Porcupine Tree – Porcupine Tree



Origine : Royaume-Uni
Style : Rock progressif
Formé en : 1987
Line-up: Steven Wilson (chant, guitare), Colin Edwin (basse), Richard Barbieri (claviers), Gavin Harrison (batterie)
Dernier album : In Absentia (2002)

C’est un Steven Wilson grippé et en plein décalage horaire que nous avons rencontré pour évoquer In Absentia, l’Arlésienne du progressif en 2002, paru en septembre aux Etats-Unis, et… à paraître en février 2003 en Europe ! Il suffit toujours de lancer Steven sur une question pour bouffer la moitié de l’interview et parler de choses aussi diverses que le risque pesant sur la créativité musicale du fait du CD ou la méthode de promotion du disque aux Etats-Unis…

Progressia : Avant d’évoquer In Absentia, revenons un instant sur Lightbulb Sun. Certains l’ont trouvé trop proche de Stupid Dream, comme si vous aviez refusé de prendre trop de risques…
Steven Wilson : (longue hésitation) C’est difficile d’en parler : ces deux albums ont été enregistrés dans un intervalle très proche, au point que j’en oublie parfois quel titre figure sur quel album, ils forment pour moi une vraie unité. Lightbulb Sun n’est probablement en rien un développement pour le groupe, n’a pas de particularité, ce qui en fait une exception dans notre catalogue. Il a été enregistré si rapidement après la tournée de Stupid Dream que nous n’avons pas eu le temps de développer ni d’explorer suffisamment certaines idées. Je crois néanmoins que cet album possède une saveur différente, c’est un disque sombre et dépressif, issu d’une rupture sentimentale, tandis que Stupid Dream était bien plus joyeux. Je dirais qu’ils sont en fait deux faces d’une même pièce, et qu’en termes de son, ils sont plus proches d’un double CD que de deux œuvres différentes.

Avec les sorties de Recordings, Metanoia et Star Dies, tu souhaitais clore le chapitre Delerium (NDJ : l’ancienne maison de disques de PT) ou est-ce un concours de circonstances ?
Il nous reste des albums à remasteriser, auxquels nous allons ajouter un nouvel artwork, pour réactiver notre catalogue. Cependant, je n’ai pas toujours le contrôle des rééditions, puisque à part Recordings, les titres figurant sur ces compilations ne sont pas ma propriété mais celle de Delerium Records. Du coup, dès que Porcupine Tree franchit un cap en terme de notoriété, ils ont l’opportunité de faire fructifier leur catalogue. Ce sont donc eux qui ont l’initiative de ces rééditions. Je suis cependant heureux d’y participer, car même si je ne peux les empêcher de ressortir du matériel, je peux m’assurer de la qualité sonore et du packaging. En vérité, nous avons travaillé deux ans sur Star Dies. Cela nous a pris un temps fou pour rassembler les titres, faire la pochette, retrouver les photos. Il n’était pas censé sortir en même temps que les deux autres compilations.

Le premier titre de In Absentia « Blackest Eyes », sonne vraiment comme Opeth, avec son riff de guitare acéré et ses parties de batterie saccadées…
Tu connais sans doute l’énigme « l’œuf ou la poule ? »… Je crois qu’elle illustre bien la situation. J’ai travaillé avec Opeth car j’étais déjà immergé dans la scène métal, et j’avais déjà commencé à écrire des morceaux de ce genre. Certaines personnes diront que j’ai écrit de tels titres suite à ma collaboration avec Opeth. Je ne crois pas que ce soit vrai. Certainement, ce travail avec eux m’a beaucoup inspiré, mais j’avais déjà décidé de l’orientation que je voulais prendre avec Porcupine Tree. Pour moi, « Blackest Eyes » est un riff heavy, qui aurait tout à fait pu être écrit par les Smashing Pumpkins, à moins que j’ai raté quelque chose, non ?

Je crois quand-même que l’influence de Opeth est assez prononcée…
Je ne m’en rends peut-être pas compte, cela a peut-être plus que poids que je ne le croyais…

Personne ne t’en avait fait la remarque ?
J’ai bien eu quelques références à Opeth, mais pas pour ce titre… (NdJ : Soit je suis sourd, soit mes collègues ont écouté le CD d’une oreille un peu distraite !).

Plus généralement je suis très étonné par In Absentia. J’attendais un album grand public, comme Stupid Dream ou Lightbulb Sun et c’est en fait un album sans compromis…
C’est effectivement un album plus noir, plus difficile d’accès. Je dirais que ses deux prédécesseurs étaient trop loin de notre côté expérimental, auquel je voulais revenir. Quant à l’aspect métal, cela nous a permis de revenir à un son plus brut. Les gens ont présumé qu’une major aurait une influence sur nous, ou sur notre son et je peux te dire que cela n’est pas le cas. L’album avait été intégralement composé avant que nous ne signions chez Lava, et nous avions déjà décidé que le son devait être plus noir, plus heavy. Notre direction musicale n’a donc pas été affectée et nous n’avons eu aucune pression. Mais je reviens à ton constat : c’est un disque éminemment plus sombre que tout ce que nous avons fait auparavant.

In Absentia est un équilibre entre des chansons au sens premier du terme et des titres instrumentaux complexes…
Ne pourrait-on pas dire cela de tout album de Porcupine Tree ? Est-ce là quelque chose d’unique dans notre discographie ? Je pense que c’est applicable à tous nos disques

Certes, mais les extrêmes sont plus marqués qu’auparavant…
Encore une fois, c’est la conséquence de notre nouvelle direction métal. Elle a agrandi les écarts entre nos chansons et les titres les plus durs, a augmenté le contraste, ce qui fait que les titres les plus beaux, les plus « fragiles » de l’album sont mis encore plus en valeur par les titres les plus heavy. Un second point a pu jouer : nous avons un nouveau batteur sur ce disque (NdJ : Gavin Harisson), bien plus enclin à un jeu précis et qui a produit des parties fantastiques, plus carrées, plus mathématiques aussi. Mais je crois que dès le départ, après un disque aussi morose que Lightbulb Sun, In Absentia devait être un disque rock, « in your face ». Les tempos sont plus rapides, les guitares plus en avant, la batterie est plus complexe et fébrile. Il m’est difficile d’analyser ma musique, nous ne faisons rien de façon préméditée et après tout, c’est plutôt à toi d’analyser (rires) !

Sur les vocaux, j’ai trouvé que tu avais fait un travail remarquable, avec beaucoup de variété. Sur « Trains », par exemple, tu montes vraiment très haut. As-tu beaucoup travaillé ta voix ?
Peut être, je ne pense pas avoir fait quelque chose de plus qu’auparavant. Mais je suis convaincu que le fait d’écouter constamment de la musique m’inspire, tout comme les films, les livres, ma vie et celle de ma famille et de mes amis. Du coup, sans y réfléchir, cela me change et mûrit en moi. Alors j’essaye de nouvelles choses. Je ne suis pas derrière un bureau, en préparant un plan génial et en me disant : « Bon, ça je l’ai fait, essayons ceci ! ». Je suis simplement heureux de voir que les gens découvrent de nouveaux éléments dans ma musique.

Tu avais mentionné dans notre dernière interview, et tu le confirmes aujourd’hui, que les compositions de cet album étaient très heavy. Mais il semble qu’à l’époque, le reste du groupe n’était pas satisfait de l’intégralité de ce matériel : as-tu été obligé de te résoudre à des compromis ?
Compromis, ce n’est pas le bon mot, je crois. Le matériel de départ était bien plus heavy que le résultat final. Ce que j’avais composé au départ correspondait à un album de heavy metal, à 100%. Quand j’ai fait écouter ces premières démos au groupe, nous avons eu le sentiment que les compositions étaient trop génériques, trop «Porcupine Tree fait du métal ». Ils ont considéré qu’il fallait les diversifier, notamment en préservant le son classique de Porcupine Tree, et que les éléments métal devaient être plus intégrés. C’est un piège très commun : je m’étais tellement immergé dans le métal pendant six mois… Juste avant la composition de l’album, je travaillais avec Opeth et je n’écoutais quasiment plus que ce genre de musique. Mon écriture s’en est donc vraiment ressentie. Cela aurait été une erreur de faire l’album à ce moment-là. Nous avons donc incorporé de nouveaux éléments, de nouvelles influences, je me suis remis à écrire des chansons, et c’est là que l’album a retrouvé son équilibre, sa diversité. Au fur et à mesure que j’écrivais, j’intégrais mieux les nouveaux aspects dans les démos. Je crois aujourd’hui que mon matériel de départ était trop proche d’un pastiche de morceaux métal. Cela dit, je persiste à vouloir enregistrer certains de ces morceaux, et je crois que je vais faire ce que je fais habituellement : créer un nouveau projet, exclusivement porté sur cet aspect de mon écriture !

Ce matériel pourrait donc figurer sur un album solo, ou sur l’album en préparation avec Michael d’Opeth ?
Je n’ai pas encore décidé. Michael veut absolument que nous fassions quelque chose ensemble, et dès que nous aurons du temps, nous nous y attellerons.

Pour les morceaux plus durs, tu as écrit des paroles très sombres, comme sur « The Creator Has a Mastertape », ou « Strip the Soul »…
Je suis fasciné par la psychologie et par les gens à qui il manque un aspect de leur personnalité ou de leur code moral, d’où le titre, In Absentia. Je parle ici de gens tels que les tueurs en série, ceux qui abusent d’enfants ou qui battent leurs femmes, de toutes ces personnes effrayantes qui peuplent notre monde. J’ai toujours été fasciné par les choses que je ne comprends pas. Dans mes paroles, je parle de drogues alors que je n’en ai jamais pris, de la guerre alors que je n’y suis jamais allé, et je voulais étendre ce procédé aux individus qui ne sont pas comme nous : ils vivent sur la même planète, ont notre apparence, et le plus troublant chez eux est que leurs amis les plus proches comme leur famille ignorent totalement cet aspect sombre de leur personnalité. Je suis fasciné par le procédé par lequel un être humain devient un monstre. J’ai du coup écrit sur les tueurs en série, notamment, ce qui n’est pas particulièrement commercial ! Je pense que ces paroles étaient vraiment dans le ton de cette musique plus dure, plus torturée, et que cette attirance soudaine est arrivée au bon moment pour cet album. Les paroles les plus sombres et les plus impressionnantes correspondent à ces titres. Je suis d’une manière générale très fier des paroles de l’album.

On retrouve en revanche des paroles plus classiques pour le groupe, très personnelles et autobiographiques, comme « Heartattack in a Layby » ou « Prodigual ».
« Prodigual » est en effet très personnel, « Heartattack » est plus une histoire racontée à la première personne. En fait, je crois que chaque compositeur, s’il écrit vraiment du fond de son cœur et de son âme, met une part de lui-même dans ses chansons. Les gens font parfois des confusions quand ils cherchent à comprendre comment les compositeurs écrivent leurs paroles. Pour moi, et je crois que c’est vrai pour beaucoup de compositeurs, toute chanson n’est jamais vraiment autobiographique, jamais complètement fictionnelle, c’est toujours entre les deux, parce qu’écrire des paroles est un peu comme mêler tous ces éléments et ces inspirations pour en faire une histoire. Si j’analyse les paroles d’une chanson comme « Heartattack », je pourrais te dire : « Cette ligne est autobiographique, cette ligne est tirée d’un film, celle-ci d’un livre… », chaque ligne a une origine différente et le talent du compositeur est de les mettre ensemble de sorte que cela devienne une histoire cohérente, que l’on lit comme une expérience individuelle unique. « Heartattack » est assez représentative de cela.

« The Sound of Muzak » est un jugement très dur et cynique porté à l’encontre de la musique d’aujourd’hui : es-tu de ceux qui pensent que la musique des années 70 était meilleure, et ne penses-tu pas que tu fais désormais partie du système en signant avec une major ?
Oui et non. Je ne critique pas le système mais le fait qu’au 21éme siècle les gens ne s’intéressent plus à la musique, comme ils le faisaient quand j’étais gamin. Notre mode de vie a changé, les gens achètent des disques comme ils vont à l’épicerie. J’étais gosse durant les années 80, une décennie épouvantable pour la musique, et je piochais dans les années 70 pour y trouver la musique qui me plaisait. J’avais 15-16 ans et la musique était tout pour moi, comme pour beaucoup de mes amis. Aujourd’hui, je crois que la musique est descendue au dernier rang des priorités des jeunes, après les jeux vidéos, MTV, les vacances. Je trouve cela tragique : la musique devient insignifiante pour les jeunes. Pour revenir à ta première question, on pourrait dire que cette dégradation vient du fait que la musique est moins bonne qu’auparavant, mais je ne crois pas que cela soit nécessairement vrai. Je crois que ça l’est partiellement, la musique a tendance à être moins riche et complexe qu’elle ne l’était dans les années 70. Il y a eu un âge d’or pour la musique, débutant en 1967-1968, avec Sergent Pepper’s… et Pet Sounds, jusqu’à l’arrivée du punk à la fin des années 1970. Durant cette période de dix ans, la musique s’est élevée au rang d’art, les groupes pensaient à la façon dont ils pouvaient amener leurs albums à ce niveau, celui de l’art. Ce mouvement a pourtant amené des disques très accessibles. Mais le punk a tout changé, et devait peut être fatalement arriver. Sur ce, deux inventions des années 80 ont été néfastes pour la musique. La première a été MTV : la musique devait à nouveau correspondre à un format de 3 minutes, alors que les musiciens avaient tout fait pour s’en éloigner. On revenait à cette mentalité des années 50, où seul le single comptait. La seconde est le Compact Disc : le CD a tué l’album en tant que format, les quarante minutes divisées en deux parties. Je crois que l’auditeur ne peut réellement donner son attention à un groupe au delà de quarante à quarante-cinq minutes. Avec les quantre-vingt minutes du CD, beaucoup d’albums sont trop longs. Je pense que c’est également le cas de In Absentia : il est bien trop long. J’aurais adoré réussir à le faire en quarante minutes, mais je n’y suis pas arrivé. Je crois qu’aujourd’hui, pour un ado qui achète un disque d’un groupe à la mode, c’est juste du « fast forward », « Où est donc le single ? ». Il n’y a plus de notion d’écoute d’un album en lui-même, on en reste au séquençage. Tout le concept d’emmener son auditeur pour une sorte de voyage n’existe plus… à l’exception de quelques groupes (rires), comme Radiohead ou d’autres. Je ne veux pas dire que nous sommes les seuls à avoir cet objectif. Mais d’une manière générale, la façon dont les gens écoutaient la musique et dont les auditeurs se préoccupaient de celle-ci n’existe plus. C’est si facile aujourd’hui de se contenter de grappiller ici et là… C’est de cela que « The Sound of Muzak » parle, de cette paresse des gens face à ce qui demeure pour moi la plus importante et la plus puissante des formes d’art. Je crois que la musique reste supérieure aux films, elle est la seule qui permette à l’auditeur de participer et de se projeter. Avec les films, tout est là pour vous : l’image, l’histoire, le son, tout est donné. Avec la musique, les gens peuvent encore interpréter. Ce n’est donc pas à propos de l’industrie que j’ai écrit ces paroles, mais par rapport aux relations que les gens entretiennent avec la musique.

Je ne suis pas d’accord avec ta conception du CD : avec les vinyles, les groupes de progressif des années 70 faisaient un titre sur une face, le reste sur la seconde. C’était très artificiel, et aussi très limité.
Chaque format a ses limites, et le CD n’y déroge pas. Mais il y a différents types de limitations : le vinyle a créé une discipline qui n’existe plus aujourd’hui. Des groupes de progressif contemporains écrivent des suites de plus d’une heure…

Toi tu aimes les Flower Kings !
Je ne sais pas, je ne les connais pas. Mais je sais qu’ils ont effectivement écrit un titre de plus d’une heure (rires) ! Il y aurait une théorie selon laquelle la durée parfaite pour un titre est de vingt minutes : regarde tous les grands morceaux épiques du prog. Je ne sais pas pourquoi, mais ces morceaux étaient également inclus dans des albums de quarante à quarante-cinq minutes. Je ne dis pas que c’est une règle universelle (rires), mais de façon générale, je crois qu’il y a un truc magique derrière cette durée. Regarde les classiques des vingt dernières années, comme Nevermind de Nirvana, Grace de Jeff Buckley ou Dummy de Portishead : c’est le même format. Je n’arrive pas à trouver une telle forme à des albums durant quatre-vingt minutes et comportant vingt chansons, mais tu vas probablement me donner des exceptions à ma règle (rires) !

Tu n’as peut être pas tort. En tout cas, à quand une nouvelle chanson de Porcupine en vingt minutes (rires) ?
On en a fait à nos débuts. Aujourd’hui, je ne pense plus aux albums de Porcupine Tree en terme de morceaux plus ou moins longs, mais en tant qu’albums en eux-mêmes. In Absentia, pour moi, est une pièce de musique, faite de différentes parties, avec beaucoup d’interconnections, de continuités, de transitions, de séquençage. Considères-tu Dark Side of the Moon comme dix chansons ou comme un tout ? Je le considère comme un tout. Et de même, Sergent Pepper’s… ou Pets Sounds sont des unités, et j’aime à penser qu’il en va ainsi des albums de Porcupine Tree. Je me fiche d’écrire des titres de deux ou de vingt minutes, je veux une pièce de musique. Après tout, qu’est ce que Close to the Edge ? Quatre chansons, bien arrangées, avec des retours de thèmes, des transitions certes, mais qui restent quatre chansons (NdJ : voilà qui s’oppose peut-être à la théorie de la durée parfaite).

En tout cas, j’ai le sentiment qu’aucun disque de Porcupine Tree n’a été autant pensé et travaillé dans ce sens qu’In Absentia, dans une recherche de cohérence notamment.
Cette fois, nous avions beaucoup plus de temps. Pour être honnête, avant même que nous n’entrions en studio, j’avais une idée très claire de la forme qu’allait prendre le disque. Nous avons pris tellement de temps pour négocier le contrat que nous n’avions plus qu’une envie : entrer en studio et faire ce fichu disque. Mais ce temps supplémentaire nous a donné le privilège de bien préparer le séquençage, la forme et le son du disque. Parfois, on peut écrire dix grandes chansons, qui ne font pas pour autant un album ensemble. Il y a beaucoup d’exemples de disques considérés comme des chefs d’œuvre, alors que si l’on considère individuellement les chansons qui sont dessus, on choisirait un autre album du même artiste. Sergent Pepper’s des Beatles contient beaucoup de classiques, mais ce qui en fait un album indépassable, c’est cette cohérence, cette profondeur du son, qui lui donne plus de poids que tout autre album des Beatles. J’espère que In Absentia contient les meilleures chansons sous la meilleure forme, en tant qu’album.

Parlons de l’aspect promotionnel. Es-tu heureux du lancement de l’album aux Etats-Unis ?
Ça s’est très bien passé. C’est étrange de voir comment se font les choses aux Etats-Unis. En Europe, nous avons tendance à sortir un album, et à mettre toute la promotion en branle durant les premiers mois du lancement. Après, le disque meurt. Aux Etats-Unis, le premier single pour In Absentia sortira en février, près de cinq mois après le lancement de l’album. C’est très étrange, mais ça marche : l’album sort, il est chroniqué, les gens en parlent, les radios le passent, les vidéos passent sur MTV. Ce délai avant la sortie du single lui donne de grandes chances d’avoir de l’impact, car le terrain a été préparé. Je crois que cela n’aurait pas été le cas si nous avions lancé single et album en même temps. Aux Etats-Unis, le marché est si énorme qu’il faut agir de la sorte, il faut y aller graduellement. Nous y sommes allés deux fois pour la promotion, et nous avons constaté au fil du temps un rajeunissement de notre auditoire, une plus grande diversité, de plus grandes salles, un nouveau public s’est formé, incluant aussi nos anciens fans. En ce sens, ça se passe bien, et je suis optimiste… pour une fois (rires) !

Je suppose que tu sais que beaucoup de fans européens ont été déçus du retard du lancement de l’album, et qu’ils se sont rabattus sur les disques importés, ce qui pourrait avoir pour conséquence de minorer vos ventes en Europe.
Seules sept mille copies de l’album ont été exportées des Etats-Unis vers l’Europe. Sept mille copies ! Si cela représente le total des disques que nous pouvions vendre sur toute l’Europe, c’est que l’album est un flop de toute façon. Je crois que tu as raison, nos fans les plus avides vont l’acheter par import, mais ce sont aussi ceux qui seront intéressés par l’édition européenne qui contiendra 2 titres supplémentaires. Je comprends qu’ils soient mécontents, mais il y a eu quelques contretemps. En vérité, pendant des années, nous avons enregistré pour des maisons de disques anglaises : nos albums sortaient en Europe, puis six mois après aux Etats-Unis. Aujourd’hui, nous enregistrons pour une maison de disques américaine, et c’est l’inverse qui se produit : c’est ainsi ! Quand une major finance l’enregistrement et la sortie d’un disque, cela fonctionne généralement de la façon suivante : le groupe délivre l’album, et le label va vivre avec celui-ci pendant quelques mois avant sa sortie, organiser le packaging, la sélection des titres, la promotion, etc… Puis, la maison de disques contacte les sociétés affiliées dans le monde pour la sortie en dehors des Etats-Unis. East/West France recevra le disque pour la première fois quelques semaines seulement avant la sortie américaine, et ils doivent eux-même préparer le lancement, le plan média et marketing. Pour un groupe comme Radiohead, on peut faire un lancement mondial, mais nous sommes trop nouveaux pour risquer la précipitation. C’est la réalité, c’est dommage, et certains se sentirons trahis, mais pendant des années, ce sont eux qui ont été privilégiés. Il y aura toujours des mécontents !

Je jetais un coup d’œil à votre emploi du temps et j’ai remarqué des dates anglaises en mars : vous passerez nous voir durant cette période ?
Je crois qu’il y aura un show fin mars à Paris, puis une tournée en Europe, et on reviendra en France au retour, fin avril.

Et John Wesley (ex-Fish) vous rejoindra ?
Oui, tout à fait !

Qu’apportera-t-il au groupe, sur scène ?
Wes a une grande importance : notre nouveau batteur ne chante pas, or je voulais un deuxième chanteur, pour les harmonies et les chœurs. Mais en plus, comme de nombreux riffs heavy de In Absentia sont joués six ou sept fois sur disque pour les rendre énormes, je pense qu’il nous fallait un second guitariste, pour nous aider à reproduire ce son sur scène.

Est-ce que cela t’aidera à devenir plus « performer » (rires) ?
Je ne sais pas, ce n’est pas trop mon rayon. Comme tu le sais, Porcupine Tree, c’est avant tout un spectacle focalisé sur les musiciens. Ce qui sera différent en revanche, c’est la logistique, car nous allons apporter des nouveaux éléments, des films spécialement tournés pour cinq chansons. Mais au final, tout reste une affaire de musiciens.