Devin Townsend - Physicist

Sorti le: 30/09/2002

Par Florian Gonfreville

Label: HevyDevy Records

Site: www.hevydevy.com

Il sait à peu près tout faire. Il a collaboré avec des pointures dès l’âge de dix-neuf ans, se frottant à Steve Vai notamment guitaristiquement. Le génie Townsend, car il mérite l’appellation stricto sensu, revient deux ans après Infinity.
Physicist existait déjà à l’époque, du moins en idée qu’il évoquait dans ses interviews, comme une gageure : « Strapping Young Lad rencontre les Spice Girls ». Bref, Devin voulait arranger le mariage de la brutalité et de la pop de masse. Mariage heureux ? Pas dit : en fait, l’union n’a peut-être pas même eu lieu, la bête n’a pas consommé la belle. Certes, Townsend a sorti les instruments qui tâchent et certains titres évoquent un retour express à Strapping Young Lad. Mais de jolies mélodies pop, de refrains sucrés : point, il n’en reste ni plus ni moins que la portion déjà servie sur Infinity et Ocean Machine.

Essayant d’être plus accessible, Devin n’a pu changer sa nature : ce qu’il compose demeure fidèle à son essence, immédiatement distinct de ce qui existe ailleurs. La production déjà, très personnelle et dense, n’aide pas à l’anonymat. Mais changement dans l’habitude du multi-instrumentiste : l’album est plus direct et dépouillé qu’auparavant. Nul besoin ici de nombreuses écoutes pour comprendre les dix titres de l’album, hors bonus anecdotique. Et c’est sans doute en cela que l’on reste – voilà bien une première ! – sur sa faim. Les nouvelles compositions sont profondes, emphatiques, terriblement puissantes, mais voilà que celui qui habituait au génie ne surprend plus autant, donnant ici l’impression d’entendre un mélange de son œuvre passée. Quelques perles (« Kingdom » ou « Irish Maiden ») rappellent pourtant que Devin a autrefois habitué à des chef-d’œuvres, renforçant ce goût de trop peu.
Pour en finir avec les regrets, réévoquons la production. Le son est toujours énorme, massif… trop. Les pistes de guitares surproduites résultent en un maëlstrom sonore qui nuit à leur efficacité. Quant au chant, les inquiétudes percent : la voix ne semble-t-elle pas couvrir un registre de styles moins large ?

Il convient néanmoins de nuancer la critique selon le point de vue adopté : pour les fans, c’est une demi-déception ; pour les découvreurs, c’est une œuvre de transition qui leur permettra de vite comprendre pourquoi Tonwsend incarne une vague de renouvellement du metal, ce qui, en soit, n’est donné qu’à peu d’élus car tel éloge ne s’atteint qu’un cran au-dessus des foules. Alors déception, peut-être, mais il serait déjà bon que la communauté metal, à la recherche de renouvellement, prenne conscience de l’évolution qu’a amorcée le Canadien. Physicist y pourvoiera.

Chronique rédigée avec la collaboration de S. Demay.