O.S.I. – O.S.I.

INTERVIEW : OSI

 

Origine : Etats-Unis
Style : Electro-rock progressif
Formé en : 2002
Line-up :
Kevin Moore – chant, claviers, programmation
Jim Matheos – guitare
Mike Portnoy – batterie
Sean Malone – basse

Dernier album :
Office Of Strategic Influence (2003)

Après une période de quasi-absence, hormis quelques participations à Fates Warning et un Chroma Key en stand-by, le légendaire ex-claviériste de Dream Theater revient sur le devant de la scène avec le side-project O.S.I., où il retrouve pour l’occasion son ancien collègue Mike Portnoy. Kevin Moore nous parle d’Office Of Strategic Influence et de ses diverses activités.

Progressia : Pourquoi avoir choisi ce nom ? Nous savons que cela fait référence à une cellule gouvernementale morte-née datant de l’après-11/09, mais c’est tout de même étrange pour un groupe. ?
Kevin Moore : La première fois que j’ai entendu ce nom, je l’ai trouvé excellent ! Généralement, lorsque ce genre d’agence gouvernementale est créée, on lui attribue un nom plus ou moins étrange et codifié. Je crois que O.S.I. reflète ce qui se passe actuellement avec la politique étrangère des Etats-Unis, les médias qui ne montrent pas forcement la réalité, et je trouve ça assez contrariant. Ce nom est un peu une réaction face aux évènements actuels.

Au départ ce devait être un projet orienté metal progressif, à l’instigation de Jim Matheos. Mais l’album a pris une direction plus expérimentale, où l’on ressent l’influence de Chroma Key. Ce choix s’est-il fait d’un commun accord avec les autres membres ou as-tu cherché à imposer ta griffe ?
Kevin Moore : Il n’y a jamais rien eu de très précis concernant la direction musicale à suivre. Aucun de nous n’avait quoi que ce soit à imposer, nous étions tous très ouverts. Au départ, O.S.I. devait être un projet solo de Jim puis progressivement, cela s’est transformé en projet commun. Le changement stylistique s’est fait au fur et à mesure que je rajoutais des idées ou que je posais des vocaux et le style est venu naturellement. Tout le monde avait l’air très enthousiaste en voyant la direction que cela prenait.

Peux-tu nous parler du processus de composition ? J’ai entendu dire qu’il y a eu beaucoup d’échanges d’emails entre vous.
Nous avons effectivement fait la majeure partie du travail via Internet. J’étais chez moi au Costa Rica lorsque Jim m’a proposé de rejoindre le projet. Il m’a envoyé les démos de  » Hello Helicopter  » et  » O.S.I.  » au format MP3. J’ai travaillé quelques idées dessus, composé quelques titres puis renvoyé le tout à Jim. De cette façon, il a pu se faire une idée générale des compos, voir ce qu’il aimait ou pas et commencer à travailler dessus. Après plusieurs mois, nous sommes allés dans le Connecticut enregistrer les parties de batterie, et c’est là que Mike s’est retrouvé impliqué pour la première fois dans O.S.I.. Nous avons discuté avec lui des différents arrangements de batterie pendant quelques jours avant d’attaquer l’enregistrement.

Avez-vous effectué des répétitions tous ensemble ?
Non. Nous ne nous sommes rencontrés que pour parler du projet, mais nous n’avons jamais joué ensemble, excepté pour la reprise de Pink Floyd,  » Set The Controls For The Heart Of The Sun « , que Mike et moi avons enregistré live au studio.

Pourrais-tu nous éclairer sur les paroles ? Y a-t-il un concept caché dans O.S.I. ?
Comme je l’ai dit précédemment, O.S.I. est plus une réaction personnelle face à la politique actuelle des Etats-Unis. J’ai même récupéré quelques extraits de discours et de paroles prononcés par les médias et je les ai utilisés comme boucles sur l’album. Les médias américains sont manipulés par le gouvernement, car ils sont pour la guerre et adoptent une attitude condescendante vis-à-vis des pacifistes et de chaque manifestation. Beaucoup de gens pensent cependant que ça ne reflète pas la réalité, et je crois qu’utiliser la musique est un bon support pour pouvoir exprimer ce type de sentiments.

Sur O.S.I., ta voix est plutôt en retrait, et semble être traitée comme un instrument parmi d’autres, contribuant à l’ambiance générale des morceaux et ne cherchant pas à s’imposer. Te considères-tu vraiment comme un chanteur ou as-tu une autre conception de la chose ?
(Réfléchissant un instant) Non, je ne me considère pas vraiment comme un chanteur. Je me suis plus senti comme un producteur, un compositeur. Je crois que Jim, lorsqu’il m’a apporté les bandes, voulait que je mette mes synthés par-dessus ses guitares, comme je le fais pour Fates Warning. Mais j’ai préféré cette fois-ci une autre approche : faire une chanson ! Et peu importe ce que cela demandait : programmer les parties batteries, programmer des effets, enregistrer des mélodies vocales ou la basse… Mon objectif était de créer une chanson, d’apporter ce dont elle avait besoin. Je me fiche un peu que l’on me considère ou non comme un chanteur. Ici, j’ai eu avant tout un rôle de producteur.

Parlons de l’enregistrement. Sean Malone n’était pas présent lors des sessions studios… J’ai entendu dire qu’il avait envoyé ses parties de basse par emails…
Il nous les a envoyées par voie postale, sur cd. Pendant que nous avancions sur O.S.I., Jim lui envoyait les premières pistes complètes, Sean enregistrait ses parties sur Pro Tools (Ndr: logiciel de traitement du son, boite à outils du musicien) et nous renvoyait alors un cd. Ensuite, soit Jim les acceptait telles quelles, soit il lui demandait quelques changements. Nous avons utilisé ses parties de basse comme nous le voulions. Mais je ne l’ai jamais rencontré.

Vraiment ? Nous sommes nombreux à penser que Sean Malone est un bassiste talentueux. As-tu déjà écouté ce qu’il a fait auparavant ?
J’en ai entendu parler, mais je n’ai jamais écouté ce qu’il faisait. Je sais que Jim a déjà travaillé avec lui sur Gordian Knot.

Parlons maintenant de la chanson  » Memories Daydream Lapses « . Il semble qu’un énorme travail de production a été fait sur ce titre…Peux-tu nous en parler ?
(Kevin prend un instant pour rassembler ses souvenirs) Nous avons utilisé pas mal d’effets ambiants pour enrichir les pistes. C’est une des chansons les plus lentes de l’album, avec une approche très minimaliste de la part de Jim sur les guitares… Je crois que nous y avons inclus pas mal de percussions, comme j’aime beaucoup ce qui se fait près de chez moi, au Costa Rica… Je ne me souviens plus vraiment de ce que l’on a ajouté d’autre, mais je me rappelle m’être bien amusé en jouant tout ça chez Jim. J’ai travaillé sur ce titre après que la batterie ait été enregistrée, et nous avons fait la post-production chez Jim.

Cela faisait un bon bout de temps que Mike et toi n’aviez pas travaillé ensemble. A quoi as-tu pensé quand vous vous êtes remis à collaborer tous les deux ? As-tu retrouvé des habitudes de la période Dream Theater ? Vos méthodes de travail ont-elles
changé ? De quoi avez-vous parlé lorsque vous vous êtes rencontré après si longtemps ?

Nous avons discuté de pas mal de choses, notamment de Dream Theater et des changements qu’il y a eu. Concernant la méthode de travail avec Mike, il n’y pas eu de grandes évolutions de mon côté. Mais pour lui, je crois que c’était quelque chose de vraiment nouveau d’avoir quelqu’un qui lui demandait une nouvelle approche de ses parties de batterie. Ce n’était pas comme avec Dream Theater, où il décide de ce qu’il va jouer. Ici, je lui donnais une direction à suivre. Au départ ça s’est passé un peu de façon maladroite et par moment il y a eu quelques tensions. Mais au final, il a bien accepté la chose. Nous avons essayé pas mal de trucs et quand il n’arrivait pas à quelque chose de bon, il me donnait le feu vert pour faire ce que je voulais avec les prises de batterie pour que cela sonne comme je le désirais…

La première fois que j’ai écouté l’album, je me suis dit qu’il ne sonnait pas comme sur les derniers albums de Dream Theater…
C’est vrai. Mais en même temps, il a donné un son original grâce à son jeu orienté metal progressif, et a très bien su s’adapter à la situation.

Toujours concernant Mike et toi, avez vous vu des évolutions, des changements l’un chez l’autre avec le recul que vous aviez ?
(Il réfléchit) Tu sais, nous ne sommes restés en studio que pendant une ou deux semaines, ce qui est assez court… Dans un premier temps, nous avons surtout discuté, puis nous avons travaillé sur les enregistrements. Je ne crois pas qu’il ait vraiment changé, Mike est toujours Mike ! Il ne me l’a jamais dit, mais je crois qu’il a écouté ce que je faisais avec Chroma Key, et qu’il connaît ma façon d’écrire aujourd’hui. Tiens, d’ailleurs il faudrait que je lui demande ce qu’il en pense, ça serait intéressant !

Steven Wilson de Porcupine Tree fait une apparition sur « ShutDOWN » au chant. Que penses-tu de sa contribution à O.S.I. ?
Je pense que c’était une très bonne idée de l’avoir invité ! Au début, nous voulions qu’il mixe l’album car c’est un excellent producteur, mais ça n’a pas pu se faire, malheureusement. Je crois que sa participation a apporté un peu d’air frais à O.S.I., et elle a plu à beaucoup de fans.

Tu connais des albums de Porcupine Tree ?
Jim m’en a fait écouter pas mal… (il hésite) Je ne sais pas quoi dire (rires), en fait je ne suis pas un grand fan du groupe. Mais je les ai vu en live pendant l’enregistrement, puisqu’ils jouaient à Boston pendant que nous étions dans le New Hampshire. J’ai apprécié certaines choses qu’ils ont jouées et que je n’ai pas écouté sur album. Je dois dire que je les préfère en live.

Cela faisait un moment que tu n’avais pas joué sur des titres heavy comme  » The New Math « . Qu’as-tu ressenti ?
 » The New Math  » est un titre apporté par Jim, je n’ai pas trop participé à l’élaboration de ce morceau. Je n’ai fait que rajouter des synthés et des samples dessus…

Mais penses-tu que ce titre aurait pu figurer sur Disconnected, s’il avait été écrit quelques années plus tôt ?
Je ne sais pas, il faudrait plutôt demander à Jim… Mais j’ai vraiment apprécié de jouer sur  » O.S.I. « , le premier titre sur lequel j’ai travaillé, et qui comportait de grosses guitares. Je me suis vraiment amusé car je n’avais jamais fait quelque chose comme ça avant. Avec Chroma Key, c’est plus tranquille, et c’était un vrai changement de chanter là-dessus. J’ai trouvé cette expérience très enrichissante…

On qualifie souvent O.S.I. de  » version heavy de Chroma Key « . Qu’en penses-tu ?
Je crois que le fait que je chante sur O.S.I a une grosse influence sur la perception des gens. Ça serait la même chose si Steven Wilson ou quelqu’un d’autre chantait à ma place. Comme j’ai beaucoup participé à la composition, aux arrangements et, bien sûr, au chant, je peux comprendre cette réflexion.

Est-ce que le résultat d’O.S.I. correspond à vos attentes ? Avez-vous le sentiment d’avoir exploité toute la matière que vous aviez au départ ?
Comme je te l’ai dit, nous n’avons jamais eu de direction précise. Tout est venu naturellement et nous sommes surpris et heureux du résultat, car ce n’est pas ce que nous envisagions.

Nous avons évoqué un peu plus tôt ta collaboration avec Mike… Es-tu toujours en contact avec les autres membres de Dream Theater ? T’arrive-t-il d’écouter ce qu’ils font ou t’intéresses-tu à d’autres styles de musique depuis ton départ ?
J’écoute toujours beaucoup de rock progressif, et bien sûr, il m’arrive d’écouter du Dream Theater. Je suis toujours en contact avec eux.

O.S.I est-il un projet à court terme ou peut-on espérer un second album ?
Nous comptons faire un deuxième album : notre label nous le demande et nous en avons envie. Je pense que nous allons commencer à plancher dessus à la fin de l’année.

Une tournée aux Etats-Unis ou en Europe est-elle prévue cette année ?
(Il réfléchit) … Non (rires) ! Aucune tournée n’est prévue pour le moment car chacun a d’autres préoccupations. Je vais commencer le nouvel album de Chroma Key qui, je l’espère, sortira chez Inside Out. Mike va quant à lui commencer l’enregistrement du prochain Dream Theater et Jim de même avec le nouveau Fates Warning…

Vas-tu jouer sur le prochain Fates Warning ?
Si Jim me le demande, j’en serai ravi ! Je lui ai proposé de produire l’album mais il ne m’a encore rien dit.

Je sais qu’il y a quelques années, tu as joué avec le groupe On. Quelle était ton implication dans ce groupe ? Etais-tu seulement un musicien de studio ?
Pas vraiment, puisque je suis arrivé après l’enregistrement de l’album. Il y avait une certaine similarité avec Chroma Key : c’était le projet d’une seule personne (ndr : Ken Andrews). Il voulait tourner et avait donc besoin de musiciens. J’ai passé l’audition parce que… j’avais besoin d’argent (rires) ! Quoi qu’il en soit, j’ai eu la place ! Mon boulot consistait à récupérer et sampler des pistes qui étaient sur Pro Tools et trouver le moyen de les réutiliser en live. C’était très instructif car ça m’a montré de nouvelles possibilités à exploiter. Hors cela, je n’ai fait que participer à la tournée.

Tu as l’air friand de side-projects. Hormis les membres d’O.S.I., y a-t-il des gens avec qui tu voudrais travailler, en tant que musicien ou éventuellement en tant que producteur ?
J’aimerais produire le prochain Fates Warning. J’ai aussi proposé à Mike de produire le prochain Dream Theater: il a dit non (rires). Mais il m’a dit que ça pourrait être amusant.

Si Mike te proposait de jouer sur un titre du prochain Dream Theater, quelle serait ta réponse ?
Je ne crois pas que j’accepterais, car je ferais la même chose qu’avant (rires).

Comment expliques-tu cet engouement pour les sides-projects et les diverses collaborations entre musiciens ? Est-ce parce que la musique devient tellement complexe et que le niveau standard est déjà tellement élevé qu’il faut collaborer avec d’autres personnes pour pouvoir se renouveler ?
Je crois plutôt que le side-project est une idée venant des labels. Ils savent que ce genre de chose intéresse un public d’initiés assez large. Il est devenu facile de mettre ce que l’on veut sur ce genre de disques, car on sait que les gens vont se précipiter dessus quoi qu’il arrive, du fait des musiciens qui y figurent. A partir de là, soit tu fais de la merde, soit tu essayes de t’impliquer à fond et faire quelque chose de différent et de qualité.

La non-participation de Daniel Gildenlow à O.S.I., alors qu’il était initialement prévu, a beaucoup surpris. Peux-tu nous en dire plus ?
Daniel est un chanteur vraiment talentueux, avec une voix incroyable ! Je sais que beaucoup de fans auraient préféré avoir Daniel au chant. Mais je crois qu’utiliser la voix de Daniel sur O.S.I. aurait été trop facile, dans le sens où on aurait fini par sonner comme Dream Theater, Fates Warning ou autres. Utiliser un autre style de voix, qui n’est pas assimilé au progressif, nous a semblé plus intéressant et original.

Concernant les vidéos qui se trouvent sur l’édition limitée d’O.S.I., pourquoi ne voit-on que Mike ?
(Rires) Parce que c’est lui le plus intéressant (rires) ! Nous avons tourné ces vidéos la seule fois où nous nous sommes retrouvés tous les trois, lors de l’enregistrement de la batterie. Je n’étais pas là quand Jim a enregistré la guitare : du coup, on ne le voit pas beaucoup puisque je suis le seul à avoir filmé.

Tu m’as dit que tu allais bientôt commencer le prochain Chroma Key…
Avant ça, je vais travailler sur une radio au Costa Rica…

Ce n’est pas une web-radio…
Non, c’est une radio hertzienne, Radio For Peace International, que tu peux écouter partout dans le monde (rires). Nous avons désormais un site
Internet : www.rfpi.org. J’espère qu’on pourra l’écouter également via le net. Je me suis porté volontaire juste après l’enregistrement de O.S.I., et j’anime une petite émission chaque semaine, qui traite de musique et d’actualités. Je vais faire ça pendant quelques mois avant de commencer le troisième Chroma Key cet été. J’espère qu’il sera prêt pour la fin de l’année.

Question traditionnelle : as-tu quelque chose à rajouter ? Quelque chose que nous n’avons pas abordé et dont tu souhaites parler…
Non pas vraiment, puisque nous avons parlé de la radio (rires). C’est généralement de ça que je parle quand on me pose cette question !

Un petit mot pour les lecteurs de Progressia ?
J’espère que vous aimez O.S.I.. Vous pouvez avoir des infos sur O.S.I. par le site Internet, ainsi que sur Chroma Key sur www.chromakey.com. Merci à vous.

Propos recueillis par Dan Tordjman et Greg Filibert

site web : http://www.osiband.com

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