– Tritonales 2004

DOSSIER : Tritonales 2004

Du 4 au 26 juin, la salle lilasienne du Triton résonnera des accords échevelés d’une programmation à la croisée des musiques progressives, zeuhl, canterbury et avant-gardistes. Si l’affiche est peut-être légèrement moins éclectique que celle de l’an dernier, elle présente nombre de poids-lourds du genre, dont certaines raretés scéniques. Un festival à ne pas manquer !

Les Tritonales deuxième édition : un menu alléchant !

La deuxième édition du festival progressif se profile à un horizon de plus en plus proche. Du 4 au 26 juin, la salle lilasienne du Triton résonnera des accords échevelés d’une programmation à la croisée des musiques progressives, zeuhl, canterbury et avant-gardistes. Si l’affiche est peut-être légèrement moins éclectique que celle de l’an dernier, elle présente nombre de poids-lourds du genre, dont certaines raretés scéniques. Un festival à ne pas manquer !

Magma (4 et 5, puis 8, 9, 10, 11 et 12 juin)

Pour la troisième année consécutive, la nébuleuse vanderienne se pose au Triton, pour une série de concerts exceptionnels, tant par le répertoire abordé (le groupe exhumera des vieux titres rarement joués, mais s’aventurera aussi du côté de nouvelles compositions) que par l’occasion – rare – de voir Magma dans un club.

Tarif unique 22 €

Mats & Morgan Band (15 juin)

Les anciens trublions découverts par Frank Zappa himself et anciens comparses de Mike Keneally et Steve Vai sont aujourd’hui considérés comme des maîtres d’un jazz-fusion à la fois technique, sophistiqué, très musical et… plein d’humour !

Tarifs : normal 18 €, réduit 15 €, adhérents 12 €

Forgas Band Phenomena / Syrinx (16 juin)

Patrick Forgas est parfois surnommé le "cousin français de la scène de Canterbury". Mêlant mélodie et spectaculaire, il dévoilera en avant-première le morceau-titre de son prochain album, Coup de Théâtre.
Avec Réification, Syrinx a frappé un grand coup et s’est imposé comme l’un des groupes phares de la scène progressive française. Sortant de l’anonymat qu’ils maintenaient volontairement, les musiciens se dévoileront à la face du monde sur la scène du Triton.

Tarifs : normal 12,50 €, réduit 10,50 €, adhérents 7,50 €

Soft Bounds (17 juin)

Hugh Hopper, Elton Dean, Sophia Domancich et Simon Goubert… tous ces noms vous parlent, mais pas ensemble ? Ce sera désormais chose faite avec Soft Bounds, une réunion inédite sur la scène du Triton, mêlant deux figures emblématiques de Soft Machine à deux musiciens "qui montent" toujours plus sur la scène jazz française !

Tarifs : normal 18 €, réduit 15 €, adhérents 12 €

We insist ! (18 juin)

Une musique volcanique et épique, tellurique et audacieuse, que les habitués du Triton commencent à très bien connaître ! Aux autres de découvrir, désormais, ce groupe en dehors des sentiers battus !

Tarifs : normal 12,50 €, réduit 10,50 €, adhérents 7,50 €

Zao (19 juin)

L’an dernier, sur la scène du Triton, F. Cahen et Y. Seffer se retrouvaient réunis, en duo. C’est cette année au sein d’un ZAO fraîchement reformé qu’ils se produiront, pour la première fois de 1986. Outre le fidèle François Causse, ils seront accompagnés de Gérard Prévost (bassiste de la formation légendaire) et d’une chanteuse.

Tarifs : normal 15 €, réduit 12 €, adhérents 9 €

Kafka / Guapo (21 juin)

Entre Pink Floyd, King Crimson, Led Zeppelin et Magma d’un côté, Radiohead, Tool ou Godspeed You !, Kafka est un jeune trio extrêmement prometteur et faisant déjà preuve d’une grande maturité sortira un premier album au mois de septembre prochain.
En ayant décoiffé plus d’un lors de sa prestation de la précédente édition du festival, les Anglais de Guapo, désormais accompagnés d’un second claviériste, se posent à nouveau au Triton pour dévoiler des extraits de leurs deux prochains albums.

Entrée libre !

Lajudie Quintet (22 juin)

Derrière ce nom qui ne dira sans doute pas grand chose aux amateurs de progressif "nouvelle génération" se cachent un certain nombre d’anciens du Paga Group de Bernard Paganotti (ex-bassiste de Magma). Entre jazz-rock, hard-bop, décibels et décharges électriques, le maître mot est le rythme, dans tous ses états.

Tarifs : normal 15 €, réduit 12 €, adhérents 9 €

Pip Pyle’s Bash (23 juin)

Le nouveau groupe du célèbre batteur anglais (Gong, Hatfield and the North, National Health…) revient au Triton un premier album en main (Belle Illusion), enregistré en grande partie live, lors de la prestation du groupe à la présente édition des Tritonales.

Tarifs : normal 15 €, réduit 12 €, adhérents 9 €

Univers Zéro (24 juin)

Absent des scènes depuis 1986 (à l’exception d’un concert au Canada en 1997), le vétéran des "musiques nouvelles" fête son trentième anniversaire avec un spectacle multimédia mêlant grands classiques et morceaux récents, pour ce qui sera le premier concert d’une tournée mondiale passant notamment par les Etats-Unis.

Tarif unique 22 €

Sotos / One Shot (25 juin)

Sotos semble s’être abonné au Triton, pour le plus grand plaisir des Parisiens. Troisième concert en deux ans pour les leaders français de la jeune génération du "rock de chambre", à la croisée du rock, du jazz, de la zeuhl et des musiques nouvelles.
Emmanuel Borghi, James Mac Gaw et Philippe Bussonnet, qui ouvraient les Tritonales avec Magma, reviendront accompagnés du batteur Daniel Jeand’heur, au sein de One Shot, proposer une musique toute en contraste et en énergie, chaleureusement complexe mais toujours accessible.

Tarifs : normal 15 €, réduit 12 €, adhérents 9 €

Taal (26 juin)

Avec deux batteurs et un quatuor à cordes, Taal n’a pas peur de l’originalité, comme en témoigne également sa musique, alternant sans le moindre complexe des climats rock, classique, jazz, baroque, folk, tout en restant à la fois audacieux et cohérent. A découvrir d’urgence.

Tarifs : normal 12,50 €, réduit 10,50 €, adhérents 7,50 €

Détails pratiques

Le Triton se trouve à cinq minutes de Paris (Porte des Lilas) et est facilement accessible, tant en voiture qu’en métro. Les concerts des Tritonales commenceront à 21 h (ouverture des portes à 20 h), et il est conseillé – voir absolument indiqué pour certains concerts – de réserver, cette seconde édition s’annonçant d’ores et déjà comme un succès.

Comme l’année dernière, Progressia proposera des comptes-rendus de la quasi-totalité des concerts, mais rien ne vaut l’expérience du direct !


1. Première semaine

Les Tritonales 2004 s’ouvrent en fanfare, avec sept concerts de Magma. La salle affiche plus que complet, et l’on se demande parfois s’il ne faudrait pas prévoir bouteilles d’oxygène et compresseur, tant l’ambiance est torride et l’air saturé. Mais au vu des mines réjouies sortant de l’antre trois heures et un paquet de décibels plus tard, il n’est plus de doute possible : la " recette " Magma fonctionne toujours, et le Triton, sous l’ombre de la griffe rouge, se transforme une nouvelle fois en boite à bonheur pour un public largement conquis.

Vendredi 4 et samedi 5 juin 2004

Pour ces deux premières soirées au Triton, l’ambiance sur scène oscille entre sourires et tensions, et l’on sent que certaines choses sont encore en phase de réglage. Le public est quant à lui hétérogène, et plutôt étonnamment jeune et enthousiaste le second soir : preuve s’il en était encore besoin que Magma a su renouveler ces dernières années une partie de son auditoire, et fédérer autour de lui un nombre conséquent de passionnés.

Le concert s’ouvre sur  » Wurdah Itah « , pièce toute en contrastes mettant particulièrement en valeur un Antoine Paganotti qui se donne entièrement, prenant presque exclusivement seul en charge l’ensemble des chants masculins, soulagé par moments par un James McGaw exceptionnellement aux claviers. Cette version scénique est bien moins dépouillée que son pendant discographique, bénéficiant de l’enrichissement des parties de claviers et des voix féminines. Dans l’ensemble, le  » Wurdah Itah  » du second soir est d’ailleurs plus cohérent et mieux mené, émaillé d’un très beau duo, plein de sensibilité, entre Antoine et Himiko Paganotti, et par un final remarquable, amené de très loin, en une très longue plage d’un crescendo intense.
Les mises en place sont, comme de coutume, d’une précision sans faille, mais on sent un climat pesant sur scène, comme si l’ambiance n’était pas des plus cordiales. Ces tensions sont sans doute causées, ou aggravées, à la fois par l’aridité de cette longue suite, de construction complexe et aux mises en places potentiellement périlleuses, et par des problèmes de son qui semblent récurrents. Le premier soir, si le son – bien que globalement trop fort – s’améliore assez rapidement en façade, les sémaphores des musiciens à de nombreuses reprises à l’attention de la régie montrent que sur scène, des difficultés subsistent. Les musiciens semblent s’entendre relativement mal, et le second clavier être par moments quasi-absent du mix. Le deuxième soir, si le son en salle est meilleur, tout en saturant vite, des difficultés semblent persister sur scène, notamment concernant un retour, n’aidant pas, sans doute, à détendre le climat.

La seconde partie du premier set est constituée d’un  » Sowiloï / KMX  » plus détendu, surtout le second soir.  » Sowiloï  » bénéficie de nouveaux arrangements et d’un beau travail sur les voix, tandis que la partie instrumentale de " KMX ", plutôt violente le premier soir, monte de manière extrêmement puissante le second, alors même que le solo de basse de Philippe Bussonet  » prend  » mieux, gagnant en intensité et en fluidité par rapport à la veille, et retombant plus naturellement sur le tutti suivant.

Après une pause bien méritée, les neuf musiciens reviennent sur scène pour interpréter "KA", morceau titre du prochain de Magma, dont la sortie est prévue à l’automne prochain, et que le public semble dans son immense majorité déjà très bien connaître, tant le groupe l’a rodé sur scène au cours des dernières années. Ce long titre de plus de quarante-cinq minutes est une excellente synthèse de tous les climats développés par Magma, oscillant de l’inquiétant au sulfureux, du lyrisme à l’ascèse, avec d’une manière générale un aspect vocal plus développé qu’auparavant, notamment du fait de l’emploi de chanteurs plus nombreux que sur bien des albums studios antérieurs.
Lors de ces deux premières soirées, le concert prend une nouvelle dimension : l’interprétation est plus souple et plus libre, et l’on sent que la formation actuelle est nettement plus à l’aise sur ce titre, qu’elle s’est entièrement approprié, que sur les morceaux précédents. Le second soir, " KA " se révèle assez exceptionnel, atteignant une intensité rare lors des phases de crescendo, et transporte littéralement public et, semble-t-il, musiciens, déridant même une Isabelle Feuillebois jusque là bien morose. Le titre a pris de l’ampleur, bénéficiant de nouveaux arrangements de guitares et claviers densifiant nettement la trame instrumentale, et le final est proprement dantesque, et Christian Vander s’y montre littéralement déchaîné.

De ces deux soirées, l’on ressort avec l’Impression que le groupe a rarement été aussi centralisé autour d’un Christian Vander aux aguets, surveillant plus que jamais l’ensemble des musiciens en chanteurs du coin de l’œil. Un regard pour faire monter un crescendo et le pousser plus loin, un regard mi-furieux mi-amusé signalant une erreur de placement, un regard approbateur et encouragement lors d’un passage particulièrement ardu, un regard courroucé lors d’une faute de rythme, etc. Sa frappe est si dense, principalement le deuxième soir, qu’il sature parfois à lui seul l’ensemble de l’espace sonore par son jeu cymbales ou d’une caisse claire particulièrement brillante.
En grande forme également, Himiko et Antoine Paganotti, tous sourires, se donnent sans compter et n’épargnent pas leurs cordes vocales, tant et si bien qu’Antoine, particulièrement mis à contribution sur " Wurdah Itah ", semble finir le concert dans un état proche de l’épuisement, tandis que Stella Vander assure ses parties avec calme, en restant d’une égalité et d’une sûreté sans failles, tout en s’autorisant de discrètes plaisanteries (le second soir).

Après une seconde partie de concert torride, le groupe est rappelé à grands renforts d’applaudissements et de cris, alors qu’un micro supplémentaire est amené au centre de la scène. En effet, pour cette " Ballade " dont la fin est quelque peu différente le second soir (à l’instar de " KA ", ce titre a évolué au cours du temps, et semble encore en cours d’élaboration), Christian Vander passe au chant. Après plus de deux heures passées à se donner sans compter à la batterie, son énergie semble pourtant intacte, et il se livre sans retenue. Une nouvelle fois, le concert du deuxième soir est plus intense et le paroxysme de ce morceau dont le climat général n’est pas sans rappeler Offering, plonge l’assistance dans un état proche de l’hypnose.

Ces concerts au Triton sont une opportunité rare d’assister à un concert de Magma avec un tel degré de proximité. Il reste encore une longue série, de mardi 8 à samedi 12 juin, pour découvrir le groupe dans ces conditions presque idéales. Ces cinq soirées permettront sans doute aux musiciens d’achever de roder les pièces de première partie, encore un peu tendues, et de trouver une véritable fluidité. A ne pas manquer !

Du mardi 8 au samedi 12 juin 2004

Cette deuxième semaine de concert de Magma aux Tritonales ne commençait pas sous les meilleurs auspices… Lors de la première soirée, le groupe accumule les ennuis techniques : les problèmes de son, tant sur scène qu’en salle, sont encore loin d’être réglés, et la guigne semble s’acharner puisqu’en seconde partie, au beau milieu de " KA ", le timbre de la caisse-claire se brise, obligeant le groupe à s’arrêter à la fin du premier volet de cette longue suite, afin de remplacer l’instrument. Mais Magma n’en était pas ce soir-là à sa dernière surprise désagréable, puisque la seconde caisse-claire connaît rapidement des problèmes de fixation, gênant le jeu de Christian Vander jusqu’à la fin du concert ou presque. Tout cela explique sans doute la tension relativement palpable sur scène, et l’impression que tous ne sont pas également impliqués dans ce concert, occasion de quelques erreurs de placement très inhabituelles pour Magma.
Et même si les choses s’améliorent lors du second set, l’ensemble de cette soirée ne "prend" pas : les constructions complexes et la progression ne parviennent pas à se faire, chaque partie a tendance à retomber avant de mener à la suivante, d’où une certaine sensation d’inachevé, malgré le professionnalisme des musiciens. La grande qualité de la musique vanderienne, les constructions et les progressions implacables, emmenant le public dans une transe où même le plus réticent finirait par se laisser prendre, n’est pas réellement présente ce soir. Pourtant, paradoxalement, le public – plus bigaré que les soirs précédents, allant du jeune adolescent au t-shirt à l’effigie d’un groupe de black-metal au cadre cinquantenaire, dégarni et " encravaté " – réagit avec plus d’enthousiasme que les soirs précédents. Mais cette ferveur cache une réalité plus diverse : nombre de néophytes étaient présents ce soir-là, dont l’air ébahi et les yeux pétillants cachaient les regards parfois amers de spectateurs plus " expérimentés ", restant un tant soit peu sur leur faim.

Mais la réaction ne se fait pas attendre et le concert du lendemain marque le début d’une série en tous points exemplaires, qui culminera lors des deux derniers soirs. Au cours des quatre jours suivants, en effet, le groupe se détend considérablement sur scène, au fur et à mesure de l’amélioration du son et du rodage du répertoire (nouvelles paroles sur " KA ", un " Wurdah Itah " exhumé pour l’occasion, …). Ainsi, peu à peu apparaissent sur scène des sourires, puis des rires, des plaisanteries entre musiciens, d’abord discrètes puis en public lors du dernier concert. La série s’achève donc dans la bonne humeur, et dans une ambiance laissant aux morceaux l’espace nécessaire pour se développer pleinement.
L’amélioration du son est très nette à partir de mercredi, et sa qualité est allée croissant, même si le volume sonore global restait souvent très élevé. Lors des deux derniers concerts, il ne reste plus que quelques saturations dans les aigus – difficilement évitables vu l’espace sonore réduit du Triton – lorsque, pendant un chorus, Christian Vander s’acharnait avec délice sur ses cymbales. Le reste des instruments sonne de manière bien plus équilibrée, malgré quelques variations d’intensité à la guitare (presque inaudible à la fin de " KMX ", ou trop présente sur certaines doublures de voix dans " KA "). Les voix, jusque là plutôt noyées dans un son brouillon, sont également mieux mises en valeur. Ce nouveau confort d’écoute permet au public – dont une partie revient, à plusieurs concerts – de s’immerger plus profondément dans la musique de Magma.

L’amélioration est aussi très sensible au plan strictement musical. " Wurdah Itah " avait tendance, jusqu’au concert du mardi, à passer " en violence ", reposant sur son aspect implacable et martial, au détriment à la fois du lyrisme (renforcé par les nouveaux arrangements de voix, dont le très beau duo entre Antoine et Himiko Paganotti sur " Blüm Tendiwa ") et de la rythmique, dont les subtilités ont parfois tendance à disparaître derrière la masse et la puissance de l’ensemble. Par la suite le morceau s’est peu à peu assoupli, laissant place à de nouvelles nuances, pour aboutir samedi à une très belle version, presque épurée, et d’une grande puissance émotionnelle. De même, si " Sowiloï " a paru manquer de cohérence lors des premiers soirs, ne " prenant " pas vraiment, l’interprétation en devient peu à peu plus fluide, parfois presque tendre sur les passages les plus doux. Quant à " KMX ", qui restait chaque soir le moment le plus puissant de la première partie (le fait que Philippe Bussonnet monte considérablement le volume au moment d’entamer le long solo de basse n’y est pas étranger), il devient chaque jour plus imposant, quitte à atteindre, pour l’auditeur, la limite du seuil de douleur certains soirs.
Le second set, constitué de l’intégralité de " KA ", est chaque soir l’instant le plus fort du concert. L’ensemble du titre baigne avant tout dans la lumière, même dans les passages où l’écriture est la plus chargée. Une grande place y est accordée aux voix, ce qui n’empêche pas Christian Vander et Emmanuel Borghi de se livrer à des chorus réellement jubilatoires. Cette longue suite très construite sera l’occasion de quelques toutes petites évolutions, d’un soir sur l’autre, ou de petits détails que l’on entend plus ou moins, prenant le spectateur régulier dans une sorte de jeu de piste au cours de ce long voyage musical. De plus en plus puissant au cours de ces cinq soirées, " KA " décharge le public de toutes les tensions accumulées lors d’une première partie implacable et proprement tellurique. On en ressort vidé, mais heureux. Ce phénomène est particulièrement sensible lors du concert du 12, où l’on a l’impression d’être plongé dans un long bain de jouvence, et où le silence séparant la fin du morceau des premiers applaudissements dure, comme s’il fallait le temps de redescendre, après avoir été emporté bien loin ! L’immanquable rappel, la " ballade " des deux premiers concerts, se montre chaque soir sous un jour différent, mais toujours sensible et puissante, porteuse et terriblement prenante, tout particulièrement lors du concert du vendredi 11, où sa force a sans doute rarement été telle.

Le dernier soir est l’occasion d’un second rappel, qui restera sûrement longtemps dans les mémoires… Magma revient sur scène, alors que les lumières de la salle avaient été rallumées, et après quelques plaisanteries, entame un " Kobaïa " revenu des temps anciens, par la présence de Klaus Blasquiz, qui doit se frayer un chemin à travers la salle bondée, pour rejoindre la scène. Sourires et éclats de rires sont légions, et le groupe est rejoint sur scène par un René Garber (présent tout au long de ces sept concerts), hilare et manifestement heureux d’être là, se prenant à haranguer la foule en kobaïen le temps de quelques instants.
Puis, alors que la salle s’est déjà largement vidée, James Mac Gaw joue les trublions de service, revenant sur scène pour un solo endiablé ou pour s’emparer de la batterie de Christian Vander qui intervient à son tour, lui ordonnant de retourner dans sa chambre… Magma n’est pas toujours un groupe d’hommes et femmes en noir et désespérément sérieux, contrairement à ce que certains semblent croire.

Ces cinq derniers soirs évoluent donc, en un long et puissant crescendo, jusqu’à un final en apothéose, refermant cette série de concerts sur un " KA " et une ballade d’un Magma lumineux et lyrique comme rarement. Et lorsque l’on se résoud enfin à partir de longues heures plus tard, dans un petit matin froid où le jour trop blême poind déjà, on se sent tout à coup bien vide.

Photos : Marco Tchamp

Fanny Layani, avec la participation de Djul


2. Deuxième semaine

Le festival se poursuit selon une seconde formule, faisant chaque soir se succéder un, voire deux, groupes différents, explorant toutes les tendances du progressif, de la Canterbury, et même du jazz actuels.

Mardi 15 juin 2004 – Mats & Morgan

Après une semaine d’un Magma d’une grande intensité, Mats & Morgan créait un net contraste, tout en restant dans une continuité certaine en termes de puissance et de densité musicale.

La musique de Mats & Morgan est en effet un archétype de complexité. Véritable bunker, sans respirations ni le moindre silence, elle ne laisse aucun répit, au risque de défriser l’auditeur néophyte qui chercherait des repères dans ce bloc lisse et dur. Mats Öberg et Morgan Ägren composent comme si l’ensemble de l’espace sonore devait en permanence être rempli, jusqu’au moindre interstice. Cet aspect hermétique est encore renforcé par la complexité des rythmiques et la rareté de véritables thématiques, à tel point que l’on se dit souvent que l’ensemble parait manquer de construction, qu’il n’y a pas de perspective musicale sous-tendant chacun des titres.
Toutefois, malgré l’exigeance de ces choix musicaux, le groupe jouit d’une énorme réputation scénique, qui en fait pour certains un véritable groupe culte. La prestation des joyeux suédois lors des Tritonales 2003 avait impressionné ; le groupe se devait donc de rééditer l’exploit. Ce n’était pas garanti, d’autant que Mats Öberg inaugurait du nouveau matériel et se trouvait gêné dans son appréhension par sa cécité.
Ainsi, le premier set de ce concert sonne clairement en-deçà de ce dont le groupe est d’ordinaire capable. Les mises en places y apparaissent parfois un peu hésitantes, et certaines transitions de rythme ou de tempo sonnent parfois de manière un peu fluctuante. Mais le niveau de la seconde partie est largement meilleur, et le second set fait décoller le concert, pour ne plus redescendre, jusqu’à un rappel réclamé frénétiquement par un public enthousiaste, mais que l’on aurait espéré plus nombreux (le Triton est raisonnablement plein, mais semble modeste après des concerts de Magma bondés comme rarement).

D’un concert de Mats & Morgan, on ressort littéralement épuisé, l’esprit saturé par la compacité de la musique et l’implacabilité des rythmiques de Morgan Ägren, dont le jeu extrêmement dense et technique, est encore renforcé par un son très clair, sauf accidents, et à la limite des sonorités cliniques des musiques techno.
Mais malgré cette aridité, le groupe ne se prive pas de "faire le show", avec un jeu de scène qui reste sobre, mais émaillé de détails amusants (lorsque Jimmy Ägren joue du triangle, il en remplace la batte par la canne blanche de Mats Öberg,…) et de "chorégraphies" d’ensemble (tous les musiciens sautant en rythme, au risque de se fracasser le crâne contre le plafond, plutôt bas, du Triton).

Ainsi, les Suédois de Mats & Morgan avaient la lourde tâche de propulser les Tritonales en deuxième semaine, après une longue série de Magma s’étant achevée avec beaucoup d’intensité. Succédait donc à Christian Vander un autre batteur de talent, mais au style fort différent, et un groupe qui présente avec Magma quelques points communs réels (exigeance du propos musical, emphase portée sur l’aspect rythmique de la musique, aspect obsessionnel des thèmes, etc.) mais qui pousse moins loin l’évolution et la construction de chaque thématique musicale, privilégiant l’intensité et la compacité à l’ampleur des développements thématiques, et qui – avant tout – fait la preuve d’une identité musicale indéniable, malgré l’ombre parfois planante du grand Zappa, avec qui les deux comparses travaillèrent en leur jeune temps.

Photos : Fanny Layani

Xavier Méra et Fanny Layani


Mercredi 16 juin 2004 – Forgas Band Phenomena / Syrinx

Devant une petite foule plutôt âgée, le vétéran Patrick Forgas prend place sur scène avec son Forgas Phenomena Band fraîchement renouvelé. Seuls trois titres figurent sur la set-list, mais le batteur/compositeur a l’intention de présenter en avant-première un titre de quarante minutes, extrait de son prochain album Coup De Theâtre. Le concert débute doucement sur  » Déclic « , dans une ambiance un poil austère, avant de prendre lentement sa vitesse de croisière. Le jazz rock mélodique et efficace aux accents de Canterbury (Robert Wyatt en tête) de Forgas a des émules, et le public réagit en conséquence. La présence de Patrick Forgas et son jeu de batterie sans fioritures (mais aux gestes parfois patauds) attirent naturellement les regards, mais n’éclipsent cependant pas le reste de la troupe. Le meneur de jeu s’est entouré de jeunes musiciens de niveau convenable, à la mesure de ses compositions.
Le septuor affiche une bonne maîtrise tout au long de ce concert, notamment sur  » Coup De Theâtre « , pavé ambitieux et très varié qui laisse présager de belles choses pour l’album à venir. Le violon de Clément Janinet aborde de jolis thèmes, tandis que les cuivres s’adonnent à quelques joutes bien senties. En revanche, la guitare connaît parfois des (petits) ratés, notamment une présence en retrait par rapport au reste, et des soli pas toujours d’une grande propreté. Le concert s’achève sur un  » Extralucide  » et un solo de trompette du meilleur effet, de Sylvain Gontard. A peine une heure de jeu, mais les fans du  » Robert Wyatt français  » ont le sourire aux lèvres, tout comme le groupe d’ailleurs. On regrette cependant le léger statisme des musiciens, mais aussi une certaine langueur, qui s’installe à mesure que le concert avance.

Trente minutes plus tard, les  » Transcripteurs  » de Syrinx envahissent la petite scène du Triton pour jouer l’intégralité de leur excellent premier album, Réification. Etant donné la haute densité de la musique du quatuor, la prestation pouvait se révéler délicate à transposer en situation live. Sachant que les musiciens cherchent à garder le mieux possible l’anonymat, on aurait même pu craindre qu’ils jouent cachés derrière un rideau. Ce n’était heureusement pas le cas ! Et la mayonnaise prend plutôt rapidement, à condition toutefois de connaître un minimum l’œuvre de Syrinx. Dans une ambiance détendue et une salle qui s’est légèrement désemplie, le titre éponyme  » Réification  » ouvre le bal, exposant d’emblée l’impressionnante cohésion et maîtrise des musiciens ! Bénéficiant d’un son très satisfaisant (malgré une guitare un peu légère au début), Syrinx semble déjà bien rôdé pour une formation qui fait là son premier concert ! La mise en place impeccable force l’admiration, respectant au mieux les diverses atmosphères du morceau. On enchaîne sans transition sur  » Le Vingtième Cercle « , où David Maurin délaisse quelques instant sa guitare acoustique pour un chorus de flûte traversière.
Tout comme Forgas Phenomena Band, Syrinx offre un petit cadeau au public en interprétant un titre de son prochain album, prévu pour la fin de l’année. Et quel titre ! Démarrant sur une note plus optimiste que les autres compositions connues du groupe, cette nouveauté se révèle très dynamique, regorgeant de rythmes complexes et d’ambiances fascinantes, allant même jusqu’à verser dans le brutal ! Difficile de tout assimiler en une seule écoute, mais cette mise en bouche fait indéniablement son effet ! Le temps de plaisanter un petit peu avec le public (se réduisant hélas au fur et à mesure que la nuit avance et que les métros se raréfient) sur la présentation des… éléments de la spectaculaire batterie de Philippe Maullet, que l’on repart sur  » Emanescence  » et  » Orbis Ubique « , toujours exécutés avec virtuosité, avant de finir sur un intense et hypnotique  » Hypostase Des Archontes « , rallongé d’un final crescendo de claviers psychédéliques. La quelque trentaine de spectateurs conquis demande avec enthousiasme un imprévu mais inévitable rappel. Syrinx, à court de munitions, est obligé de rejouer  » Le Vingtième Cercle « , et en dépit d’une assistance de moins en moins nombreuse, terrassée par l’heure tardive ou simplement par la musique absconse difficile d’accès pour des oreilles néophytes, Syrinx s’en va sous les honneurs, fatigué mais heureux d’avoir livré une prestation de qualité et prouvé qu’il fait partie des groupes les plus intéressants de la scène progressive !

Photos : Fanny Layani

Greg Filibert


Jeudi 17 juin 2004 – Soft Bounds

Le Triton accueillait avec Soft Bounds, une formation inédite et originale à plus d’un titre, dans le cadre des Tritonales. Hugh Hopper et Elton Dean, les bassiste et saxophoniste du légendaire Soft Machine au début des années soixante-dix, se produisaient au côté du batteur Simon Goubert et de la pianiste Sophia Domancich. Ces deux musiciens français sont parmi les plus réputés de la scène jazz hexagonale, et ont déjà collaboré avec d’autres artistes associés à la scène progressive comme Hatfield and the North ou Pip Pyle.

Il était clair, simplement en ayant connaissance de l’affiche et compte tenu de la réputation des  » stars  » du soir, que ce concert allait être le plus jazz de l’ensemble de la programmation du festival. En effet, la moitié « progressive » – et anglophone – du groupe représentait, à l’époque, la frange la plus jazzy du mouvement. Après tout, Soft Machine n’est rien moins que le premier grand groupe de la lignée du progressif « à la sauce Canterbury », bien connu pour préférer le jazz aux influences classiques habituellement dominantes dans ce créneau musical. La présence des deux Français ne pouvait qu’accentuer cet état de fait, et comme prévu, c’est bien à un concert de jazz auquel on pouvait assister ce soir-là, bien que d’un genre un peu spécial.
La set-list du concert avait au moins deux facettes. D’une part, les musiciens se devaient de jouer des classiques de Soft Machine, ce qu’ils firent avec brio, rappelant à tous ceux qui auraient pu en douter – et aux autres – à quel point cette musique est intemporelle. C’était la face la plus « carrée » de la soirée, les morceaux de Soft Machine étant plus écrits que les autres.
D’autre part, le spectacle se tournait vers le jazz au sens traditionnel du terme, avec une part plus grande laissée à l’improvisation. Soft Bounds servait de formation de luxe pour interpréter des morceaux issus des divers projets « solo » de ses membres, même si c’est surtout la discographie d’Elton Dean qui était la plus revisitée. Pour l’oreille peu entraînée de votre serviteur, ce sont les épanchements free jazz du saxophoniste qui passaient le moins facilement. Il ne fait cependant aucun doute que les amateurs appréciant cette fièvre de l’improvisation en eurent pour leur compte. Les applaudissements saluant la fin de ce genre de soli totalement débridés en témoignaient. Paradoxalement, les morceaux de Simon Goubert et de Sophia Domancich sonnaient moins typiquement jazz que ceux d’Elton Dean, car plus construits et aussi plus originaux.

Ce sont donc des musiciens en grande forme qui nous divertirent, et bien mieux encore, ce soir au Triton. Hugh Hopper animait avec bonne humeur les intermèdes entre les morceaux et surtout posait l’ossature de la musique avec un jeu de basse sobre mais extrêmement efficace. Elton Dean maniait le saxophone avec une virtuosité jubilatoire et Sophia Domancich occupait avec sensibilité l’espace sonore que son collègue soliste voulait bien lui laisser. Enfin, il faut signaler la très bonne prestation de Simon Goubert à la batterie, entre explosions contrôlées et effleurements de toms tout en douceur. Un succès de plus pour les Tritonales !

Xavier Méra


Vendredi 18 juin 2004 – We Insist !

We Insist ! semble décidément avoir pris ses quartiers au Triton : deux albums enregistrés sur le label au batracien, et des prestations régulières (dont l’une lors des Tritonales 2003). C’est d’ailleurs sans doute cette fréquence des concerts des Parisiens, dont le dernier passage aux Lilas remontait au mois de mai dernier, qui explique la faible affluence de cette soirée. Mais ces trop nombreux sièges déserts n’ont cependant pas empêché We Insist! de livrer une prestation toute en énergie et en puissance qui, malgré un son très (trop) fort, a su séduire un public pour la plupart déjà acquis à la cause.

La musique de We Insist ! est faite de formes plutôt courtes, alternant souvent deux climats aux identités bien définies, entre riffs plombés et harmoniques obsédantes, l’ensemble étant marqué par des accélérations subites ou des passages ternaires/binaires à l’effet garanti. On évolue donc dans un climat heurté, fait de juxtapositions et de collisions de thèmes, sans transitions ni concessions. Au plan sonore, We Insist ! recherche le plus souvent la noirceur – et presque la stridence – des climats, en cumulant distorsions en tous genres et doublures de saxophones sous amphétamines.
Toutefois, l’ensemble n’est jamais aride, grâce à un aspect rock alternatif assez fortement marqué, et à quelques accélérations presques metalliques, parsemant l’ensemble de repères et de références plus accessibles pour l’auditeur néophyte.

Le jeu de scène du groupe se démarque nettement des formations s’étant jusque-là succédées dans le cadre des Tritonales : le groupe bouge énormément, évoluant dans une attitude scénique presque "grunge". Cet aspect est encore renforcé par un éclairage extrêmement limité, à dominante verte et bleue, qui annule les rares couleurs présentes sur scène et renforce l’aspect sombre de la musique du groupe (tonalités, accords, textes,…) ainsi que le poids des ambiances, moites et distillant un certain mal-être ("Beaten Black and Blue").
On pourra regretter que la part réservée aux voix et aux saxophones ne soit pas approfondie et que le chant, assuré par le batteur, soit du fait de cette double activité un peu limité en termes d’expressivité. Etienne Gaillochet est en effet souvent bien plus prenant sur les deux titres sans percussions, qu’il chante en véritable frontman, libre de se déplacer sur scène et de donner toute leur dimension à des textes souvent de qualité.

We Insist ! sur scène reste une expérience forte et prenante, et le groupe embarque sans ménagement le public dans un voyage qui n’est pas anodin, qui parfois dérange, mais qui touche et séduit toujours. Et même si certaines poses et attitudes scéniques de Julien Divisia ou Eric Martin (guitares), tout à fait en phase lors de l’émergence de la scène de Seattle il y a quinze ans, sont aujourd’hui un peu "connotées", We Insist! en concert reste quelque chose à ne pas manquer !

Photos : Fanny Layani

Fanny Layani


Samedi 19 juin 2004 – Zao

Tout comme We Insist !, Zao revenait au Triton pour la seconde fois en très peu de temps, la première ayant été un concert de rodage, dans le cadre de la préparation d’une tournée japonaise, où le groupe reçut un très grand succès.

Cette formation d’un Zao renaissant, une nouvelle fois, de ses cendres, réunit autour des historiques Yoshk’o Seffer (saxophone) et François "Faton" Cahen (piano) – dont la complicité scénique fait réellement plaisir à voir – un François Causse au jeu de batterie plein de classe, à défaut d’être réellement innovant, un Gérard Prévost relativement efficace, bien que peut-être un peu en retrait, à la basse, et une jeune chanteuse, Cynthia Saint-Ville, dont la voix de soprano, déjà intéressante, semble cacher bien d’autres surprises et une réelle ampleur.

Le répertoire abordé par Zao est extrêmement "classique", reprenant les points principaux de la discographie du groupe, et le concert commence par une longue rétrospective. On (re)plonge en effet en 1972, avec "Marochsek", "Ataturc", "Ronach" et "Atart", soit les quatre premiers titres de Z=7L, le premier album. Suit ensuite "Isis", extrait de son successeur, Osiris. Sur ces anciens titres, Cynthia Saint-Ville ne prend que discrètement sa place, souvent en doublure des parties de saxophone et restant cantonnée dans un registre biphasé plutôt étroit pour une voix que l’on devine bien plus large. Le second set, principalement composé d’extraits de Shekina et de Kawana, est plus enlevé, correspondant à l’orientation plus jazz-rock de la seconde partie de la carrière du Zao période 70. Cette deuxième partie est véritablement illuminé par "Cynthia", nouveau titre introduit par une contine japonaise enregistrée, et l’un des morceaux les plus prenants de la set-list, laissant le temps aux ambiances de s’installer et de se développer pleinement, menant le concert plus haut, sans doute, que tout le reste de la soirée. Le concert ne redescend plus, et s’achève sur un "Zohar" donnant à François Causse l’occasion d’un solo de batterie assez parfaitement mené, avant que le groupe ne soit instamment rappelé par un public plus que conquis. L’ensemble du répertoire retravaillé par le groupe ayant été épuisé, Zao se lance dans la reprise de standards du jazz : "Summertime", qui laisse à Cynthia Saint-Ville un espace d’expression plus large que les compositions de Cahen et Seffer, et un "Impressions" coltranien de haute volée.

Ce retour de Zao se fait donc sous les meilleurs auspices, et remporte un net succès. On peut cependant regretter le relatif manque de prise de risque de la part des musiciens, qui "assurent" avec un net plaisir, mais sans réellement se mettre en danger, devant un public sans doute souvent un peu guindé. On peut aussi se demander pourquoi la voix de Cynthia Saint-Ville reste sous-exploitée, bien trop souvent en simple doublure du saxophone, alors qu’elle pourrait apporter une nouvelle dimension à la musique de Zao, en prenant en charge des parties réellement indépendantes, et mettant plus en valeur son timbre prometteur.
Toutefois, l’ensemble de ces petits détails s’explique sans doute par la reformation récente du groupe, et la nécessité d’intégrer peu à peu les autres musiciens à un propos musical dont l’idendité reste, quoi qu’il en soit, clairement marquée. Il ne reste qu’à espérer qu’à l’avenir, cette nouvelle version de Zao saura aller beaucoup plus loin. Elle a les moyens de donner naissance à quelque chose de nettement plus ambitieux et audacieux.

Ces voeux d’avenir sont plus que probables, puisque "Faton" Cahen et Yoshk’o Seffer ont clairement annoncé leur intention de pérenniser l’aventure. Un album et un DVD live sont d’ores et déjà prévus, mais surtout, un retour en studio a été évoqué. Zao semble donc revenu pour durer, pour notre plus grand plaisir. Il reste à savoir si le groupe pourra avoir les moyens de se développer… le concert s’est en effet achevé sur le constat amer dressé par Faton de la difficulté pour ces musiques d’un genre hybride, à se faire une place au soleil ! L’avenir dépendra donc au moins autant du public que des musiciens !

Photos : Fanny Layani

Fanny Layani