurs titres de l’album, aux refrains proches des dernières réalisations de Townsend.

Devon Graves (Dead Soul Tribe) – Agonie : la participation de cet artiste torturé contribue grandement à la noirceur du disque. Utilisé pour sa voix claire ou plus puissante, il prend une ampleur inattendue sur l’album, à l’instar de Marcella Bovio. Sur "Pain", ses couplets sont d’une rare justesse, tandis que son second duo avec Mikael Åkerfeldt, sur "Betrayal" est tout simplement l’un des grands moments du disque.



Eric Clayton (Saviour Machine) – Raison : sa voix extrêmement grave, presque parlée par moments, sied à son rôle de guide sur les titres de The Human Equation. D’un lyrisme parfois presque outré (sur "Isolation" par exemple, où l’on croirait entendre un chanteur d’opéra !), son timbre s’adapte également à des lignes plus mélodiques ("Trauma", sur lequel il se rapproche d’un David Bowie). Il reste néanmoins souvent confiné à des passages ponctuels ("Voices").

Heather Findlay (Mostly Autumn) – Amour : les nombreux passages folk qui parsèment le disque nécessitaient une chanteuse adaptée, et c’est sans surprise que l’on apprend que Lucassen a emprunté à Mostly Autumn, l’une des meilleures formations du genre, sa belle chanteuse. Un titre entier lui est presque intégralement dédié, le beau "Sign", ballade acoustique se transformant au final en une pure comédie musicale en duo avec Labrie.


Irene Jansen (Karma) – Passion : son rôle est le pendant de celui de la belle Sharon Den Adel sur Into The Electric Castle : la voix féminine réservée aux parties les plus énergiques. Un peu en deçà de ses consœurs en termes de présence, elle vient surtout en soutien des refrains ("Love", "Memories"), et, à l’instar de James Labrie, dispose rarement de plus de quelques lignes lors des couplets.



Magnus Ekwall (The Quill) – Fierté : officiant d’ordinaire au sein d’un groupe peu connu, Magnus Ekwall est l’un des bons choix de Lucassen. Sans lui, le disque aurait notablement manqué d’un chanteur tout en puissance, à la manière d’un Russel Allen sur le projet Star One ou d’un Damian Wilson sur Into The Electric Castle. Evoluant dans un genre proche de ces deux chanteurs, il fait merveille sur "Pride" ou lors de son couplet dans "Voices".


Mikael Åkerfeldt (Opeth) – Peur : en adéquation avec une ambiance plus sombre, le chanteur d’Opeth joue de sa voix duale, assurant les quelques passages death(comme sur "Trauma", où sa polyvalence est bien exploitée) mais aussi les moments plus calmes (magnifique voix de tête sur "School" ou "Betrayal"). Il faut noter que Lucassen a eu l’excellente idée de mêler sa voix à celle de Graves, comme sur le triste "Childhood".


Mike Baker (Shadow Gallery) – le Père : Pourquoi ne pas l’avoir classé dans les personnages ? Tout simplement du fait du traitement appliqué à ce père pour le moins cruel : il apparaît bien plus comme un fantôme tout au long du disque que comme un personnage ayant une réalité objective. En partant de ce constat, Mike Baker joue, voire surjoue, comme cette prestation grand-guignolesque lors de "Loser". Il est dommage de ne pas entendre sa voix très aiguë sur les parties les plus calmes, mais il est vrai que cela ne convient pas à son rôle sur l’album…

Les instrumentistes

Retour à une formation plus restreinte pour Lucassen : à nouveau seul maître à bord dans les compositions et dans l’interprétation, il semble ne pas avoir appliqué le concept d’invités aux instrumentistes. Outre Ed Warby, le batteur habituel de Lucassen, seuls quelques amis ont ajouté des parties de claviers, ainsi qu’un trio à cordes ou des instruments à vent employés par le Hollandais pour la première fois, sur certains titres, comme "School". On regrette juste qu’ils soient trop rarement mis à contribution.

Arjen Lucassen : guitare, basse, claviers… Lucassen a quasiment tout mis en place lui-même, ce qui a représenté presque autant de travail que lors des sessions de Into The Electric Castle. Il s’est grandement recentré sur la composition pour ce nouvel album, faute d’invités instrumentistes susceptibles d’enluminer son écriture de nombreux solos, et les quelques interventions démonstratives qui restent sur The Human Equation se comptent sur les doigts de la main ("Pride").

Ed Warby : le fidèle lieutenant de Lucassen revient à la batterie après avoir assuré l’intégralité des disques d’Ayreon, à l’exception de Actual Fantasy, et celui de Star One. Lucassen indique sur le site du groupe que le jeu de son batteur est plus diversifié que jamais, et c’est véritablement le cas, même si cet instrument est peu mis en valeur dans une musique pleine de breaks atmosphériques. Néanmoins, on notera que les passages réellement enlevés sont peu nombreux, sauf l’imposant final ("Confrontation"). Lucassen continue surtout à produire sa section rythmique de la même manière qu’en 1998 sur Into The Electric Castle, avec un son très froid qui donne parfois à regretter qu’il ne délègue pas une partie de ses responsabilités à un producteur tiers : "Realization" et sa batterie trop clinique en sont une illustration.

Joost Van Den Broek (Star One), Ken Hensley (Uriah Heep, Martin Orford (IQ, Jadis) et Oliver Wakeman : les quatre autres invités n’interviennent qu’une ou deux fois tout au plus au cours du disque, pour placer un solo de claviers bien senti. Les plus notables sont ceux de Oliver Wakeman, qui délivre notamment une partie très années 70 sur le floydien "Accident ", digne de son père, et de Ken Hensley, avec un orgue Hammond au son bien rugueux sur "Loser".