INTERVIEW : SYRINX

 

Origine : France
Style : Musique métamorphique
Formé en : 1999
Line-up : inconnu
Dernier album : Réification (2003)


Ce nom ne vous dit rien pour le moment, mais sachez que Syrinx fait partie des bonnes surprises de cette année ! Sorti de nulle part, l’album Réification propose une musique complexe, originale et étrange, faite par des anonymes qui la considèrent comme une « musique métamorphique ». Progressia a tenté de percer le mystère Syrinx et son univers particulier. A vos méninges !

Progressia : Syrinx soulève pas mal de questions au sein de la rédaction. Seriez-vous prêt à lever ce voile de mystère pour Progressia et ses lecteurs ? À commencer par l’identité des Transcripteurs…
Syrinx :
L’anonymat de notre démarche artistique résulte à la fois d’une volonté et d’une nécessité : d’une volonté parce que nous souhaitons rester fidèles à d’anciennes traditions où il était impensable qu’un artiste ou un artisan signe son œuvre, et d’une nécessité parce que notre travail musical peut être comparé à une sorte de fouille archéologique : à partir de « fragments », nous essayons de reconstruire un message musical, et donc nous considérons que cette musique ne nous appartient pas.
C’est pour cela que nous utilisons le terme de « transcripteurs », et que vous ne trouverez aucun nom sur notre album. Nous voulons que l’auditeur se focalise sur la musique, qu’il en soit imprégné, et qu’il n’ait aucune possibilité de se raccrocher à autre chose que la musique et que le concept dont elle est issue. L’identité des « transcripteurs » nous apparaît donc hors sujet sur tous les plans.

Comment a débuté le groupe ? Quel est son parcours ?
Nous nous connaissons depuis une dizaine d’années et certains d’entre nous ont – ou ont eu – une petite renommée sur la scène nationale et internationale. Bien que nous habitions assez loin les uns des autres, nous avions chacun recueilli une manifestation particulière de Syrinx, c’est-à-dire des matériaux – que nous appelons « fragments » – qu’il semblait tout à fait logique de transcrire en musique.
Il nous a fallu un peu de temps pour nous rendre compte que nous travaillions tous les quatre sur les mêmes thèmes musicaux ! C’est à ce moment, en 1999, que nous avons commencé à mettre en commun et à analyser tout ce que nous avons avions, et ce fut le début d’une collaboration assidue et laborieuse. Depuis, nous allons de découverte en découverte, et nous sommes heureux de pouvoir présenter aujourd’hui la première étape du projet Syrinx, les cinq morceaux de Réification.

Ces matériaux que vous appelez « fragments », concrètement, de quoi s’agit-il ? Quelle est cette source d’inspiration ?
C’est une question légitime à laquelle il nous semble malgré tout prématuré de répondre, non par volonté de faire des mystères, mais parce que cela nous obligerait à développer de trop longues explications. Notre source d’inspiration reste « l’Aeon Syrinx » dont la manifestation concrète se traduit par ce que nous appelons des « fragments », dont la retranscription aboutit à la musique que vous entendez sur l’album. Pour nous, cette musique constitue le message essentiel et primordial, c’est pourquoi nous ne faisons qu’évoquer le concept dans le livret, sans fournir tous les détails. La plupart de ceux-ci, ainsi que la nature de ces « fragments », feront partie des informations que nous préciserons sur notre site internet, tout en sachant que ces informations n’intéresseront sûrement que 5 % des amateurs de Syrinx.

Quand vous dites que certains d’entre vous ont une renommé nationale ou internationale, vous titillez ma curiosité ! Pouvez-vous au moins nous donner un petit indice sur vos identités, que les lecteurs fassent aussi leurs fouilles « archéologiques » ?
Nous avons dit exactement que certains d’entre nous ont – ou ont eu – une petite renommée sur la scène nationale et internationale, ceci pour indiquer que nous n’en sommes pas à nos débuts ! Nous œuvrons anonymement, mais cela ne veut pas dire que nous sommes et que nous resterons inconnus. Plusieurs personnes que nous avons contactées pour la promotion de notre album ont déjà mis un nom sur certains d’entre nous, et franchement, nous ne croyons pas qu’ils en soient plus avancés pour autant ! Nous ne pourrons pas les empêcher de citer nos noms, mais notre politique consiste à demeurer anonymes pour tout ce qui concerne la présentation de la musique et du concept Syrinx. Ceci dit, vos lecteurs qui nous verront en concert s’épargneront de fastidieuses fouilles archéologiques (rires) !

À vouloir garder à tout prix l’anonymat, n’avez-vous pas peur paradoxalement de passer inaperçu malgré le côté mystérieux de votre concept et la qualité de votre musique ?
Il faut bien se rendre compte que passer inaperçu reste le lot de la majorité des artistes et cela indépendamment de la qualité de leur travail. Très peu d’entre eux finissent par être connus du grand public. Tout ceci est donc très relatif : le mouvement du rock progressif passe lui-même inaperçu par rapport au monde musical en général… En tant que musiciens, nous avons fait le choix de rester anonymes, mais nous sommes connus comme étant le groupe Syrinx. Nous faisons tout notre possible pour faire connaître notre musique, et nous n’avons pas l’impression de passer inaperçus.

Vous qualifiez votre musique de « métamorphique ». Quelle en est votre définition ? Quelle différence faites-vous avec la musique dite progressive ?
Le mot métamorphique désigne ce qui subit une métamorphose. On peut dire qu’une musique est métamorphique lorsqu’elle remplit au moins trois conditions majeures : premièrement, elle est construite avec des thèmes rythmiques et mélodiques qui se développent, se transforment, se métamorphosent de façon subtile en d’autres thèmes. Selon les effets recherchés, ce processus est plus ou moins évident pour l’auditeur. Si cette construction « métamorphique » est élaborée correctement, elle doit entraîner les deux conséquences suivantes.
Deuxièmement, elle induit chez celui qui l’écoute un état intérieur particulier. En fait, toute musique influence nos mouvements, nos émotions et notre volonté, qu’on en soit conscient ou non. La musique de Syrinx est précisément conçue en ce sens, afin d’opérer une transmutation interne, une métamorphose intérieure de l’auditeur.
Et enfin troisièmement, elle crée dans le lieu où elle est diffusée une sorte de « climat » : elle contient en elle tout ce qui lui est nécessaire pour pouvoir « s’accrocher » progressivement dans l’espace physique où elle est propagée. Une fois sa diffusion terminée, elle imprègne encore le lieu. Une personne sensible doit ressentir ce phénomène, même si elle n’était pas présente au moment de l’écoute.
Beaucoup de musiques, dont le rock dit « progressif », utilisent la première et/ou la deuxième fonction métamorphique décrite ci-dessus, mais souvent de façon involontaire et non calculée. Très peu utilisent la troisième fonction et encore moins l’ensemble des trois. En ce qui concerne Syrinx, tous ces phénomènes métamorphiques ont été utilisés pour chaque morceau, et il existe aussi un processus métamorphique utilisé sur l’ensemble des albums, les uns par rapport aux autres.

Pouvez-vous nous expliquer le concept qui se cache derrière Réification ?
Le concept musical de Syrinx est conçu pour être développé sur plusieurs albums. Comme nous l’avons dit plus haut, ce travail se rapproche par certains aspects d’une fouille archéologique : la première étape est toujours la mise à jour d’un site nouveau, l’extraction d’objets qu’il faut ensuite nettoyer et trier pour finalement reconstruire l’histoire et le message indirect qui nous est légué. Le premier volet, Réification, résulte des premières investigations ; une substance a été donnée à l’appel de Syrinx. Ce travail se poursuivra dans un deuxième album issu de « fragments » dont la retranscription est à présent achevée et qui constituera la suite directe de Réification. La diffusion de notre musique va permettre dans un premier temps de réifier « l’Aeon Syrinx » (NdRC : du latin res-, chose, et facere, faire, le verbe date de 1965 et le substantif de 1960. On peut définir réifier comme étant l’action de figer, de transformer en chose, donner un caractère de chose), grâce au processus métamorphique décrit ci-dessus, pour pouvoir accéder ensuite à ce que nous appelons les « Mystères de Syrinx » c’est-à-dire une connaissance particulière liée aux vibrations sonores permettant d’agir positivement sur notre être et sur l’environnement. Des explications détaillées seront régulièrement mises à disposition sur notre site internet.

Votre musique est très particulière et complexe. Quelles sont vos influences ?
Nous sommes tous passionnés de musiques classiques, folkloriques, liturgiques, progressives, rock, etc… Il se peut que la façon de jouer de chaque musicien soit influencée par tous ces styles, mais il se trouve que la musique de Syrinx ne puise pas à ces sources et ne peut pas être classée dans ces catégories. C’est pourquoi nous préférons utiliser le terme de « musique métamorphique ».

Les titres sont imprégnés d’une certaine tristesse. Est-ce un aspect primordial de Syrinx, d’avoir un côté mélancolique ?
Il est difficile de dire une fois pour toute que telle mélodie est triste ou gaie, cela dépend de la perception de chacun et surtout des souvenirs vécus qui lui correspondent. Nous sommes d’accord pour dire que la musique de Syrinx véhicule une profonde nostalgie en même temps qu’un formidable espoir. On touche là à des archétypes inconscients de l’esprit humain : le regret d’avoir perdu quelque chose, et la certitude de retrouver autre chose de mieux.

Pourquoi avoir opté pour une musique instrumentale plutôt que chantée ?
Pour l’instant notre musique est instrumentale parce que les « fragments » dont nous disposons ne nous donnent aucune indication de mélodie distincte pour le chant. D’autre part, une ligne de chant n’aurait aucune utilité dans le processus métamorphique sur lequel nous travaillons actuellement. Nous utilisons uniquement des chœurs de façon ponctuelle.

Vous avez fait le choix d’utiliser exclusivement la guitare acoustique. Pourquoi ?
Aucun son provenant d’une guitare électrique ne correspondait à ce que nous voulions donner à entendre. On était heureux de s’apercevoir que cette utilisation exclusive de la guitare acoustique donnait une couleur sonore bien caractéristique et peu commune. Ne perdons pas de vue que Syrinx est quelque chose de très vivant, dont nous sommes nous-mêmes les observateurs : nous ressentons qu’après, ou pendant, le troisième album, il y a comme une charnière, une mutation, mais nous ne savons pas encore comment cela va se traduire. Y aura-t-il du chant, de la guitare électrique, des castagnettes irlandaises, on ne peut rien dire…

Le processus de composition au sein du groupe est-il un travail collégial ?
Comme vous l’aurez compris, nous préférons ne pas parler de compositions mais de retranscriptions. La musique de Syrinx est issue de matériaux que nous classons et étudions tous ensemble, mais certains d’entre nous sont plus aptes à en retranscrire certaines parties. C’est donc un travail à la fois collégial et individuel.

Où avez-vous enregistré l’album ?
Nous avons enregistré Réification dans nos locaux, avec notre propre matériel, et le mixage a également été réalisé par nos soins. Ainsi, nous avons pu nous accorder tout le temps nécessaire pour coller au plus près du résultat que nous voulions obtenir. En ce qui concerne l’étape délicate du mastering, nous avons fait appel au talent de Jean-Pascal Boffo qui a su donner un son très clair et chaleureux à l’ensemble de l’album.

Que pensez-vous de la scène progressive française ?
Que du bien ! Il y a eu de super groupes progressifs français, il y en a actuellement et il y en aura encore ! Il y a un style bien caractéristique qui se dégage du progressif français et qui n’a rien à envier aux autres pays. Le seul regret, c’est de voir des groupes français copier de tellement près le son et les groupes étrangers qu’on a l’impression d’entendre un groupe de reprises.

Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans ce milieu ?
Les difficultés habituelles du courant progressif concernent la rareté des concerts et des festivals dus à leur organisation qui reste très difficile, et le manque d’efficacité des circuits de distribution existants face à la concurrence impitoyable des musiques plus commerciales. Bref, une diffusion qui reste assez restreinte, malgré l’existence d’un public fidèle et enthousiaste. En ce qui concerne Syrinx, nous avons l’avantage de ne pas être assimilés à 100% au progressif. On peut donc espérer utiliser d’autres voies de diffusion puisque notre musique est appréciée aussi par les fans de metal, de jazz, de musiques contemplatives, etc…

Envisagez-vous de faire des concerts ?
Bien sûr, et nous nous y préparons soigneusement.

A quoi peut-on s’attendre lors d’un concert de Syrinx ?
Un son de merde et des fausses notes au kilomètre cube (rires) ! Non, pour être plus sérieux, nous allons essayer d’incarner au mieux notre musique de façon à ce que le public ressente qu’il y a quelque chose de bien vivant et de puissant dans celle-ci tout en conservant un côté introspectif. Et puis ce sera l’occasion pour ceux qui nous suivent de découvrir les morceaux de notre deuxième album.

Quels sont vos futurs projets ?
Notre album Réification constitue la première étape d’un processus qui nécessite trois albums pour être mené à terme. Toutes les musiques du second album sont déjà terminées, et nous réfléchissons sur les meilleurs moyens techniques d’en restituer l’enregistrement. Nous avons également pas mal de choses déjà installées pour le troisième album. Comme nous l’avons dit, nous nous préparons aussi pour les représentations scéniques. Et enfin, nous allons commencer à installer sur notre site internet de multiples informations concernant le concept, la musique et le projet Syrinx.

Quels sont les artistes que vous appréciez et écoutez en ce moment ?
C’est une question piège, car vos lecteurs vont inconsciemment assimiler nos réponses avec ce à quoi peut ressembler notre musique ! On a tous les quatre des goûts très éclectiques, allant de la musique très ancienne à la musique très moderne.

Pour finir, avez-vous un mot à ajouter à cette interview ? Un message pour nos lecteurs ?
Ouvrez toutes grandes vos oreilles ! Syrinx vous attend ! Vous pouvez télécharger des extraits de nos morceaux sur le site.

Propos recueillis par Greg Filibert

site web : http://www.syrinx-aeon.com

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