Nnecra Packê – Nnecra Packê



Origine : France
Style : inclassable
Formé en : 1996
Line-up : Dard Nikref Ruced (rythmes), Rean Er Duef (basse), Bhzac Satsenis Nee (guitare, voix), Totae Nsagbi Bllesi (guitare), Enlhec Vipei Popihc (échantillonage, voix)
Dernier album : Paracelse (2002)

Après la chronique et le morceau en écoute, voici l’interview collective d’un des groupes les plus intrigants ayant atterri sur nos platines dernièrement. En effet, quand Nnecra Packê ne se réclame d’aucune scène musicale en particulier, il ne s’agit pas d’un gimmick comme souvent, mais d’une réalité. Ni vraiment progressif, ni complètement post rock, sans être totalement affilié au mouvement indépendant, le groupe se joue des étiquettes pour mieux affirmer sa singularité.

Progressia : Pouvez vous présenter brièvement le groupe à nos lecteurs ?
Nnecra Packê :
Le groupe est marseillais et a été formé en 1996 par trois anciens membres d’Oniromancie. Au départ, il s’agissait d’un trio guitare-basse-batterie, et en 1998, deux nouveaux membres ajoutent une guitare et un échantillonneur sonore. Un an plus tard, départ du bassiste qui est remplacé par celui qui participa à la première session d’enregistrement. Ce dernier s’éclipse à son tour en 2001 et laisse sa place à l’ancien guitariste d’Afterglow après que ce dernier ait réduit le nombre de ses cordes et allongé son manche pour en faire une basse. La première démo de Nnecra, Paracelse, fut donc enregistrée en trio au studio « Small Frappe » en décembre 1997. En mars 2000, une seconde démo, Fornication Under the Control of the King, naquit à la MJC Mirabeau, en quintette, produite par Frédéric De Benedetti (Kill The Thrill/ Enema). Un titre de cette session figure en 2001 sur la compilation nantaise Savoir-Faire 53, « Aujourd’hui Tout Est Réalisable ». Le premier album de NP est disponible depuis février 2002, distribué et édité par le label Musea et porte le titre de la première démo, Paracelse. Aujourd’hui, le groupe compte cinq membres : Dard Nikred Ruced (rythmes), Rean Er Ruef (basse), Bhzac Satsenis Nee (guitare-voix), Totae Nsagbi Bllesi (guitare) et Enlhec Vipei Popihc (échantillonnage-voix). NP a eu l’occasion de jouer avec Der Kampf Gegen den Schlaf, Kill The Thrill, Guapo, Camp Blackfoot, Laddio Bolocko, Natsat, Oxbow, Rroselicoeur, Shipping News, etc..

Votre style est difficile à définir et pour cause : quand on lit les chroniques de Paracelse, on s’aperçoit que c’est soit le courant progressif, soit le courant indépendant qui sont cités. Vous considérez-vous comme « entre deux chaises », et si oui, est-ce inconfortable ?
On ne se sent pas le cul entre deux chaises, ce sont les chroniqueurs qui tentent de nous classer dans tel ou tel « style ». L’étiquette prog nous a été collée parce qu’on a signé avec Musea, label résolument prog, mais on ne se considérait pas comme un groupe de prog auparavant, d’autant que cette signature n’a pas été conditionnée par le critère « rock progressif ». Ils ont simplement été les premiers à se montrer intéressés et nous avons foncé sans trop réfléchir, étant donné que nous connaissions certains groupes distribuées par ce label (Shub Niggurath, Anekdoten). Pour le côté indé, ce terme nous correspond plus, quoiqu’il reste à la fois trop vaste et restrictif, ce qui paraît paradoxal. On peut donc dire que nous sommes progressifs dans la lettre (mais nous préférons la qualification « évolutif ») et indépendants dans l’esprit. Ce n’est finalement pas si inconfortable que ça.

King Crimson, Magma et Pink Floyd d’un côté, Sonic Youth et Ministry de l’autre semblent en particulier avoir eu une grosse influence sur vous…
Nous nous plaisons à dire que notre musique évolue entre Pink Floyd et Neurosis. Pour les autres cités, certains d’entre nous écoutent Sonic Youth, King Crimson ou Magma, et dans une moindre mesure Ministry, qui n’est pas une influence en soi. Nos influences musicales sont tellement diverses et leur enchevêtrement si complexe que notre culture musicale commune nous est finalement très personnelle.

Un membre de Kill The Thrill vous a aidé à la production : vous voyez des connections entre ce groupe et vous ?
Nos connexions sont essentiellement humaines, pas tellement musicales. Pour le premier enregistrement, c’était surtout une question d’opportunité, Fred (qui joue dans KTT et Enema) nous a proposé de nous enregistrer à la MJC Mirabeau, aujourd’hui malheureusement disparue. Pour le deuxième enregistrement, Nicolas était la seule personne à notre portée ayant les compétences, une bonne connaissance des morceaux et le matériel nécessaire pour nous enregistrer.

De même, vous sentez-vous proche de la scène progressive française ? Des groupes comme Nebelnest, Sotos ou Priam ont finalement une démarche assez proche de la vôtre : expérimentale, tant sur les sons que sur les compositions ?
Non. On nous a déjà demandé si nous connaissions Nebelnest dont on nous rapproche souvent, mais ce groupe nous était inconnu à l’époque. Nous avons comblé cette lacune depuis, nous sommes entrés en contact et avons échangé nos albums respectifs : Paracelse a donc rencontré Nova Express, avec peut-être un concert en commun à l’avenir, qui sait ? Ceci dit nous ne connaissons ni Sotos, ni Priam. Donc il faudra que l’on se renseigne sur eux.

Paracelse est composé de deux séries de morceaux bien distincts, l’une enregistrée en 2000, l’autre en 2001. Quelles sont selon vous les évolutions du groupe, en terme de style, de son ?
Avec l’arrivée de Rean, notre nouveau bassiste, on travaille à éclaircir notre son qui nous a posé de nombreux problèmes, notamment en concert. Pour ce qui est du style, nous n’avons pas d’a priori mais le fait est que nous avons tendance ces derniers temps à privilégier l’efficacité et à faire des morceaux plus courts qu’au début.

J’ai remarqué qu’entre les deux périodes, votre style était devenu plus concis et un peu moins extrême, comme sur « Der siebenten Kontinent »…
En effet, tout cela s’est fait assez naturellement, mais s’il nous semble qu’une de nos idées de morceau doive se jouer plus rudement, on ne s’en privera pas.

« La Lune » est un morceau bien à part dans votre répertoire, tant par sa longueur que par la manière dont il se développe : est-il issu d’une improvisation ou d’une démarche de composition ?
Ce morceau était une improvisation que nous avons structurée par la suite. Dès le départ, « La Lune » sonnait à peu près comme sur la version de Paracelse, mais avec une instrumentation plus simple.

D’une manière générale, laquelle des deux méthodes préférez-vous ?
Actuellement on travaille plutôt sur la composition, mais l’impro peut permettre d’amener des idées. Globalement elle n’a plus l’importance qu’elle avait aux débuts du groupe. Il nous arrive de bœuffer au local, de trouver une bonne idée de sorte à la développer pour un morceau, ou bien l’un d’entre nous propose une idée de riff ou de structure. Il s’agit en fin de compte d’une manière classique de composer, mais l’improvisation musicale demande paradoxalement beaucoup de travail et de connaissances techniques que nous n’avons pas. Il ne faut pas confondre le jam et l’improvisation telle qu’entendue principalement en jazz.

Les sonorités ont une grande importance chez Nnecra : est-ce un challenge pour vous d’utiliser des instruments communs pour créer des sons inédits ?
On cherche essentiellement à faire une musique personnelle, pas spécialement à créer des sons inédits. Il est vrai que les sonorités sont importantes pour les ambiances que l’on veut susciter. N’oublions pas que l’important est de jouer, dans tous les sens du terme. C’est en jouant que l’on découvre des sonorités singulières en utilisant des effets ou des objets divers émettant des sons, puis nous les travaillons pour les inclure dans les morceaux.

Allez-vous utiliser de nouveaux instruments et quel est le rôle de l’échantillonnage ?
Cela nous arrive parfois d’utiliser des instruments ou des matières nouvelles (glockenspiel, plaques de métal, rasoir électrique) et rien n’est ni exclu ni prévu. Pour l’échantillonnage, nous l’abordons en tant qu’illustration sonore, comme un complément qui soutient ou enrichit l’ensemble. Parfois des samples peuvent servir de base à un riff. (Cf. « Herakleïtos »).

Un autre titre de Paracelse sort du lot, « Lost In Space ». Sa tranquillité me fait vraiment penser à ce que propose la scène post-rock, et notamment Sigur Ros ou Tortoise : allez-vous développer cette approche ?
Encore une fois nous n’avons pas d’a priori, nous ne nous dirigeons pas dans une direction prédéterminée. « Lost in Space » a évolué de lui-même vers un esprit post-rock, nous l’avons donc laissé s’exprimer dans cette voie parce qu’il nous semblait qu’il sonnerait mieux ainsi ; mais nous ne l’avons pas pensé, avant de le composer, dans un esprit post-rock.

Êtes-vous satisfait de la production assez particulière du disque (son assez rêche, batterie au son sec…) ?
Oui. La première session d’enregistrement, étant donné les moyens limités, a donné un résultat totalement inattendu. Fred de Benedetti a fait des merveilles. Pour l’enregistrement en studio, le son est plus sec, mais aussi plus clair. On peut entendre distinctement chaque instrument, ce qui est la condition première. Il y a une bonne balance entre puissance et clarté. Nicolas est vraiment très pro, rigoureux et exigeant mais aussi très patient. Pour la batterie, c’est le son réel qui a été restitué, avec un peu de reverb’, pour lui donner une texture plus douce. Pour un premier album, nous sommes très satisfaits du son.

Votre formule va-t-elle rester quasi instrumentale ?
A priori oui, étant donné nos compétences respectives en chant, même si Enlhec souhaite pousser la chanson sur un de nos nouveaux morceaux. Nous allons tester et travailler pour voir si ça colle.

Avez-vous eu des opportunités pour tourner ? Quelle expérience vous apporte la scène ?
A part tourner sur nous-même, tourner en bourrique ou nous tourner les pouces… hélas, nous ne faisons pas de scène. Nous avons peu de moyens pour nous déplacer, pas de tour bus, pas de roadies, pas assez de fans non plus ! Pour être plus sérieux, étant donné que nous ne faisons pas de la musique à temps complet, la situation est complexe : certains étudient encore, d’autres travaillent, voyagent ou sont tout simplement fauchés. Il serait suicidaire de notre part de tourner hors de notre région sans avoir ne serait-ce qu’une date et un défraiement assurés, de sorte non pas à gagner de l’argent, mais surtout de ne pas en perdre. Nous avons eu récemment une proposition pour jouer à Reims de la part de nos super-potes les Bumblebees, mais nous avons dû annuler au dernier moment, parce que les salles d’autres villes ne nous avaient pas confirmé de date ou de défraiement en temps voulu. Il est difficile d’organiser soi-même une tournée, donc pour l’instant nous visons des objectifs plus à notre portée.

Et allez-vous désormais faire de la scène ?
Bientôt, mais il est difficile de trouver des plans sans structure professionnelle derrière. Nous avons une date à la Machine à Coudre, à Marseille, avec Enema et Jawad, un autre groupe de Musea, mais l’organisation du plateau et la confirmation de la date restent à établir. C’est normalement pour le 7 juin 2003.

Quels sont vos plans pour le futur ? Un nouvel album, de nouveaux projets parallèles ?
Nous travaillons sur de nouveaux morceaux dans l’espoir d’un 5-6 titres. Nous avons des projets parallèles mais rien de concret, il s’agit surtout de recherche. Nous avons un site web, sur lequel on peut lire notre zine, Asperagus.

Pourquoi l’Agence Tous Risques ?
Nous apprécions la série et on aime également se déguiser dans les bois. On aime aussi les chaînes en or, les armes en plastique, les crêtes de punk, les cigares, les costards en Tergal, les combinaisons de ski, etc..