Mercury Rain – Mercury Rain

INTERVIEW : MERCURY RAIN

 

Origine : Angleterre
Style : power metal gothique
Formé en : 1998
Line-up :
Sonia Porzier : chant
Dion Smith : guitare
Jon Hoare : basse/synthé
Andy Pester : batterie
Dernier album : Dark Waters (2003)


Ce jeune groupe anglais venu de Bristol a sorti son premier album, Dark Waters en mars 2003. Sonia Porzier raconte comment elle est entrée dans Mercury Rain, et nous parle de Dark Waters et de son élaboration.

Progressia : peux-tu présenter brièvement le groupe et son parcours à nos lecteurs ?
Sonia Porzier :
Mercury Rain est un groupe gothic power metal basé à Bristol, en Grande Bretagne. Il est composé d’Andy Pester (batterie), Dion Smith (guitare), Sonia Porzier (chant) et Jon Hoare (basse, synthé, programmation, etc. et « chef d’orchestre »… !). Mercury Rain a été créé en 1998, mais le line up actuel date de 1999, avec quelques « détours », sous la forme de plusieurs guitaristes. Ces changements ont permis à Mercury Rain d’évoluer et de prendre la tournure actuelle. Nous avons réalisé une démo en novembre 2000, Where Angels Fear, puis Dark Waters en mars 2003. Where Angels Fear comportait des morceaux écrits avant mon arrivée en 1999. Dark Waters est l’aboutissement de nos idées mises en commun, il est beaucoup plus atmosphérique. Nous travaillons actuellement sur un nouvel album, St Matthieu, qui devrait sortir au printemps prochain, si tout va bien.

Un groupe anglais qui comporte une chanteuse d’origine française dans ses rangs, c’est peu banal ! Comment as-tu rencontré Mercury Rain ?
Grâce aux bonnes vieilles petites annonces ! Dès mon arrivée à Bristol, je recherchais un nouveau groupe dans lequel je pourrais chanter. J’ai mis quelques annonces, mais sans succès. J’ai finalement répondu à une annonce dans un journal, ai rencontré Jon et puis voilà !

Qu’est-ce qui a poussé le groupe à opter pour un chant féminin ?
Je crois qu’à l’origine les gars aimaient l’idée de groupes metal avec une chanteuse, tels que Nightwish, After Forever, etc. Il me semble qu’ils étaient très ouverts à la base quant à la personne qui prendrait le micro… Après qu’ils aient entendu des extraits de la démo de ce que je faisais avec Tears of Ea, groupe brestois de black metal atmosphérique, ils ont pensé que ça collerait, et nous avons commencé à travailler ensemble.

Venons-en à l’album, Dark Waters. Quel en est le concept ?
Le concept de Dark Waters est basé sur les légendes bretonnes qui me sont chères, et notamment celles des pêcheurs morts en mer dont l’âme cherche le repos éternel. Le thème tourne principalement autour des légendes de la mer, de la ville d’Ys, des traditions maritimes bretonnes. Ce seul et même concept donne à l’album à mon avis un son plus atmosphérique et émotionnel que le premier disque.

Comment s’est passée la phase d’écriture de l’album : qui fait quoi, comment chacun contribue-t-il, quel est le mode de gestation des titres ?
En ce qui concerne le mode d’écriture en général, Jon est le noyau : il écrit une mélodie au synthé puis Dion va y apporter de la guitare, ou je place des lignes de chant, ou bien encore ce sera le kick drum d’Andy. Il n’y a pas d’ordre défini. La plupart du temps, je travaille sur les paroles en même temps que le morceau prend forme. De ce fait, les parties instrumentales peuvent être adaptées, les différentes structures du morceau réarrangées, ou bien le texte et le chant évolueront à l’apport d’une nouvelle ligne de synthé, d’un riff particulièrement heavy ou saccadé etc. Certains morceaux ont été écrits très tôt, en janvier 2001 pour le cas de « Broëlla », et ont évolué continuellement au cours des deux années de la mise en place de l’album. D’autres sont restés en gestation pendant plusieurs mois. « Marie Morgane » en est un exemple manifeste. Ecrit juste après « Where Angels Fear », il a été mis de côté pour n’être retravaillé qu’à la fin de 2002.

Quelles ont été vos inspirations ?
L’un des premiers textes que j’ai écrits pour Dark Waters est « St Matthieu », à partir d’un site du même nom en Finistère. Comme vous pourrez le constater bientôt, c’est un texte fondé sur la mer, sa force, son magnétisme et les sorts qu’elle peut lancer. A partir de là m’est venue l’idée de baser Dark Waters sur un concept, celui de la mer et de ses légendes. Je m’intéresse beaucoup au patrimoine légendaire, entre autres, de la Bretagne et aime tout ce qui touche au fantastique, sombre, mélancolique, etc. Tout ceci a abouti à Dark Waters. Ce qui est maintenant assez amusant, c’est que « St Matthieu » ne figure finalement pas sur le dernier album, mais aura sa place d’honneur en titre principal du prochain !

Vous évoluez dans un style où la concurrence est rude. Que pensez-vous apporter de plus par rapport aux autres groupes, quelle est votre vision de votre différence ?
Il est vrai que des groupes power metal, il y en a à foison. Nous pensons que nous apportons quelque chose de nouveau, d’original dans le fait que nous sommes très ouverts sur les structures instrumentales, par le type de mélodies choisies, etc. Nous venons tous d’horizons différents ce qui fait que nous apportons tous une touche très personnelle et variée à la composition des morceaux. De plus, il y a l’aspect gothique / atmosphérique que l’on ne retrouve pas forcément dans notre style. Et puis, je ne crois pas qu’il y ait tant de chant féminin que cela…

Parlons de l’enregistrement. Il me semble que vous l’avez réalisé vous-même, avec les moyens du bord…
Nous avons effectivement tout fait dans le home studio de Jon. Il a assuré la production et nous avons tous mis la main à la pâte pour le mixage. La masterisation a été faite extérieurement cependant. Tous les enregistrements ont été effectués dans une pièce aménagée en studio chez Jon, comprenant même une cabine voix. Il travaille sur un PC avec 2 Maudio Delta 1010, pour obtenir l’audio in/out, un module de synthé Roland XV5050 et un micro Rode NT1. Les guitares et les basses étaient enregistrées principalement avec un Johnson J-Station. Les solos ont été capturés au micro directement. Andy utilise la batterie Roland V-Drums (TD8), ce qui est vraiment très pratique pour travailler en midi uniquement ! Et Dion enregistre des parties guitares chez lui sur son Roland VS1480. C’est du travail à la chaîne ! Nous avons eu beaucoup de problèmes techniques, ce qui fait que l’album a pris plus longtemps que prévu à réaliser. Mais finalement, nous nous en sommes sortis !

Quels enseignements en avez-vous retiré, techniquement mais aussi musicalement ?
Nous avons beaucoup appris, c’est certain ! Nous avons appris à gérer les détails matériels et à maîtriser le logiciel, mais aussi à reconnaître le son avec lequel nous voulions travailler et les conditions pour l’obtenir. Nous avons appris à être plus critiques et chaque nouveau disque est pour nous riche d’enseignement. Nous voulons repousser toujours plus loin les limites de ce que nous pouvons faire, nous voulons nous dépasser pour obtenir un son toujours meilleur, différent et plus recherché. Et tout cela veut dire se remettre en question constamment, ne pas s’endormir sur des acquis et être en mesure de critiquer constructivement le travail de chacun. Le fait que nous nous connaissions tous depuis plusieurs années maintenant, certains depuis plus longtemps que d’autres, est un atout. Finalement, ce n’est pas aussi terrifiant que j’ai l’air de le présenter ! En ce moment, nous sommes en phase « d’étude » pour filmer et de réaliser une vidéo : produire un DVD et faire des retouches numériques constitue un exercice très difficile mais c’est très gratifiant. Nous préparons cela nous-même en ce moment et je dois dire que nous sommes déjà quelque peu fiers du résultat !

Comptez-vous enregistrer le prochain album de la même façon ?
Je pense que le prochain album sera enregistré globalement de la même façon, avec je l’espère un meilleur résultat tiré de nos expériences précédentes. Pour le moment, ça se passe plutôt bien ! Nous avons du nouveau matériel qui devrait apporter une qualité de son supplémentaire : un micro Rode NTK pour remplacer le NT1, le XV 5050 sera amélioré également.

Quel est ton titre favori de l’album ? Et pourquoi ?
Je ne peux pas vraiment décider d’un titre que je préfère. C’est dur à dire. Ça dépend de mon humeur du moment… Je crois que j’ai un petit faible pour « Le Paradis Du Couchant » cependant, peut être que ça a quelque chose à voir avec la belle langue dans lequel le morceau est écrit (rires) !

Vous travaillez déjà sur le successeur de Dark Waters. Que pouvez-vous nous dire à son sujet ? A quoi peut-on s’attendre ?
St Matthieu est un album à concept également. Il a démarré avec l’artwork de Stéphanie Law, que l’on peut voir sur http://www.shadowscapes.com, ainsi que sur notre site web. L’eau y tient toujours une place prépondérante, ainsi que la mort, le regret, la douleur et les légendes bretonnes. Cet album sera plus heavy mais aussi plus atmosphérique. Il reste dans la continuité de Dark Waters, mais notre musique a évolué et mûri. Il comportera neuf titres et un DVD en bonus sur lequel figureront les vidéos de notre concert à Bloodstock et un clip illustrant « Shadow Scent ». La vidéo sera filmée en Écosse, sur le site de Eilean Donan (NdlR : le château du tournage de Highlander) à la mi-janvier. Nous espérons que la neige, le verglas et le froid – tout ce qui fait les ingrédients de l’Écosse en janvier – nous laisseront un peu de répit !

Vous avez participé à un gros festival (Bloodstock) en août dernier, avec Nightwish en tête d’affiche. Quelles sont vos impressions ? Comment avez-vous été accueillis par le public ?
Le festival Bloodstock a été pour nous la cerise sur le gâteau. Nous avons passé un an ou presque à y penser et à se préparer. L’ambiance y était fantastique, très sympathique. Cette année, le festival a vendu jusqu’à son dernier ticket (deux mille personnes). Ça a été une très bonne expérience de voir Saxon, Nightwish et Paradise Lost entre autres. Nous ouvrions la scène principale le samedi 30 août. Nous savions qu’en général les groupes qui ouvrent ainsi le spectacle ne sont pas forcément traités avec le plus d’égards, alors nous y sommes allés modestement. Nous attendions avant tout une surprise ! L’ambiance était électrique, et cela reste notre meilleur concert à ce jour. Trois cents personnes environ y ont assisté, et nous avons été très touchés de l’accueil qui nous a été réservé. Les organisateurs du festival se sont également très bien occupés de nous. Nous sommes tous prêts à recommencer une telle expérience, c’est certain ! C’est une expérience unique d’avoir l’opportunité de jouer sur une telle scène, devant un tel public. Cela restera le moment fort de 2003 pour nous.

Quelle différence fais-tu entre les scènes underground anglaise et française ? Les conditions et les opportunités sont-elles les mêmes pour un groupe de metal ?
J’ai l’impression qu’il n’y a pas de grosses différences. Dans les deux pays, il y a des régions et des villes où les choses fonctionnent mieux. C’est notamment le cas dans les villes du nord de l’Angleterre : Nottingham, Sheffield, Leeds, ou à Londres avec l’effet « capitale ». Il y est plus facile de se faire une audience, de jouer dans des bars, salles de concerts etc. Mais en général, le public est, je suppose, moins réceptif qu’en Allemagne ou aux Pays-Bas, car les amateurs de metal sont moins répandus. Je crois qu’en Angleterre comme en France, émerger en tant que groupe metal n’est pas chose facile. Souvent, il faut compter des années à galérer de bars obscurs en salles insalubres ou minuscules avant de pouvoir faire un concert à plus grande échelle. J’ai l’impression que les temps changent tout doucement, mais je me demande si ce n’est pas un feu de paille appelé mode…

L’intégration d’un groupe britannique par une Française a-t-elle mis en exergue des différences culturelles, et lesquelles (méthodes de travail, façon d’aborder le travail musical, vie quotidienne, professionnelle ?)
C’est une très vaste question ! Il y a de quoi dire, comme tout expatrié pourra le témoigner, mais rien de vraiment dramatique a déclarer ! L’Angleterre est toutefois beaucoup plus exotique qu’on ne le pense.
Il est vrai que l’intégration n’a pas été toujours facile, au niveau de la compréhension avant tout. Je pense à des moments où le groupe était réuni et il y avait des éléments de conversation que je ne comprenais absolument pas. A force de demander de quoi tout le monde parle, ça devient gênant, et tu finis par piquer du nez, ou bailler aux corneilles !! C’est en fait quelque chose que j’ai beaucoup expérimenté les premiers mois de mon arrivée à Bristol, les difficultés de communication, pas seulement au sein du groupe.
Je ne suis pas vraiment une spécialiste dans le jargon musical, mais alors quand c’est en anglais, c’est encore moins évident. Le solfège n’est pas utilisé en Angleterre comme en France. Ils utilisent plus naturellement les lettres de « A » à « G » (NdR : A pour la, B pour si, C pour do, D pour ré etc. Les Allemands ont aussi un système extrêmement proche. La dénomination solfégique française venant du Latin, de la première syllabe des hémistiches de l’hymne des Vêpres de l’Office de Saint Jean-Baptiste, au Xie siècle – UT queant laxis, REsonare fibris, MIragestorum, FAmuli tuorum, SOLve polluti etc. – elle est assez propre à nos contrées) pour désigner les notes. Comme je n’ais pas eu de formation sur ce type de « langage », je suis toujours un peu perdue… !
Une des choses que j’aime beaucoup en Angleterre, c’est l’emploi du « you ». C’est tellement plus facile ! Les gens me semblent beaucoup plus décontractés, notamment dans le milieu professionnel. En général, tout le monde s’appelle par son prénom. Cela rend les premiers contacts plus faciles.

La question du chant dans l’une ou l’autre langue s’est-elle posée, et comment ? Quel a été le cheminement pour atteindre le résultat actuel – un album en Anglais avec un titre en Français ?
Mercury Rain est avant tout un groupe anglais et je crois que c’est plus facile pour tous, en Grande-Bretagne du moins, de conserver un chant en anglais. Toutefois, j’aime bien apporter une petite touche personnelle supplémentaire et écrire une chanson en français me tenait à cœur. Souvent, un morceau exécuté dans la langue natale du chanteur / de la chanteuse (en comparant avec un chant en langue étrangère) prend une autre dimension.. Le chant peut devenir plus émotionnel car le chanteur se sent plus impliqué, plus proche de cette langue. « Le Paradis du Couchant » a donc pour moi une signification supplémentaire, un peu spéciale.

On reproche souvent aux chanteurs français s’exprimant dans une autre langue, leur accent hexagonal prononcé. Depuis l’autre rive de la Manche, quelle est ton opinion et ta vision des choses : l’accent français est-il un handicap ou, comme on l’entend parfois, plutôt un charme supplémentaire comme l’accent anglo-saxon d’un Britannique parlant Français ? As-tu toi-même mené un travail sur ce point ?
Les Anglais raffole de l’accent français généralement, tout comme tu le remarques, l’accent anglo-saxon d’un Britannique parlant Français plait aux Français.
Personnellement, je n’aimerais pas avoir un accent français trop fort quand je chante / parle en Anglais. De ce fait, je demande toujours aux gars de me corriger si je ne prononce pas correctement un mot. Idem pour la grammaire dans mes textes : Je demande toujours à Jon de vérifier s’il n’y a pas de fautes.

Ta présence en tant que Française a-t-elle aidé au développement du groupe, notamment en tant que point différenciant, pour vos partenaires musicaux ? (label, tourneurs, organisateurs de concerts…)
Je pense que c’est un atout pour les contacts en France, notamment avec notre label, dans le sens où c’est plus facile de travailler ensemble en parlant la même langue d’origine. Nous verrons pour l’avenir si cela apporte un plus pour le développement de Mercury Rain en France. Sinon, en Grande-Bretagne, c’est certes très original, quant à avoir contribué au développement du groupe, … je ne pense pas.

Quels sont vos futurs projets ? Des concerts prévus ?
Les projets, nous en avons à la pelle ! Mais il faut faire la part du rêve ! Des concerts, nous voudrions en faire un maximum, mais nous avons quelques obstacles à surmonter : tout d’abord, finir le nouvel album pour pouvoir présenter les nouveaux matériaux. Puis trouver un clavier. Andy, notre batteur, va en effet devenir sourd si nous continuons avec le click track, car Jon ne peut pas, aussi bizarre que cela paraisse, jouer de la basse et faire du synthé en même temps (rires) !

Quels sont tes disques du moment ?
Brainstorm, Blind Guardian, Rush, Dimmu Borgir et puis The Gathering, The 3rd and The Mortal, Dead Can Dance pour moi. En ce moment, j’essaie de garder mes horizons grands ouverts et j’écoute de tout, ça va de la musique espagnole médiévale aux nouvelles sorties gothiques du moment.

L’année 2003 vient de s’achever, quelles sont vos résolutions pour 2004 ?
Les bonnes résolutions pour 2004 ? Finir le disque et faire des tournées en Europe ! Nous pensons que nous serons amenés à faire des concerts et mini-tournées en Grande Bretagne cette année, peut être même dans le cadre de « Bloodstock on the road ». En effet, les groupes qui ont fait partie du festival sont invités à tourner en Grande Bretagne. À suivre !

As-tu quelque chose à ajouter à cette interview, un point que tu souhaiterais aborder et que nous n’aurions pas traité ? Un mot pour les lecteurs de Progressia ?
Pour obtenir plus de renseignements sur notre album en cours ou écouter des extraits de Dark Waters, visitez notre site web. Un grand merci à Underclass pour tout le travail qu’ils font pour nous et meilleurs vœux à tous !

Propos recueillis par Greg Filibert

site web : http://www.mercuryrain.com/

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