RENCONTRE : CHRIS BEYA

 

Discographie :
Musiciens – Magiciens (1974)
L’Araignée-Mal (1975)
Tertio (1977)
Rock Puzzle (1981)
L’Océan (1974)
Tokyo, C’est Fini Live In Japan July 24th, 1989 (1994)
Illian, J’Entends Gronder La Terre (1977)

Voici aujourd’hui le retour de l’un des monuments du rock progressif tricolore : près de trente ans après ses débuts, Atoll revient à la vie sous l’impulsion de Chris Beya, seul rescapé de la formation originelle, avec un nouvel album, Illian, J’Entends Gronder La Terre. C’était l’occasion pour Progressia de s’entretenir avec Chris Beya qui offre aux plus jeunes l’opportunité de remonter le temps et de revenir aux prémices d’Atoll, sans oublier de parler du présent… et de l’avenir ! Prenez place, le voyage commence !

C’est vers 1973 que l’Atoll fait surface. À l’origine, ce jeune groupe n’a qu’une envie : marcher sur les traces des Beach Boys. En effet, le jeune Chris Beya est envoûté par la musique californienne, ne vit qu’au son de Brian Wilson (The Eagles) et se voit déjà surfer sur la vague du succès. Cependant les musiciens d’Atoll vont faire une découverte qui changera leur vie : en Angleterre, des groupes tels Genesis, Yes, Caravan ou ceux de la vague de Canterburry font un tabac. Ce courant attire irrésistiblement Atoll vers une musique plus élaborée. Formé d’André Balzer au chant et percussions, Alain Gozzo à la batterie, Jean Luc Thillot à la basse et rejoint plus tard par Richard Aubert au violon, Atoll se met à composer des morceaux aux antipodes de ses motivations d’origine. Ainsi, en 1974, sort Musiciens – Magiciens qui, sans forcément convaincre, jette les bases et suscite un relatif intérêt.

Avec patience Atoll retourne au charbon et sort en 1975 un disque qui fera date dans la discographie du groupe : L’Araignée-Mal. Les titres qui composent ce disque sont nés de longues improvisations, qui s’inscrivent cependant dans un concept et une trame bien définie. À cette époque, les musiciens ont la tête pleine de jazz rock, de Mahavishnu Orchestra ou Return To Forever, ce qui se ressent nettement sur le disque, notamment lors de « Cazotte », qui deviendra l’un des standards du groupe. Le succès est tel que L’Araignée-Mal est élu album de l’année en France. Mais il faut attendre deux ans pour entendre le nouveau disque d’Atoll, malicieusement appelé Tertio. La subtilité de cet album réside dans la manière dont il a été conçu : en effet, les méthodes de travail diffèrent légèrement des précédentes. Atoll cherche en effet à recentrer l’album sur les textes, tout en jouant sur les ambiances mais sans trop charger la trame instrumentale, pour garder une certaine efficacité. Si L’Araignée-Mal avait fait connaître le groupe au grand public, Tertio le consacre définitivement et permet à Atoll d’enchaîner les concerts dans toute la France. Tertio installe le groupe au rang des meilleurs de sa génération.

Une fois le succès de Tertio digéré, le groupe doit se remettre au travail, non sans mal, d’autant que, signé chez BMG, il est « obligé » de composer des titres susceptibles de passer en radio. Malgré (ou à cause de) cette pression, BMG ne fait pas les choses à moitié puisque le label offre au groupe d’enregistrer au Studio Gang, lieu reconnu qui accueillit un temps Jean Jacques Goldmann ou Johnny Hallyday. Rock Puzzle sort donc en 1980 et les fans sont décontenancés : pas d’instrumentaux ni de tirades épiques, les morceaux sont courts et certains comportent même des cuivres. La volonté de toucher un nouveau public se fait nettement sentir, mais la démarche ne paie hélas pas, d’autant que des divergences surgissent entre André Balzer et ses camarades, le poussant à quitter le navire. Fin 1981, c’est officiellement la fin d’Atoll, après un dernier coup de poker consistant en une association avec John Wetton, dans le but de redorer le blason des Français. Là aussi, peine perdue puisque le groupe juge les titres écrits par le bassiste trop commerciaux. Wetton s’en va alors utiliser ses morceaux avec Asia tandis qu’Atoll donne son dernier concert à Vierzon, en compagnie de Caravan.

Atoll dissous, Chris Beya la tête pensante du groupe, s’oriente alors vers des horizons musicaux où la guitare est dominatrice. Il fonde Synopsis, formation aux relents de jazz rock, où il laisse parler son admiration pour John Mac Laughlin. Entre temps, il recontacte Alain Gozzo en 1985 : ils enregistrent ensemble quelques démos. On espère alors une reformation d’Atoll, mais il n’en est hélas rien, et Beya achève de son coté Métamorphoses, un recueil d’inédits.

1989 voit enfin un premier retour d’Atoll, toujours sous la baguette d’un Beya désormais seul maître à bord, et qui s’entoure de nouveaux musiciens, notamment Raoul Leninger, dont le timbre de voix se rapproche irrémédiablement de Daniel Balavoine, et qui n’hésite pas à prendre également part aux compositions qui figurent sur L’Océan, mis en boite en à peine trois semaines. Un album au goût mi-figue mi-raisin pour Chris Beya :  » Il contient des titres intéressants, mais nous avons manqué de temps pour le paufiner et l’amener à maturation… je crois que nous aurions refait certaines parties, si le temps nous l’avait permis « . Si L’Ocean passe quasi-inaperçu en France, il déchaîne les passions au Japon, à tel point qu’une tournée y est oganisée, qui ne fait qu’asseoir la réputation du groupe au pays du Soleil Levant. De parole d’amateur de Progressif nippon, on n’a jamais vu pareil engouement pour le style depuis Marillion.
Il était donc logique de laisser une trace discographique de ces moments d’anthologie, et c’est chose faite en 1994 avec Tokyo, C’est Fini, Live In Japan, July 24th, 1989. La setlist de la soirée fait saliver, notamment grâce à une splendide version de « Tunnel ».

Comme son titre évocateur le laissait entendre, Tokyo, C’est Fini, Live In Japan, July 24th, 1989 signe une nouvelle fois la fin de l’aventure Atoll. Chris Beya traîne alors ses guêtres et ses guitares dans diverses écoles de musique, dans lesquelles il enseigne jusqu’en 1998, quand la fatalité le frappe : il perd sa fille. Beya ressent dès lors le besoin de s’accrocher à quelque chose et, pensant que Raoul Ledinger est l’homme de la situation, il reprend contact avec son ancien compère, et les deux hommes se mettent au travail, sous le nom d’Atoll, sur un concept qui deviendra J’Entends Gronder La Terre .
 » Illian est un extra-terrestre, qui arrive sur Terre par une porte du temps, venu d’une autre dimension. Il observe le comportement des Terriens, commence par en être surpris, puis rapidement déçu et ne peut que constater que de nombreux maux frappent la terre « . Ainsi,  » Comme S’écoule Un Fleuve  » traite de l’intolérance,  » Je Voudrais Etre Un Homme  » de la jalousie, de l’envie et de la conquête, alors que  » J’entends Gronder La Terre  » est un hymne à la nature, sur lequel Illian prend conscience qu’au lieu de préserver la nature, l’homme la détruit. Toutefois, Illian garde l’espoir que ces maux disparaissent ( » Un Nouveau Départ « )." Le concept captive et motive à tel point l’auteur et son entourage que Beya enterre même la hache avec son rival des grands jours, Ange, puisque Caroline Crozat – qui officie habituellement au sein de la clique de Christian Descamps – vient prêter ses cordes vocales au retour d’Atoll.

Atoll semble aujourd’hui réussir à revenir au premier plan de la scène progressive française. Nous avons donc demandé à Chris Beya quel regard il portait, du haut de ses trente ans d’ancienneté, sur la génération actuelle ?  » Je ne veux surtout pas paraître prétentieux, mais j’ai remarqué un certain nombre de similitudes entre Atoll et des groupes actuels. Je ne citerai pas de nom, parce que je ne veux pas discréditer ces groupes qui sont au demeurant talentueux, mais je pense qu’aujourd’hui, beaucoup de groupes de progressif ont tendance à tuer la musique au profit de la technique. Mais cela reste un point de vue personnel."

Quel est donc le futur pour Atoll ? Avec le succès de ce dernier disque, tout porte à croire que Chris Beya voudra continuer l’aventure :  » De beaux jours sont à venir pour Atoll, du moins pour le Chris Beya Atoll. Je ne veux pas que l’amalgame soit fait avec le groupe originel, car aucun des membres d’alors n’est plus aujourd’hui à mes côtés. Ce serait donc un non sens de garder la simple appellation Atoll. Nous avons aujourd’hui en chantier un DVD, qui présentera des séquences tournées en studio et en live, et nous essaierons de tourner assez rapidement, de rencontrer des anciens fans et… pourquoi pas des nouveaux !"

Rendez-vous est donc pris, Chris !

Propos recueillis par Dan Tordjman