Aka Moon

03/12/2012

Pôle Sud - Strasbourg

Par Jean-Philippe Haas

Photos: Jean Isenmann

Site du groupe : www.akamoon.com

Malgré deux décennies d’existence, Aka Moon n’a enregistré que peu de disques sous la forme d’un trio. La discographie du groupe belge est surtout riche en collaborations avec d’autres artistes issus de toutes traditions musicales, africaine, latine, arabe ou encore indienne. En 2012, Fabrizio Cassol, Michel Hatzigeorgiou, et Stéphane Galland décident pour promouvoir leur tout nouvel Unison de se lancer dans une tournée, qui en ce mois de novembre passe par le festival Jazzdor, à Schiltigheim, près de Strasbourg. Elle s’achèvera en apothéose par une série de concerts anniversaire avec de nombreux invités, au Jazz Station de Bruxelles.

Le Cheval Blanc est bien connu des amateurs alsaciens de jazz. Jolie petite salle à balcon, elle est ce soir pleine d’un public bigarré constitué probablement d’un certain nombre de curieux. Le trio saxophone alto (Cassol), basse (Hatzigeorgiou) et batterie (Galland) entame le concert tranquillement, en douceur, sans doute pour ne pas effrayer l’auditeur, par une montée en puissance progressive. Les spectateurs ne savent pas encore que le reste de la représentation sera beaucoup moins calme… Car très vite, la batterie sort de sa réserve. Derrière ses fûts pailletés, l’homme aux baguettes passe de la sobriété la plus ascétique à l’exubérance la plus explosive. Sa frappe, aux accents tribaux par moments, ne sait guère rester inoffensive très longtemps, et entraîne dans sa fougue la basse et le saxophone, qui ne se font d’ailleurs pas prier. Les trois compères se connaissent par cœur et leurs interventions respectives sont réglées comme du papier à musique.

Linéaires ou sinueuses, jouant de fulgurances, les compositions sont avant tout le reflet d’un vrai groupe, bien que de larges espaces soient ouverts à l’expression individuelle. Les multiples collaborations d’Aka Moon ne semblent pas avoir imprégné leur travail en solo, du moins au sein des titres choisis pour l’occasion. C’est à peine si on entend ça ou là des réminiscences de percussions tribales ou des motifs rappelant vaguement le jazz ouest-africain. Néanmoins, les titres sont aussi contrastés que les attributs capillaires de nos trois messieurs, dans un registre où le rock a son mot à dire. Sévèrement concurrencé par la section rythmique, Cassol doit exploiter toutes les possibilités de son instrument, y compris le souffle qu’il exhale et le tapotement des doigts sur les touches. La musique que propose ce soir Aka Moon ne s’adresse pas aux oreilles sensibles et même si une sorte de semi-improvisation, peu convaincante, constitue la seule ombre au tableau, l’assistance est conquise par un spectacle dense et sans temps morts. Elle manifeste d’ailleurs son contentement par des interjections de joie et des applaudissements nourris.

« Bref mais intense » comme il est d’usage de dire. Une heure et quart, ce type de musique ne nécessite pas davantage de temps pour exprimer la pleine mesure de son intensité. Le public n’en demande pas plus et se presse au stand de disques. Une manière d’évacuer sa frustration en se jetant sur l’excellent Unison, ou plus vraisemblablement de prolonger un peu une soirée bien entamée.